Albert, E., O. Halfon, M. C. Mouren-Simeoni et M. Dugas. « Etude comparative de deux groupes d’anorexiques mentaux examinés dans un service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ». Psychiatry and Psychobiology 3, no 2 (1988) : 87–98. http://dx.doi.org/10.1017/s0767399x00001863.
Résumé :
RésuméNotre travail a porté sur la comparaison statistique de deux groupes d’anorexiques mentaux de moins de 13 ans et de plus de 13 ans, examinés dans un service de pédopsychiatrie, et répondant aux critères du DSM-III. II met en évidence les éléments suivants.1)L’anorexie mentale est peu fréquente chez les enfants de moins de 13 ans par rapport aux adolescents, puisque ce groupe comprend 14 patients sur un intervalle de 7 ans et demi, alors que le groupe des moins de 13 ans comprend 37 patients pour un intervalle de 2 ans et demi.2)La proportion de garçons est plus élevée dans le groupe des moins de 13 ans puisque nous retrouvons 5 garçons pour 9 filles, les garçons représentant 35% de ce groupe, et la prédominance féminine est plus nette à la puberté puisque nous comptons 1 seul garçon pour 36 filles, les garçons ne représentant donc que 3%.3)Les retards de croissance sont marqués chez les jeunes anorexiques. Dans notre série, ils ne touchent que des garçons (3). L’anorexie est apparue respectivement à 10 ans pour le premier et à 11 ans et demi pour les deux autres. Pour deux patients, la taille définitive est normale. Le troisième patient, à 23 ans, a une taille inférieure à - 2 DS. On peut s’interroger sur l’absence de retard de croissance dans notre série chez les jeunes anorexiques de sexe féminin. L’explication, à notre avis, réside dans l’âge généralement élevé (> 10 ans) de nos anorexiques filles lors du début de la maladie. Leur croissance était déjà bien avancée et la puberté sans doute amorcée. A l’opposé, les garçons qui ont eu un arrêt de croissance étaient plus jeunes et tous prépubères au début de l’anorexie.4)Cliniquement, la symptomatologie est plus bruyante dans le groupe des moins de 13 ans avec:– un état prémorbide fait de troubles du comportement alimentaire dans l’enfance;– une perte de poids plus rapide. Elle est souvent inférieure à 25% du poids antérieur mais la cachexie est marquée, le tissu adipeux étant peu abondant avant la puberté. Dans le groupe des jeunes anorexiques, la perte de poids est en général comprise entre 15 et 20%;– un refus d’hydratation associé au refus de nourriture dans 3 cas sur 14, cette particularité n’a pas été observée dans le groupe plus âgé.Ces deux dernières constatations mettent en cause les critères DSM-III de l’anorexie mentale pour les jeunes enfants.5)En revanche, nous n’avons trouvé aucune différence significative entre les deux groupes concernant:– la prévalence des maladies psychiatriques chez les ascendants et la fratrie: elle est de 17,8% chez les parents du groupe 1, en majeure partie faite de troubles thymiques (16%). Dans la fratrie de nos patients, la pathologie la plus souvent retrouvée est un trouble des conduites alimentaires;– la place de l’anorexique dans la fratrie, le statut social des parents, la situation du foyer parental; l’hyperactivité physique, la survenue de vomissements provoqués, la prise de laxatifs et les plaintes somatiques;– la prévalence de la dépression comme diagnostic associé. Elle est néanmoins élevée dans les deux groupes puisqu’on retrouve 86% d’états dépressifs dans le groupe des moins de 13 ans (12 cas sur 14), 60% d’états dépressifs chez les plus de 13 ans (22 cas sur 37);– la sévérité des stress psychosociaux;– le niveau d’adaptation et de fonctionnement social et scolaire dans l’année écoulée. Dans les difficultés d’adapta tion constatées chez nombre de nos anorexiques, rentrent tout autant les troubles de la relation sociale que des dis torsions cognitives responsables de faibles performances, en dépit d’un surinvestissement de la scolarité et d’efficiences intellectuelles tout à fait satisfaisantes.6)Nos conclusions ne sont que fragmentaires en matière de devenir de l’anorexie du fait de l’imprécision de cer taines données recueillies, de la durée relativement brève de la catamnèse (les anorexiques du groupe 1 ont générale ment bénéficié d’un suivi plus régulier et prolongé - 4 ans en moyenne -, que ceux du groupe 2: 2 ans er moyenne), et de la faiblesse de l’échantillon des moins de 13 ans.Le poids s’est normalisé dans 78,5% des cas dans le groupe 1 et 54% des cas dans le groupe 2. On constate done que sur le plan symptomatique, il n’est pas très difficile de refaire prendre du poids aux anorexiques.Le comportement alimentaire est satisfaisant chez 9 sujets du groupe 1 (64%) et 19 sujets du groupe 2 (51%)L’apparition ou le retour des règles est observé chez 6 filles sur 9 du groupe 1 (66,6%) et 20 filles sur 36 dt groupe 2 (55,5%).L’évaluation de l’état mental de nos sujets (elle concerne 12 sujets du groupe 1 sur 14, 2 n’ayant pas répondi aux questions posées) montre qu’une patiente présente une anorexie mentale chronique avec des épisodes récurrent; de dépression majeure, qu’une autre patiente a fait un épisode de dépression délirante et qu’une troisième peut êtri considérée comme schizophrène. Six sujets souffrent d’une anxiété chronique avec manque de confiance en soi e phobie sociale pour l’un d’entre eux. Les 3 derniers ont un fonctionnement satisfaisant dans tous les domaines Comme on le voit, l’anorexie mentale est une maladie grave dont le pronostic est réservé. Cependant l’évolution ne nous a pas semblé différente dans les deux groupes concernant les paramètres comportementaux. Il faut cepen dant souligner qu’à deux exceptions près, les anorexiques de moins de 13 ans avaient débuté leur maladie immédia tement avant la puberté ou tôt après son début.