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Ansaloni, Matthieu. "Les politiques publiques comme phénomènes hégémoniques : L'exemple des politiques agro-environnementales en Europe." Canadian Journal of Political Science 49, no. 3 (September 2016): 449–71. http://dx.doi.org/10.1017/s0008423916000809.

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Abstract:
RésuméCet article suggère de saisir les politiques publiques comme le fruit de phénomènes hégémoniques. Cette perspective appréhende la transmission des cadres d'interprétation comme étant un phénomène intrinsèquement conflictuel. Ce faisant, nous espérons dépasser une difficulté commune aux études qui mettent l'accent sur les idées et les discours : le fait de négliger les luttes cognitives et symboliques que livrent des acteurs aux positions asymétriques, donc les conflits qui les opposent. Nous suggérons de penser l'hégémonie à la lumière des débats sur les affaires publiques, après quoi nous illustrons cette perspective à partir de l'exemple des politiques agro-environnementales anglaise, française et hongroise. La perspective proposée dans cet article permet, de manière générale, de jeter un regard original sur la production de l'ordre politique.
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Reynaud, Jean-Daniel. "Relations professionnelles et vie politique. Quelques réflexions à partir de la crise de relations professionnelles en Europe occidentale." Relations industrielles 35, no. 1 (April 12, 2005): 41–64. http://dx.doi.org/10.7202/029036ar.

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Abstract:
À la lumière des événements depuis dix ans, l'auteur passe en revue ce que l'on pensait des tendances prof ondes dans le système des relations professionnelles, alors que beaucoup étaient convaincus de l'existence d'un modèle de portée suffisamment générale pour que l'on puisse expliquer les cas déviants. Il se demande que vaut aujourd'hui ce modèle, quelles critiques il soulève, quelles corrections il faut lui apporter et quelles leçons de méthode on peut en tirer.
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Prado Jr., Plínio W. "A DESORIENTAÇÃO GERAL." Revista Observatório 4, no. 2 (April 1, 2018): 995. http://dx.doi.org/10.20873/uft.2447-4266.2018v4n2p995.

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Abstract:
Este ensaio se interroga sobre a situação de impasse geral na qual vivemos no momento presente, devido à crise profunda da política ocidental moderna e, portanto, da condição histórica ela mesma, enquanto promessa de emancipação dos sujeitos. A falta geral de horizonte, o desaparecimento de um verdadeiro projeto crítico, histórico-político, o vazio de sentido que uma política reduzida à gestão do sistema liberal deixa na sua ruína, caracterizam esse impasse. A questão atual é portanto a da desorientação geral. Esta define o motivo condutor o mais apto a reunir e a articular os diferentes fios dos eventos que tramam hoje o nosso destino. Estes fios trazem todos a marca da ameaça. Que seja a expansão e a intensificação dos atentados do salafismo djihadista na França, na Europa, nos EUA, e a dita “co-radicalização” correspondente da extrema direita islamofóbica; ou o crescimento atual das novas extremas direitas populistas; ou ainda a “política das coisas” do próprio sistema ocidental, reduzindo a política em administração e elegendo a segurança como técnica de governo. Estas ameaças não são todas da mesma espécie, evidentemente, nem se equivalem. No entanto todas têm em comum o fato de atacar em última análise, para lá das solidariedades coletivas, a vida subjetiva, singular, o si. Ou seja, mais precisamente, a relação de si consigo mesmo e com o outro de si, por meio da qual somente um sujeito pode manter uma “linha geral” ao longo de sua existência. De forma que, sob as ameaças diversas, o sujeito perde e se perde (se desorienta) em todas as frentes de luta. Desprovido de sua relação a si, o sujeito ameaçado tende a ser minado : conduzido, dirigido, gerido. última bússola do sobrevivente na época que corre : os recursos do labor que consiste a reatar uma relação de si consigo mesmo e com o outro de si, condição e princípio de toda orientação possível. última forma capaz de opor uma resistência ao tempo presente. Elaborar esses recursos, perlaborá-los, tal é, hoje como ontem, a tarefa da arte, da literatura, do pensamento. PALAVRAS-CHAVE: Arte; outro (de si); destino; djihadista; emancipação; existência; extrema direita. RESUME L'essai s’interroge sur la situation de grave impasse générale dans laquelle le monde se trouve aujourd'hui. Cette impasse est présentée comme engendrée par la crise profonde de la politique occidentale moderne, et partant de sa perspective historique, comprise comme promesse d'émancipation des sujets. Le manque général d'horizon historico-politique, la disparition d'un véritable projet critique, le vide de sens qu'une politique réduite à la gestion du système libéral engendre dans sa ruine, caractérisent cette impasse. La question actuelle est donc bien celle de la désorientation générale. Cela définit le motif conducteur le plus apte à rassembler et à articuler les différents fils des événements qui tracent notre destin aujourd'hui. Ces fils portent tous la marque de la menace : que ce soit l'expansion et l'intensification des attaques du salafisme djihadiste en France, en Europe ou aux États-Unis, et ladite « co-radicalisation » de l’extrême droite islamophobe ; ou la croissance actuelle de nouvelles extrêmes droites populistes ; ou la « politique des choses » (la nouvelle technocratie) du système occidental lui-même, réduisant la politique à la gestion des affaires du système et choisissant « la sécurité » comme technique de gouvernement. Ces menaces ne sont pas toutes de même nature, bien sûr, et ne s’équivalent pas. Cependant, elles ont toutes en commun le fait d'attaquer en dernière analyse, au-delà des solidarités collectives, la vie subjective, singulière : le soi. C'est-à-dire, plus précisément : la relation de soi à soi-même et à l'autre de soi, suivant laquelle seulement un sujet peut s’esquisser [se dessiner lui-même] et maintenir une « ligne générale » au long de son existence. De sorte que, sous ces différentes menaces, le sujet perd et se perd (se désoriente) sur tous les fronts de la lutte, sur tous les tableaux. Dépouillé de sa relation à lui-même, le sujet menacé tend à être complètement miné : mené, dirigé, géré tout au long de son existence. Il s’ensuit la dernière boussole du survivant, dans l'époque qui court : celle que fournissent les ressources du travail qui consiste à reprendre une relation de soi avec soi-même et avec l'autre de soi, condition et principe de toute orientation possible. Ultime forme capable d'opposer une résistance au temps présent. Or, élaborer ces ressources, les perlaborer, c'est précisément la tâche de l'art, de la littérature, de la pensée. MOTS-CLÉS: art; autre (de soi); destin; djihadiste; émancipation; existence; extrême droite. ABSTRACT The essay questions the situation of serious global impasse in which the world is today. This impasse is portrayed as engendered by the deep crisis of modern Western politics, and of its historical perspective, understood as a promise of emancipation of subjects. The general lack of a historical-political horizon, the disappearance of a true critical project, the meaningless that a policy reduced to the management of the liberal system engenders in its ruin, characterize this impasse. The question today is therefore that of a general disorientation. This defines the leitmotiv for gathering and articulating the different threads of events that map out our destiny today. These threads all bear the mark of the threat: that it is the expansion and the intensification of attacks of the Jihadist salafist in France, Europe or the United States, and the "co-radicalization" of the Islamophobic far right; or the current growth of new populists far right; or the "politics of things" (the new technocracy) of the Western system itself, reducing politics to the management of the system's affairs and choosing "security" as a technique of government. These threats are not all of the same nature, of course, and they are not equivalent. However, they all have in common the fact of attacking, in the last analysis, beyond collective solidarities, the subjective, singular life: the self. That is to say, more precisely: the relation of oneself to oneself and to the other of oneself, according to which only a subject can to draw oneself and maintain a "general line" throughout his life. So, under these different threats, the subject loses and loses (disorients) oneself on all fronts of the struggle. Stripped of its relation to itself, the threatened subject tends to be completely undermined: led, directed, managed throughout its existence. It follows the last compass of the survivor, in the time that is running: that provided by the resources of work which consists in taking up a relationship of oneself with oneself and with the other of oneself, a condition and principle of any possible orientation. Ultimate form able to oppose a resistance to the present time. Now, to elaborate these resources, to working-through them, is precisely the task of art, of literature, of thought. KEYWORDS: art; other (of oneself); destiny; jihadist; emancipation; existence ; far right.
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Sauviat, Catherine. "L’ETAT SOCIAL ET LES POLITIQUES PUBLIQUES, À L’ÉPREUVE DES MARCHÉS FINANCIERS ET DE LA CRISE." Revista Políticas Públicas 18 (August 5, 2014): 49. http://dx.doi.org/10.18764/2178-2865.v18nep49-60.

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Abstract:
L’Etat social et les politiques publiques qui l’accompagnent sont depuis les années 1980 en voie de régression en Europe et aux Etats-Unis sous le triple effet de la contre révolution néolibérale, de la pression des marchés financiers et plus récemment, de la crise économique et financière. Après avoir servi dans une première phase d’amortisseur à la crise, les politiques publiques de soutien à la demande sont devenues dans un second temps la cible des politiques d’austérité, conduisant dans certains pays à la résurgence de la question sociale. Cette entreprise n’est pas restée sans résistance. Elle a engendré grèves générales et mouvements sociaux dans les pays concernés, qui réaffirment l’exigence d’une délibération politique des enjeux économiques et sociaux et qui augurent peut être d’une nouvelle « grande transformation».Mots clefs: Etat social, politiques publiques, politiques sociales, politiques de l’emploi, crise, marchés financiers, dette publique, réformes des retraites.O ESTADO SOCIAL E AS POLÍTICAS PÚBLICAS, NA ADVERSIDADE DOS MERCADOS FINANCEIROS E DA CRISEResumo: O Estado social e as políticas públicas que o acompanham estão, desde os anos 1980, numa trajetória de regressão na Europa e nos Estados Unidos sob o triplo efeito da contrarrevolução neoliberal, da pressão dos mercados financeiros e, mais recentemente, da crise econômica e financeira. Depois de ter servido, numa primeira fase, deamortecedor da crise, as políticas públicas de sustentação da demanda tornaram-se, num segundo momento, o alvo das políticas de austeridade, levando ao ressurgimento da questão social em certos países. Esta operação não ocorreu sem resistência. Engendrou greves gerais e movimentos sociais nos países concernidos, que reafirmam a exigênciade uma deliberação política sobre dilemas econômicos e sociais e que são, talvez, o prenúncio de uma nova "grande transformação".Palavras-chave: Estado social, políticas públicas, políticas sociais, políticas de emprego, crise, mercados financeiros, dívida pública, reforma das aposentadorias.
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Turull Rubinat, Max. "La formació del poder polític als segles XII-XV i els orígens medievals de l'Estat. Historia política i historia del Dret: bibliografía recent en llengua francesa (1984-1994)." Anuario de Estudios Medievales 25, no. 2 (April 2, 2020): 761. http://dx.doi.org/10.3989/aem.1995.v25.i2.954.

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Abstract:
Cet article propose de relancer les travaux d’histoire politique pour comprendre la nature du pouvoir politique au Moyen Age et sa pratique, sans que ce propos implique d’avancer vers le fractionnement de la connaissance historique. On revendique le rôle de l'histoire du droit dans la renovation de cette histoire politique et on met l’emphase sur le besoin d 'approximations pluridisciplinaires pour aborder le problème du pouvoir. Il est proposé comme modèle quelque chose de semblable au projet du CNRS français entre les années 1985 et 1988 sous la devise "Genèse de l’Etat Moderne" et sa continuation par l’European Science Foundation sous le titre "The Origin of the Modern State" entre les années 1988 et 1992. L’auteur a recueilli la bibliographie parue entre les années 1984 et 1994 en langue française sur l'histoire politique et juridique, concrètement tout ce que, selon le critère du compilateur, faisait référence aux origines de l’Etat et à la formation du pouvoir politique en France ou en Europe en général du Vème au XVème siècles.
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Kostera, Thomas. "La santé, « nouvelle frontière » de l’intégration européenne ?" Emulations - Revue de sciences sociales, no. 6 (September 10, 2018): 93–122. http://dx.doi.org/10.14428/emulations.006.007.

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Abstract:
Et si la relance de l’intégration européenne passait par la mise en place de vraies politiques publiques en matière de santé ? Cet article cherche à démontrer l’impact que peut avoir l’européanisation naissante des systèmes de santé nationaux – ainsi que ses conséquences sur l’intégration européenne d’une manière générale – à compter du moment où l’on ferait le choix résolu d’avancer vers une Europe de la santé, véritable et approfondie. Cet article ne vise pas à montrer ni comment, ni pourquoi certaines tensions sont nées entre l’Union européenne et le national, du fait de l’européanisation embryonnaire du secteur sanitaire, mais d’imaginer l’étape d’après, la «nouvelle frontière ». À ce titre, il s’agit d’un plaidoyer pour une Europe de la santé cohérente et durable, signe de l’exploration méthodique et pratique du principe de solidarité à l’échelle du « vieux continent ».
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Devresse, Marie-Sophie, and Jean-François Cauchie. "Nouvelles politiques publiques belges sécuritaires et sociosanitaires en matière de toxicomanie : à la recherche d’une logique d’alliance..." Criminologie 33, no. 2 (October 2, 2002): 109–17. http://dx.doi.org/10.7202/004717ar.

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Abstract:
Résumé En Belgique comme ailleurs en Europe, les années 1990 auront symbolisé le retour au premier plan du thème de l'insécurité, et ce, notamment dans le domaine de la toxicomanie. Une préoccupation qui allait notamment se traduire par une volonté politique de créer une alliance entre intervenants de terrain défendant des projets à vocation « sociale » et des acteurs porteurs de projets à connotation socio-sécuritaire ou policière. À cet égard, cet article entend présenter le point de vue de ces différents acteurs et montrer comment l'imposition d'une dynamique d'alliance a conduit ceux-ci à adopter des positions de repli ou de frileuse collaboration. Notre réflexion entendra dès lors s'interroger sur les places respectives des approches pénales et sociales en la matière, ainsi que de produire une réflexion critique sur l'évolution du recours à la réponse répressive en général.
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Dagenais, Huguette. "1995 : Quel développement pour les femmes et les populations?" Introduction 8, no. 1 (April 12, 2005): 1–14. http://dx.doi.org/10.7202/057816ar.

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Abstract:
Dans cette introduction, l'éditrice présente de manière assez détaillée les onze contributions de ce numéro, qui éclairent particulièrement bien l'actualité. En effet, les six articles ont trait respectivement aux questions de militarisation et de politique du genre (A. Michel); et de restructuration économique en Europe centrale de l'Est, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (V. Mognadam); aux liens à établir entre les activités de production et de reproduction dans les projets de développement destinés aux femmes en général (H. Ryckmans) et, en particulier, aux femmes colombiennes (M.F. Labrecque) et saharia de l'Inde (A. Chauhan), de même qu'au rapport entre migration et connaissance du sida au Cameroun (M. de Loenzien et H. Parizot). Le présent numéro n'aurait pas été complet s'il n'avait inclus, d'une part, des témoignages sur la situation des femmes dans les conflits internes en Algérie (M.-B. Tahon) et au Rwanda (E. Mukakayumba) et, d'autre part, des réflexions critiques sur les effets dans la vie des femmes (en Haïti, par exemple; M. Neptune Anglade) des conférences mondiales des Nations Unies qui ont marqué les deux dernières décennies, dont celles tenues au Caire (Y. Pelchat) et à Dakar (F. Sow) en 1994.
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Thébaud-Mony, Annie. "SCIENCE ASSERVIE ET INVISIBILITÉ DES CANCERS PROFESSIONNELS: études de cas dans le secteur minier en France." Revista Direito das Relações Sociais e Trabalhistas 5, no. 1 (October 10, 2019): 13–36. http://dx.doi.org/10.26843/mestradodireito.v5i1.147.

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Abstract:
Depuis plus d’un siècle, l’évolution de la recherche en santé publique, en général, et les risques du travail, en particulier, est largement dominée par les besoins et stratégies des industriels. Ceux-ci interviennent, non seulement dans le financement des études menées, mais aussi dans la conception, les objectifs et les méthodologies de ces recherches, parvenant même à instaurer le doute là où la mise en danger est manifeste. Le travail minier fut, historiquement, dès le 19e siècle, l’un des premiers champs d’affrontements politiques et sociaux concernant les enjeux de la santé des travailleurs, tant en Amérique du Nord qu’en Europe ou sur les autres continents. Il le demeure, comme le démontre cet article à propos de l’invisibilité des cancers professionnels de mineurs ayant travaillé dans deux sites miniers français du sud de la France. S’appuyant sur les enquêtes pluridisciplinaires menées par son équipe de recherche en sciences sociales et celles de chercheurs en sciences de la vie, l’auteure s’attache à montrer comment les pratiques d’expertise et de santé publique sont mobilisées, non pas pour la prévention et la réparation des cancers professionnels, mais plutôt dans un processus continu de mise en doute des savoirs qui préserve les intérêts financiers des industriels et des actionnaires, tout en entravant la décision publique concernant la prévention et la justice sociale.
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Lieber, Marylène, and Marta Roca i Escoda. "Violences en famille : quelles réponses institutionnelles ?" Enfances, Familles, Générations, no. 22 (June 9, 2015): i—xiii. http://dx.doi.org/10.7202/1031115ar.

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Abstract:
Si la famille est en général synonyme d’intimité et de relations de confiance, elle peut également être un lieu d’abus, de contrôle ou de violences. Les diverses formes de violences qui se déroulent dans la sphère privée ont été dénoncées dès les années 1970 par les mouvements féministes. Elles ont alors fait l’objet d’une variété de politiques et d’actions publiques ayant pour vocation de défendre et d’accompagner les victimes, de punir et soigner les agresseurs ou de rétablir des liens familiaux distendus. En s’attachant à la façon dont ces violences ont été définies dans des contextes différents, en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine, cet article a pour ambition de donner à voir les perspectives variées que recouvrent des catégories d’action publique aussi diverses que violences conjugales, violences domestiques, violences intrafamiliales ou encore féminicides ou fémicides, et les conséquences que ces différentes visions du problème ont sur sa prise en charge. Largement influencé par les études genre et la sociologie des problèmes publics, cet article, notamment à travers la présentation des contributions qui composent ce numéro de la revueEnfances Familles Générations, entend questionner les notions de violences de genre dans le cadre familial, dont les frontières sont fluctuantes et investies de façon variée, ainsi que les formes d’institutionnalisation du problème et les solutions qui sont envisagées.
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Biet, Christian. "Naissance sur l’échafaud ou la tragédie du début du XVIIe siècle." Conceptions d’une naissance, no. 1 (August 9, 2011): 75–105. http://dx.doi.org/10.7202/1005446ar.

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Abstract:
La naissance du théâtre français, et particulièrement de la tragédie française, date des dernières années du XVIe siècle et des vingt premières années du XVIIe, au moment où émerge ce qu’on peut appeler la « modernité ». Maintenant oublié, et recouvert par le mythe du classicisme français, ce « théâtre de l’échafaud » s’apparente au théâtre élisabéthain et à la comedia espagnole, aussi bien pour son esthétique générale que pour sa manière de représenter le sang, les crimes et les viols, par des actions spectaculaires. Les exemples d’Alexandre Hardy et de Nicolas-Chrestien des Croix, montrent ainsi que cette nouvelle tragédie entend mettre en scène des actions tragiques (sanglantes) en même temps qu’elle pose à un nouveau public et dans de nouveaux lieux, des questions philosophiques, politiques et religieuses, soulevées par les faits sanglants du temps, par les troubles qui ont saisi la France et par les récentes horreurs des guerres de Religion dont le public a nécessairement le souvenir. La loi, l’ordre, la nature humaine, la souveraineté, la légitimité, le Salut, sont les grands sujets dont la scène s’empare. Ce faisant, elle oblige les spectateurs à les voir, à en être saisis, mais aussi à les penser. Car si le théâtre veut intéresser son public, il doit le faire d’une part grâce à la représentation de transgressions et de contradictions en acte, d’autre part en plaçant l’assemblée des spectateurs face à des corps souffrants et dans une position où chacun devient une sorte de juge : un juge impuissant mais impliqué. La naissance de la modernité et la naissance du théâtre moderne apparaissent donc simultanément en Europe et célèbrent l’invention d’une nouvelle distance critique.
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ΠΑΠΑΔΟΠΟΥΛΟΥ, ΔΕΣΠΟΙΝΑ Π. "Ο ΕΛΛΗΝΙΚΟΣ ΠΕΡΙΟΔΙΚΟΣ ΤΥΠΟΣ ΣΤΟ ΠΑΡΙΣΙ, 1860-1912." Μνήμων 27 (January 1, 2005): 151. http://dx.doi.org/10.12681/mnimon.815.

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Abstract:
<p>Despina P. Papadopoulou, La presse périodique grecque à Paris, 1860-1912</p><p>Cet article se propose de présenter un aspect de l'histoire culturelle dela première communauté grecque de Paris construite à partir de la secondemoitié du XIXe siècle. Afin de donner un aperçu global de lapresse périodique grecque publiée à Paris entre 1860 et 1912, l'articleavance l'hypothèse de deux phases relativement distinctes, comme l'ordrechronologique de parution va de pair avec l'unité thématique.La première période comprend les revues Εθνικόν Ημερολόγιον (1861-1871), Μύρια Όσα (1868-1869), Εθνική (Γραφική) Επιθεώρησις (1869-1870,1871-1872, 1875-1877), et la seconde, les publications Reçue grecque(1886?), L'Hellade (1894?) et L'Hellénisme (1904-1912). Les revues dupremier groupe déclarent haut et fort leur intention principale, «joindrel'utile à l'agréable», tandis que les publications qui paraissent après 1880sont plus orientées vers la politique. Deux revues médicales grecquesrepérées pendant la période étudiée, Γαληνός (1859-?) et Hippocrate (1898-1903), échappent à cette catégorisation bipartite, appartenant à une catégoriede presse spécialisée.A titre général, le souci de la diffusion des acquis scientifiques del'Occident constitue une priorité pour ces revues. Aussi, une place importanteest-elle accordée à la littérature et aux arts pour confirmerl'orientation encyclopédique, sous l'impulsion des Lumières, de cettepresse périodique grecque. De l'autre côté, les choix de certains deséditeurs d'intégrer des articles sur les us et coutumes grecs ou de collaboreravec des historiens tels C. Taparrigopoulos révèlent l'impact duromantisme politique allemand sur la conception de la nation, un impactremarqué aussi dans les oeuvres de divers écrivains grecs de l'époque.Outre le contexte grec, de multiples rapports sont établis entreces revues et l'environnement français. L'apparition même des revuesgrecques à Paris est favorisée par le développement spectaculaire de lapresse française durant le XIXe siècle. Par ailleurs, la tradition françaisedu philhellénisme a dû peser sur la décision des éditeurs grecs de fairepublier leurs revues à Paris. Parmi leurs collaborateurs figurent deshellénistes français apportant le prestige nécessaire aux publicationsgrecques qui visent à conquérir un grand public et à promouvoir lesintérêts de la Grèce en Europe. Les mêmes préoccupations politiquessont partagées par les représentants diplomatiques grecs à Paris qui sontimpliqués comme collaborateurs dans certaines de ces publications.Considérée dans son ensemble, la presse périodique grecque publiéeà Paris pendant la seconde moitié du XIXe et le début du XXe sièclereflète des influences croisées, grecques et françaises, au niveau du contenuainsi qu'à celui de la forme, et constitue un exemple historiqueintéressant du contact et de l'interaction entre les deux cultures.</p>
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GUYOMARD, H., B. COUDURIER, and P. HERPIN. "Avant-propos." INRAE Productions Animales 22, no. 3 (April 17, 2009): 147–50. http://dx.doi.org/10.20870/productions-animales.2009.22.3.3341.

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Abstract:
L’Agriculture Biologique (AB) se présente comme un mode de production agricole spécifique basé sur le respect d’un certain nombre de principes et de pratiques visant à réduire au maximum les impacts négatifs sur l’environnement. Elle est soumise à des interdictions et/ou des obligations de moyens, par exemple l’interdiction des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), des engrais de synthèse et des pesticides ou l’obligation de rotations pluriannuelles. Dans le cas de l’élevage, les critères portent sur l’origine des animaux, les conditions de logement et d’accès aux parcours, l’alimentation ainsi que la prévention et le traitement des maladies. Ainsi, la prévention des maladies est principalement basée sur l’utilisation de techniques d’élevage stimulant les défenses naturelles des animaux et, en cas de problème sanitaire, le recours à l’homéopathie ou à la phytothérapie ; l’emploi d’autres médicaments vétérinaires n’est pas exclu à condition de respecter des conditions réglementaires strictes1. L’AB s’inscrit dans des filières d’approvisionnement et de commercialisation incluant la transformation et la préparation des aliments, la distribution de gros et/ou de détail et le consommateur final. Dans tous les pays, agriculteurs, conditionneurs et importateurs doivent se conformer à des réglementations pour associer à leurs produits un étiquetage attestant de leur nature biologique. Les produits issus de l’AB sont certifiés et des mécanismes d’inspection assurent le respect des règlements. L’AB mondiale est aujourd’hui encore une activité marginale au regard des terres consacrées (moins de 2%), du nombre d’agriculteurs engagés ou des volumes concernés. Il s’agit toutefois d’une activité en forte croissance avec, par exemple, un triplement des surfaces mondiales dédiées entre 1999 et aujourd’hui. Le marché mondial des produits issus de l’AB était estimé à 25 milliards d’euros en 2006, soit deux fois plus qu’en 2000 (données IFOAM). La consommation est très fortement concentrée, à plus de 95% en Amérique du Nord d’une part, et en Europe de l’Ouest où les principaux marchés sont l’Allemagne, l’Italie, la France et le Royaume-Uni, d’autre part. Sur ces deux continents, les importations sont nécessaires pour pallier le déficit de l’offre domestique au regard de la demande intérieure. Ceci est particulièrement vrai en France. Selon le ministère en charge de l’agriculture (2009), «la demande [française] de produits issus de l’AB croît de 10% par an depuis 1999. Or, l’offre [nationale] de produits issus de l’AB est aujourd’hui insuffisante pour satisfaire cette demande croissante. Les surfaces des 11 970 exploitations agricoles françaises en AB ne représentent que 2% de la surface agricole. Par défaut d’organisation entre les producteurs et à cause de l’éparpillement des productions, une part significative des produits bio n’est pas valorisée». Et simultanément, 25% environ de la consommation française de produits bio est satisfaite par des importations. Cette situation a conduit le Ministre en charge de l’agriculture à proposer, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, un plan visant le triplement à l’horizon 2012 des surfaces françaises en AB (6% de la surface agricole utile en 2012). Pour atteindre cet objectif, le plan inclut un soutien budgétaire à la structuration de la filière bio (sous la forme d’un fonds de structuration doté de 15 millions d’euros sur cinq ans), la mobilisation de la recherche (notamment sous la forme de crédits «recherche»), un soutien accru aux exploitations converties en AB (via le déplafonnement des 7 600 €/an/unité des aides agro-environnementales pour les exploitations en conversion vers l’AB et une augmentation de l’enveloppe dédiée, ainsi que la reconduction du crédit d’impôt en 2009, celui-ci étant par ailleurs augmenté) et enfin, l’obligation dès 2012 faite à la restauration collective de proposer dans ses menus 20% de produits issus de l’AB. Enfin, dans le cadre du bilan de santé de la Politique Agricole Commune (PAC) du 23 février 2009, une aide spécifique aux exploitations en AB d’un montant d’un peu moins de 40 millions d’euros a été adoptée. Le plan français en faveur de l’AB, popularisé sous le libellé «AB : objectif 2012», vise donc à développer la production domestique de produits issus de l’AB via la fixation d’un objectif quantitatif en termes de surfaces dédiées en jouant simultanément sur la demande (via une contrainte d’incorporation de produits issus de l’AB dans la restauration collective) et l’offre (via, de façon générale, un soutien augmenté aux exploitations en conversion vers l’AB et déjà converties à l’AB). Dans ce contexte, le comité éditorial de la revue Inra Productions Animales et la direction de l’Inra ont souhaité apporter un éclairage scientifique sur les acquis, les verrous et les perspectives en matière d’élevage AB. Ce numéro a été coordonné par J.M. Perez avec l’aide de nombreux relecteurs : que tous soient ici remerciés. Après une présentation du cahier des charges français et de la réglementation communautaire (Leroux et al), le numéro se décline en trois parties : une série d’articles sur différentes filières animales concernées (avicole, porcine, bovine allaitante, ovine allaitante), un focus sur deux approches à l’échelle des systèmes d’élevage (ovin allaitant et bovin laitier), et enfin des articles centrés sur les problèmes les plus aigus rencontrés dans le domaine de la gestion sanitaire et de la maitrise de la reproduction. L’article conclusif de Bellon et al fait le point sur les principales questions de recherche qui demeurent. En aviculture (Guémené et al), à l’exception de l’œuf, la production bio reste marginale, mais les filières sont bien organisées. Cette situation résulte d’une relative synergie avec les filières label rouge, avec lesquelles elles partagent plusieurs caractéristiques (types génétiques, longue durée d’élevage, parcours). Des difficultés multiples subsistent néanmoins. La production bio est pénalisée par le manque de poussins AB, des difficultés de maintien de l’état environnemental et sanitaire des parcours, la rareté de l’aliment bio et la difficulté d’assurer l’équilibre en acides aminés des rations (pas d’acides aminés de synthèse), élément susceptible d’expliquer la surmortalité constatée en pondeuse (liée à des problèmes comportementaux). Par suite, les performances sont inférieures à celles de l’élevage conventionnel (augmentation de la durée d’élevage et de l’indice de conversion) et l’impact environnemental, bien qu’amélioré quand il est rapporté à l’hectare, est moins favorable quand il est mesuré par unité produite, à l’exception notable de l’utilisation de pesticides. Prunier et al aboutissent aux mêmes conclusions dans le cas de la production de porcs AB. Relativement au conventionnel, les contraintes sont fortes sur le plan alimentaire (rareté de l’aliment AB, problème d’équilibre en acides aminés des rations) et de la conduite d’élevage (interdiction ou limitation des pratiques de convenance, âge des animaux au sevrage de 40 jours, difficultés de synchronisation des chaleurs et des mises bas, limitation des traitements vétérinaires). Ces contraintes et la grande diversité des élevages de porcs AB se traduisent par une forte variabilité des performances en termes de survie, reproduction, composition corporelle ou qualité des produits : autant de critères qu’il conviendra de mieux maîtriser à l’avenir pour assurer la pérennité de l’élevage porcin AB. Les performances zootechniques et économiques de l’élevage bovin allaitant bio sont abordées dans l’article de Veysset et al à partir d’un échantillon limité d’exploitations situées en zones défavorisées. Les caractéristiques des unités AB diffèrent peu de celles de leurs voisines en élevage conventionnel ; avec un chargement à l’hectare plus faible mais une plus grande autonomie alimentaire, les résultats techniques des élevages AB sont proches de ceux des élevages conventionnels et ce, en dépit d’une moindre production de viande vive par unité de bétail, en raison d’un cycle de production en moyenne plus long. Sur le plan économique, les charges plus faibles (pas de traitements antiparasitaires, pas de vaccinations systématiques) ne suffisent pas à compenser un moindre produit à l’hectare. Un verrou majeur est le déficit de gestion collective de la filière verticale (absence totale de débouché en AB pour les animaux maigres, en particulier) qui se traduit par un problème aigu de sous-valorisation puisque dans l’échantillon enquêté 71% des animaux sont vendus sans signe de qualité : nul doute qu’il s’agit là d’une priorité d’action. En élevage ovin (Benoit et Laignel), également sur la base d’un échantillon malheureusement restreint, les différences de performances techniques et économiques des élevages conventionnels versus bio varient sensiblement selon la localisation géographique, plaine ou montagne ; il est de ce fait difficile (et dangereux) de dégager des enseignements généraux valables pour l’élevage bio dans son ensemble. L’étude détaillée des adaptations des systèmes d’élevage aux potentialités agronomiques réalisée sur quatre fermes expérimentales montre néanmoins le rôle clé de la variable «autonomie alimentaire». Par suite, la situation économique des élevages ovins bio est plus difficile en zone de montagne où l’autonomie alimentaire, voire fourragère, est moindre (l’achat des aliments non produits sur l’exploitation représente 41% du prix de vente des agneaux dans l’échantillon enquêté). In fine, cela suggère que la variabilité des performances de l’élevage ovin bio, de plaine et de montagne, dépend plus du coût de l’aliment et de la valorisation des agneaux que de la productivité numérique. L’article de Benoit et al porte également sur l’élevage ovin biologique, plus précisément la comparaison de deux systèmes ovins allaitants AB différant par le rythme de reproduction des animaux. Cela montre que les performances de l’élevage ovin AB ne s’améliorent pas quand le rythme de reproduction est accéléré, le faible avantage de productivité numérique ne permettant pas de compenser l’augmentation des consommations d’aliments concentrés et la moindre qualité des agneaux. Au final, cela illustre la plus grande difficulté à piloter le système AB le plus intensif. L’article de Coquil et al relève aussi d’une approche systémique appliquée cette fois à l’élevage bovin laitier. Il porte sur l’analyse d’un dispositif original de polyculture-élevage mis en place à la Station Inra de Mirecourt reposant sur la valorisation maximale des ressources du milieu naturel et accordant une importance première à l’autonomie en paille et à la culture des légumineuses (protéagineux, luzerne). Le cheptel valorise les produits végétaux (prairies et cultures) et assure la fertilisation des parcelles en retour. L’autonomie alimentaire étant privilégiée, les effectifs animaux sont une variable d’ajustement, situation plutôt inhabituelle par comparaison avec des élevages laitiers conventionnels qui cherchent en premier lieu à maintenir les cheptels et les capacités de production animale. Les premiers retours d’expérience suggèrent une révision du dispositif en maximisant les synergies et les complémentarités plutôt que de considérer que l’une des deux activités, la culture ou l’élevage, est au service de l’autre. Cabaret et al proposent un éclairage sur les problèmes sanitaires en élevage biologique. Sur la base, d’une part, d’une analyse des déclaratifs des acteurs de l’élevage, et, d’autre part, d’évaluations aussi objectivées que possible, les chercheurs montrent qu’il n’y aurait pas de différence notable entre l’AB et le conventionnel sur le plan des maladies infectieuses et parasitaires (nature, fréquence). La gestion de la santé des cheptels AB repose davantage sur l’éleveur que sur les prescripteurs externes auxquels il est moins fait appel, et sur une planification sanitaire préalable privilégiant la prévention et une réflexion de plus long terme sur la santé globale du troupeau, l’ensemble des maladies qui peuvent l’affecter, etc. La planification n’est pas uniquement technique. Elle requiert aussi l’adhésion des éleveurs. De fait, l’enquête analysée dans cet article relative aux élevages ovins allaitants met en lumière l’importance de ces aspects individuels et culturels sur la gestion de la santé en élevage biologique. Les alternatives aux traitements anthelminthiques en élevage ruminant AB font l’objet de nombreux travaux (Hoste et al). Différents moyens de lutte contre les parasitoses sont mis en œuvre : gestion du pâturage de façon à limiter le parasitisme helminthique (rotations, mise au repos, assainissement), augmentation de la résistance de l’hôte (génétique, nutrition, vaccination), et traitements alternatifs des animaux infectés (homéopathie, phytothérapie, aromathérapie). Les protocoles d’évaluation objective de ces traitements alternatifs posent des problèmes méthodologiques non totalement résolus à ce jour. Mais traiter autrement, c’est aussi réduire le nombre de traitements anthelminthiques de synthèse via un emploi plus ciblé (saison, catégories d’animaux). Au total, de par la contrainte du cahier des charges à respecter, l’élevage biologique a recours à l’ensemble des moyens de lutte contre les maladies parasitaires. Dans le cadre de cette approche intégrée de la santé animale, l’élevage biologique peut jouer un rôle de démonstrateur pour l’ensemble des systèmes d’élevage concernés par le problème de la résistance et des alternatives aux anthelminthiques utilisés à grande échelle. Même si la réglementation n’impose pas de conduites de reproduction spécifiques en élevage AB, elle contraint fortement les pratiques, notamment l’utilisation des traitements hormonaux. L’impact de ces contraintes est particulièrement fort en élevage de petits ruminants (où le recours à des hormones de synthèse permet l’induction et la synchronisation des chaleurs et des ovulations) et en production porcine (où la synchronisation des chaleurs et des mises bas est très pratiquée). Néanmoins, Pellicer-Rubio et al rappellent que des solutions utilisées en élevage conventionnel peuvent également être mobilisées en élevage biologique, l’effet mâle et les traitements photopériodiques naturels notamment, et ce dans toutes les filières, en particulier celles fortement consommatrices de traitements hormonaux. De façon générale, les marges de progrès sont encore importantes et les solutions seront inévitablement multiformes, combinant diverses techniques selon une approche intégrée. Ici aussi, l’AB veut être valeur d’exemple, en particulier dans la perspective d’une possible interdiction des hormones exogènes en productions animales. L’article de Bellon et al conclut le numéro. Il met l’accent sur quatre thématiques prioritaires de recherche à développer, à savoir 1) la conception de systèmes d’élevage AB, 2) l’évaluation de l’état sanitaire des troupeaux et le développement d’outils thérapeutiques alternatifs, 3) la maîtrise de la qualité des produits et 4) l’étude des interactions entre élevage AB et environnement. A ces quatre orientations, on ajoutera la nécessité de recherches sur l’organisation des filières, la distribution, les politiques publiques, etc. dans la perspective de différenciation et de valorisation par le consommateur des produits issus de l’élevage biologique. Dans le droit fil de ces conclusions, l’Inra a lancé, ce printemps, un nouvel appel à projets de recherche sur l’AB dans le cadre du programme dit AgriBio3 (programme qui prend la suite de deux premiers programmes également ciblés sur l’AB). Les deux grandes thématiques privilégiées sont, d’une part, les performances techniques de l’AB (évaluation, amélioration, conséquences sur les pratiques), et, d’autre part, le développement économique de l’AB (caractérisation de la demande, ajustement entre l’offre et la demande, stratégie des acteurs et politiques publiques). Ce programme, associé à d’autres initiatives nationales (appel à projets d’innovation et de partenariat CASDAR du ministère en charge de l’agriculture) et européennes (programme européen CORE Organic en cours de montage, suite à un premier programme éponyme), devrait permettre, du moins nous l’espérons, de répondre aux défis de l’AB, plus spécifiquement ici à ceux de l’élevage biologique. Un enjeu important est aussi que les innovations qui émergeront de ces futurs programmes, tout comme des travaux pionniers décrits dans ce numéro, constituent une source d’inspiration pour faire évoluer et asseoirla durabilité d’autres formes d’élevage.
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BAUMONT, R., and C. HUYGHE. "Editorial." INRA Productions Animales 30, no. 5 (June 29, 2018): 425–26. http://dx.doi.org/10.20870/productions-animales.2017.30.5.2272.

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Abstract:
En 2018, la revue Inra Productions Animales devient entièrement numérique et en accès libre ! Chers abonnés, chers lecteurs, En 2018, la revue INRA Productions Animales entre dans sa 31ème année ! En 30 ans, la revue a publié un peu plus de 1200 articles contribuant ainsi fortement à la synthèse et au ransfert des résultats obtenus par l’INRA, ses collaborateurs et ses partenaires dans le domaine des sciences animales et de l’élevage. La revue INRA Productions Animales s’adresse à un large public de professionnels des filières animales, d’agents du développement et des pouvoirs publics, d’étudiants, d’enseignants et de chercheurs, ainsi qu’à la société en général. La spécificité de nos articles est de combiner la volonté de toucher ce large public avec l’exigence de rigueur de l’écriture scientifique d’une revue à comité de lecture indexée dans le « Web of Science ». Au moment où les filières animales doivent construire leur avenir dans un contexte économique incertain et face à des demandes sociétales de plus en plus exigeantes sur les conditions d’élevage des animaux, sur la qualité de leurs produits et sur l’impact environnemental des modes de production, nous sommes convaincus qu’une revue de synthèse scientifique dans le domaine des sciences animales et de l’élevage est indispensable. Inra Productions Animales continuera à publier des articles de synthèse sur des résultats de recherche et leurs applications concernant toutes les espèces d’intérêt zootechnique tout en apportant aussi un éclairage scientifique, dépassionné et objectivé sur les questions sociétales relatives à l’élevage. Le dernier numéro spécial de la revue – « L’élevage en Europe : une diversité de services et d’impacts » – en est l’illustration. Nous poursuivrons dans ce sens en cherchant à ouvrir plus largement encore nos pages aux sciences humaines et sociales. La revue cherchera aussi à élargir son positionnement dans la francophonie et son rayonnement international en suscitant des articles de nos collègues étrangers. Enfin, nous renforcerons notre partenariat avec les journées scientifiques et techniques des différentes filières animales. Ce sera le cas dès cette année avec les « Rencontres Recherches Ruminants – 3R » dont nous publierons les articles de synthèse. Pour atteindre ces objectifs et mieux répondre aux besoins de nos lecteurs, nous avons entrepris une réflexion sur notre modèle technique et économique qui nous conduit à mettre en œuvre des changements importants à partir de 2018. La presse scientifique, comme l’ensemble de la presse, doit faire face à des changements profonds des habitudes de lecture avec la montée en puissance rapide du web et des supports numériques. Par ailleurs, l’INRA s’engage résolument dans une politique de libre accès à l’information scientifique avec l’archive ouverte des productions de l’INRA (« ProdInra ») par exemple. La revue INRA Productions Animales a été pionnière en la matière en ouvrant dès 1996 un site web et en offrant un large accès au téléchargement de ses articles tout en maintenant une édition papier de la revue. Pour poursuivre et faciliter l’accès à la connaissance scientifique diffusée par notre revue, nous supprimerons les abonnements à la revue et le tirage papier et publierons tous les articles de la revue à partir du volume 31 de 2018 en libre accès sur le portail de revues scientifiques de l’université de Bordeaux (http://open.u-bordeaux.fr/journals/). D’ici quelques semaines, vous trouverez sur ce portail un site dédié à la revue INRA Productions Animales où les articles seront publiés intégralement en format « web » ainsi qu’en format « pdf » téléchargeable. Les numéros spéciaux de la revue et certains dossiers continueront à être aussi publiés en tant qu’ouvrages chez Quae (www.quae.com). Vous trouverez toutes les informations pour accéder au nouveau site de la revue sur son site web actuel (https://www6.inra.fr/productions-animales). En vous remerciant de votre fidélité et en souhaitant vous retrouver encore plus nombreux pour la nouvelle formule d’INRA Productions Animales.
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MORAND-FEHR, P. M., R. BAUMONT, and D. SAUVANT. "Avant-propos : Un dossier sur l’élevage caprin : pourquoi ?" INRAE Productions Animales 25, no. 3 (August 25, 2012): 227–32. http://dx.doi.org/10.20870/productions-animales.2012.25.3.3210.

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Abstract:
Un dossier d’INRA Productions Animales consacré à l’élevage caprin en 2012 peut surprendre. Représentant moins de 1% du produit brut de l’Agriculture Française, cet élevage largement ancré dans son environnement socioculturel local et dans la tradition de terroirs variés, évoque encore, mais de moins en moins, des images du passé comme celle de la «vache du pauvre» ou de la grandmère gardant trois chèvres au bord du chemin. Cet élevage s’est en effet marginalisé au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle dans les pays qui s’industrialisaient, notamment en Europe où l’effectif caprin ne représente plus actuellement que 2% du total mondial. De nombreux arguments ont milité pour éditer ce dossier, d’abord la rapide transformation de l’élevage caprin à la fin du XXème siècle et plus encore dans ces premières années du XXIème siècle, ensuite des travaux originaux conduits récemment sur l’espèce caprine, qui sont venus combler le retard important que cette espèce avait accumulé en matière de recherches agronomiques et vétérinaires. A l’échelle mondiale, l’élevage caprin est celui dont les effectifs ont le plus augmenté au cours de ces vingt dernières années (FAOSTAT 2010) : 4ème troupeau mondial avec plus de 900 millions de têtes (470 millions en 1975) derrière les bovins, les ovins et les porcins ; d’après les prévisions, il deviendrait le 3ème autour de 2015. Nombreuses sont les explications à cette situation un peu paradoxale, mais deux sont souvent avancées par les experts. Cette progression actuelle des effectifs caprins s’observe presque exclusivement dans les pays en développement et dans certains pays émergents. Elle serait surtout due aux difficultés que rencontre le maintien de l’élevage des autres espèces domestiques dans ces zones, dans certains cas du fait de l’appauvrissement des éleveurs et des acteurs des filières animales. Cette progression tient aussi au fait que le marché des caprins a une réalité essentiellement locale et que, dans ces conditions, il n’est pas exposé aux crises internationales que le marché des produits des autres espèces a pu subir au cours des quarante dernières années. En Europe, les effectifs caprins sont restés assez stables : 12,5 M de têtes au total, 1,3 M en France dont 1,1 M de femelles laitières âgées de plus d’un an. La France possède le troisième troupeau (10% des effectifs européens), assez loin derrière la Grèce (37%) et l’Espagne (22%). Il convient de noter la progression importante des effectifs caprins en Roumaine et aux Pays-Bas au cours de la dernière décennie. L’élevage caprin européen, et particulièrement l’élevage français, s’est fortement spécialisé en production laitière puisque 75 à 93% environ du produit brut des ateliers caprins en France provient du lait. En effet, la marge brute que dégage la production de chevreaux de boucherie est réduite en raison des coûts des aliments d’allaitement et des aléas liés à la mortalité périnatale. Des avancées dans les techniques d’élevage, notamment dans les domaines de l’alimentation et de la génétique, ont permis des améliorations assez rapides des performances des femelles laitières. La production laitière moyenne des 240 000 chèvres inscrites au contrôle laitier en 2010 était de 842 kg de lait sur une durée moyenne de lactation de 274 jours avec un taux protéique de 32,3 g/kg de lait et un taux butyreux de 37,0 g/kg de lait. Le plus intéressant à noter, c’est qu’en dix ans la production laitière annuelle au contrôle laitier a progressé de 90 kg, le taux protéique de 1,6 g/kg et le taux butyreux de 2,5 g/kg (Institut de l’Elevage 2012). La France est le premier producteur européen de lait de chèvre avec 30% du lait produit. Plus de 80% de ce lait est transformé en fromages. Même si la consommation présente quelques signes d’essoufflement actuellement, l’augmentation de la production de lait de chèvre depuis plus de trente ans et en conséquence celle des fromages a en général été bien absorbée par la demande, en progression malgré quelques périodes tendues. Ce résultat est dû notamment à de nouveaux produits de qualités rhéologique et organoleptique bien adaptées pour conquérir de nouveaux marchés, à l’utilisation de technologies avancées en matière fromagère et à la bonne image de ce fromage (produit festif et de qualité) auprès des consommateurs. Le secteur caprin en France a suivi l’évolution générale des productions animales : mécanisation du travail, simplification des techniques pour réduire le coût de production et pour améliorer l’efficacité du travail, augmentation rapide de la taille des unités de production. Plus de 35% de chèvres laitières appartiennent à des unités de plus de 350 têtes et la production est de plus en plus concentrée dans une région, le Poitou-Charentes, qui produit plus de 50% du lait de chèvre en France et en transforme encore plus. Bref, cette évolution et ces résultats, malgré un contexte qui tend à devenir de moins en moins favorable, s’expliquent par de multiples raisons, entre autres, la mise en place d’une filière bien organisée, des éleveurs motivés et le plus souvent passionnés par leur métier et une coopération étroite et efficace entre la recherche et le développement tant au niveau national que régional. Cette coopération exemplaire a débuté dès les années 1955-1965 avec des pionniers comme G. Ricordeau, à qui l’on doit la mise en évidence du gène sans corne expliquant le taux élevé d’infertilité en caprins, facteur qui a longtemps freiné le développement caprin (Ricordeau 2008) et J.-M. Corteel, qui a beaucoup travaillé sur la mise au point des techniques d’insémination artificielle (Leboeuf 2013). Ils ont su gagner la confiance des éleveurs, même parfois de petites unités. Ce lien s’est poursuivi et développé ensuite grâce à la création de la section caprine de l’Institut technique ovin et caprin (ITOVIC), mais aussi par des relations directes et personnelles entre chercheurs et responsables du développement ou par des réunions informelles autour de certains problèmes que rencontraient les éleveurs.Cette coopération a très bien résisté dans les années 1980, d’une part, aux nouvelles demandes des éleveurs qui donnaient la priorité aux questions socio-économiques suite à la première crise du prix du lait de chèvre en 1981 et, d’autre part, aux évolutions de la politique de l’INRA, qui face aux nouveaux enjeux scientifiques et technologiques, a été conduit à considérer comme moins prioritaire certaines recherches appliquées intéressant le développement. Ainsi, malgré l’évolution des problématiques scientifiques et des relations entre le monde de la recherche et du développement, mais aussi face au développement rapide de la recherche caprine dans les pays émergents, la recherche caprine en France est toujours très active. Un sondage bibliométrique montre que le nombre de publications avec «dairy goat» en mot-clé, de 250 à 300 par an dans les années 1980-1990, s’est accru nettement au début des années 2000 pour se situer actuellement vers les 700 publications par an. Au cours des dix dernières années, les pays qui ont le plus contribué à ces publications ont été la France, donc l’INRA, suivie par les USA, l’Italie et l’Espagne, eux-mêmes suivis par le Brésil, le Mexique et la Turquie. Ce dossier de la revue INRA Productions Animales a donc pour objectif d’illustrer le dynamisme des recherches menées en France sur les caprins, s’il était encore nécessaire de le faire. Le choix des six thèmes de recherche retenus pour constituer ce numéro n’a pas été aisé en raison du nombre de thèmes possibles. L’ambition de ce dossier n’étant pas d’être exhaustif, la rédaction de la revue et son comité se sont mis d’accord pour ne pas retenir de sujets dans les domaines où les publications ont déjà été nombreuses. C’est le cas, par exemple, de la traite des chèvres laitières (Le Du 1989, Marnet et al 2001), du polymorphisme de la caséine alpha chez les caprins (Grosclaude et al 1994, Manfredi et al 1995) ou encore de la reproduction caprine. INRA Production Animales a en effet déjà publié des articles exhaustifs sur la neuro-endocrinologie de la reproduction chez le caprin (Chemineau et Delgadillo 1994), sur le comportement sexuel de cette espèce (Fabre-Nys 2000), sur la production et la conservation de semence de bouc (Leboeuf et al 2003) et récemment sur la maîtrise de la reproduction de l’espèce caprine (Leboeuf et al 2008). Il a été proposé de sélectionner des thèmes novateurs ou riches en résultats récents, qui intéressent le développement de l’élevage caprin en France, mais aussi de portée internationale. Dans ces conditions, il a d’abord été retenu trois thèmes représentant des dimensions basiques de l’élevage : génétique, pathologie, alimentation avec des articles faisant le point sur les dernières avancées dans chaque secteur, et trois autres thèmes originaux et porteurs d’avenir, le pâturage des chèvres laitières hautes productrices, les apports de la modélisation pour comprendre le fonctionnement du troupeau de chèvres laitières et les techniques rationnelles d’élevage caprin en milieu tropical. Le premier article de Manfredi et Ådnøy (2012) sur la génétique des caprins laitiers, est un travail franco-norvégien illustrant la collaboration continue sur ce thème entre les deux pays depuis près de 50 ans. Il fait le point sur les études de génétique polygénique relatives à la production et à la composition du lait. Il traite de l’approche moléculaire qui démarre en caprins et surtout répond à la question d’actualité sur ce que nous pouvons attendre dans les années futures de la sélection génomique en caprins. Le deuxième article de Hoste et al (2012) sur la pathologie caprine, a réuni des spécialistes de l’INRA, des écoles vétérinaires, de l’Anses et de l’Institut de l’Elevage. Il fait le point sur les recherches en cours et leurs applications concernant diverses pathologies infectieuses d’actualité dans le secteur caprin. Ainsi il passe en revue les principales pathologies provoquées par les prions et les virus, par les agents bactériens et la question des parasites gastro-intestinaux. L’article évoque aussi le projet de la mise en place d’un observatoire des maladies caprines en France. Il se termine par une réflexion intéressante soulignant la proximité des agents pathogènes en ovins et caprins et les différences dans les processus morbides chez ces deux espèces. Il en conclut que des études originales sur caprins sont tout à fait fondamentales pour appréhender certains mécanismes pathogéniques. L’article suivant de Sauvant et al (2012) se propose d’actualiser les recommandations alimentaires des caprins publiées en 2007, pour répondre à une demande du développement. Les avancées dans ce domaine proviennent notamment d’une approche modélisée de la connaissance des nombreuxfacteurs de variation du poids vif, de la production laitière et de la composition de lait. Les lois de réponse plus précises aux apports d’aliments concentrés, les nouvelles lois de réponse concernant la sécrétion des acides gras du lait ainsi que les excrétions d’azote et de méthane, ainsi que les valeurs repères applicables sur le terrain concernant le comportement alimentaire, l’acidose et les besoins en eau sont les principales nouveautés. L’alimentation représente, rappelons-le, 70% en moyenne du prix de revient du litre de lait de chèvre. Parmi les trois articles plus spécifiques sur des sujets originaux, figure l’article de Lefrileux et al (2012) sur l’aptitude des chèvres hautes productrices de lait à valoriser les prairies temporaires au pâturage. Il répond à des demandes variées, notamment la demande sociétale pour une conduite d’élevage plus écologique. Or, peu d’information existe sur ce sujet, d’une part, en raison de la diminution de ce mode d’alimentation à cause des problèmes parasitaires rencontrés et, d’autre part, car la chèvre a la réputation d’être une mauvaise utilisatrice du pâturage et d’avoir un comportement très affirmé pour sélectionner son ingéré. Les auteurs montrent qu’il est possible d’obtenir des performances laitières de 1000 – 1100 kg de lait par an et par chèvre avec des régimes alimentaires où plus de 50% des besoins énergétiques sont couverts par le pâturage. L’étude du fonctionnement du troupeau caprin est un sujet qui a déjà été développé à l’INRA (Santucci et al 1994) mais, au cours de ces dernières années, elle a fait l’objet d’avancées importantes grâce à l’utilisation de la modélisation. L’article de Puillet et al (2012) présente un simulateur de fonctionnement du troupeau caprin laitier permettant de tenir compte de la variabilité individuelle des carrières animales et d’étudier comment les conduites de l’alimentation et de la reproduction mises en œuvre par l’éleveur, modulent les performances du troupeau. De tels outils sont appelés à l’avenir à avoir diverses applications au niveau du terrain pour les agents de développement, par exemple pour quantifier le risque biologique associé à certaines conduites d’élevage. Le Centre INRA des Antilles-Guyane travaille depuis plus de 50 ans sur l’amélioration des systèmes de production caprine en milieu tropical (Alexandre et al 1997). Alexandre et al (2012) présentent dans le dernier article de ce numéro une synthèse sur la situation de l’élevage caprin en zone tropicale. Rappelons que 95% des caprins vivent en milieu tropical. A travers leur grande expérience du sujet, ces auteurs proposent des voies d’amélioration très prometteuses grâce à l’apport d’intrants bien réfléchi techniquement et économiquement, à l’utilisation de l’effet mâle en reproduction et à une complémentation à base d’aliments non conventionnels. Les six articles de ce numéro ne doivent pas occulter les autres recherches sur les caprins effectuées par l’INRA ou d’autres organismes. Comme il n’est pas possible d’être exhaustif, citons simplement quelques exemples qui peuvent intéresser le développement : la maîtrise de la reproduction femelle sans utilisation d’hormones pour répondre aux cahiers des charges de certains produits caprins labellisés (Brice et al 2002) ; la monotraite, technique qui a priori séduit les éleveurs en permettant une réduction de charge de travail (Komara et Marnet 2009) ; les risques d’acidose en liaison avec le comportement alimentaire des chèvres laitières, trouble métabolique encore fréquent avec certainstypes de régimes et dont les conséquences économiques peuvent être importantes (Desnoyers et al 2009) ; l’évaluation des systèmes de production caprine (Bossis et al 2008, Toussaint et al 2009) sans oublier les travaux de technologie laitière réalisées par l’ITPLC sur le fromage de chèvre (Raynal-Ljutovac et al 2007a). Il faut noter aussi le début d’études sur le bien-être des caprins (Servière et Morand-Fehr 2012) et le besoin de travaux sur les lactations longues (14 - 20 mois),technique qui séduit de plus en plus d’éleveurs. Nous devons aussi signaler deux documents importants, l’un sur la qualité du lait de petits ruminants (Haenlein et al 2007) et l’autre sur la production et la qualité de la viande caprine (Mahgoub et al 2011) dans lesquels les travaux de recherches français sur l’influence des systèmes d’alimentation sur la qualité du lait de chèvre (Morand-Fehr et al 2007), sur la stabilité à la chaleur de ce lait (Raynal-Ljutovac et al 2007b) et sur la composition lipidique du chevreau (Morand-Fehr et al 2011) sont présentés. Il nous reste à souhaiter que la lecture de ce numéro apporte une somme d’informations originales à tous les lecteurs cherchant à prendre connaissance des dernières avancées de la recherche caprine et que la recherche caprine se maintienne et se développe à l’avenir en France pour répondre aux demandes de la filière, mais aussi en milieu tropical où les caprins jouent un rôle socio-économique essentiel pour certaines populations rurales.
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Peltier, Regis. "Quelle place pour l’agroforesterie dans l’avenir des forêts tropicales ?" BOIS & FORETS DES TROPIQUES 341 (August 20, 2019): 3. http://dx.doi.org/10.19182/bft2019.341.a31769.

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Abstract:
Avec une population estimée à dix milliards d’habitants dans quelques décennies, l’avenir du monde intertropical sera obligatoirement entre les mains des êtres humains. Ceux-ci protégeront une petite partie des forêts dites naturelles afin d’essayer d’y conserver la biodiversité qu’elles abritent ; ils géreront de façon plus productive une autre partie, ce qui passera très probablement par une simplification de leur diversité, dans la mesure où l’on favorisera les espèces les plus productives, les plus faciles à régénérer et dont les produits seront faciles à industrialiser et à vendre.Et entre la forêt protégée et la forêt aménagée, que restera-t-il ? Des plantations monospécifiques de bananiers, de riz, de cacaoyers, de coton ? Mais alors, comment les espaces forestiers pourront-ils évoluer en échangeant du matériel génétique, s’adapter aux changements climatiques, résister aux maladies nouvelles, etc. ?Les écologues estiment que la forêt ne pourra survivre que s’il existe des liens de continuité entre les massifs forestiers. La connectivité écologique ne pourra que très rarement être assurée par des corridors forestiers continus. L’existence d’îlots forestiers discontinus mais proches et à distance régulière permet le passage en « pas japonais » de nombreuses espèces végétales et animales, mais pas de toutes. Les micro-organismes et la macrofaune des sols forestiers ne peuvent se déplacer qu’à la condition d’une certaine continuité dans la trame arborée. Celle-ci n’est possible que par la présence d’arbres dans les zones cultivées, voire urbanisées. L’agroforesterie est la voie la plus prometteuse pour assurer cette continuité écologique.L’agroforesterie consiste à associer des arbres avec l’agriculture et/ou l’élevage, au niveau des parcelles, des exploitations ou des paysages. Les systèmes traditionnels, à faibles niveaux d’intrants, étaient et sont encore agroforestiers ; mais l’agriculture industrielle à hauts niveaux d’intrants (cf. mécanisation du travail, apport d’engrais, d’herbicides, de semences très améliorées, voire génétiquement modifiées) a, en général, exclu l’arbre des parcelles.Aujourd’hui, de nombreux agronomes, pastoralistes et forestiers travaillent ensemble pour appuyer techniquement et politiquement le retour des arbres dans l’espace agricole et pastoral.La diffusion à grande échelle de méthodes standardisées, mises au point en station de recherche, a rarement marché en milieu tropical. Par exemple, la culture en couloirs, mise au point par l’Icraf1 dans ses stations du Kenya au cours des années 1980, n’a pas été adoptée par les agriculteurs. Elle nécessitait trop de travail pour rabattre régulièrement les rejets d’arbres et limiter le développement de leurs racines, sans résoudre le problème de l’acidification des sols.Croire que l’agroforesterie permettra de stopper les défrichements forestiers par les agriculteurs essarteurs (sur abattis-brûlis) est également une erreur d’analyse. Il est certes vrai que l’agroforesterie permet aux agriculteurs qui la pratiquent de récolter chez eux de nombreux produits qu’ils récoltaient autrefois en forêt ; elle facilite également la culture continue sur le même sol, sans avoir à défricher de nouvelles forêts. Cependant, tant que les gouvernements laisseront les agriculteurs s’approprier des terres en défrichant la forêt publique, puis en la brûlant et en la mettant en culture, ceux-ci continueront à utiliser cette pratique qui permet d’étendre son capital foncier et de cultiver, avec peu de travail et une bonne production, pendant au moins une trentaine d’années.Les systèmes agroforestiers, qui permettent de répondre à presque tous les besoins d’une famille sur une surface limitée, nécessitent une bonne technicité pour limiter les concurrences entre espèces végétales et animales, récolter les différents produits – il est par exemple difficile d’abattre un arbre, pour en récolter son bois, sans écraser les cultures associées – et demandent un travail soutenu. C’est pourquoi les systèmes agroforestiers les plus performants se rencontrent dans les pays où la densité de la population rurale est la plus forte et où les forêts ont disparu (lakous d’Haïti, jardins agroforestiers de Java, bocage Bamilèkè et parcs arborés sur terrasses Kapsiki au Cameroun). Les résultats les plus probants, en matière de diffusion des systèmes agroforestiers au cours des trois dernières décennies, résultent du respect de modalités présentées ci-après :- L’accès aux forêts est limité, soit de fait lorsqu’il n’en existe plus, soit par décision du gouvernement qui met des forêts « sous cloche », en créant des forêts protégées définitivement (parcs et réserves) ou temporairement (capital foncier pour l’avenir), ce gouvernement ayant les moyens de faire appliquer cette politique, ce qui est très rarement le cas (ex. : Costa Rica, certains États de l’Inde).- On apporte une subvention durable aux agriculteurs qui conservent de jeunes arbres pour restaurer ou étendre leurs systèmes agroforestiers. C’est le cas de l’extension des parcs à Faidherbia albida au Nord-Cameroun, la subvention étant financée par un prélèvement sur la vente du coton. Également, les agroforestiers sont subventionnés pour les services écosystémiques qu’ils rendent à une communauté solvable ; tel est le cas des têtes de bassins versants approvisionnant une ville en eau en Inde ou au Costa Rica. En dehors des zones tropicales, ailleurs dans le monde, la plantation de haies bocagères est financée, notamment par la PAC2 en Europe.- On valorise les produits issus des systèmes agroforestiers en leur donnant des labels, qui permettent de les vendre plus cher à des consommateurs engagés (cas du café bio et équitable et du bois d’œuvre au Nicaragua).- On sécurise le foncier, ce qui garantit à l’agriculteur que les arbres qu’il plante pourront être récoltés par lui ou ses héritiers (exemple de la loi Gestion locale sécurisée, à Madagascar).- On encourage chaque agroforestier à adapter le système à ses possibilités (conditions écologiques, sociales, économiques) et à son accès aux marchés. Par exemple, dans l’Ouest-Cameroun, les agriculteurs éliminent de leurs haies des arbres devenus sans valeur (exemple : ficus producteurs de fibres végétales) pour les remplacer par des fruitiers ou des arbres producteurs de bois de sculpture et de menuiserie, de plus en plus recherchés en ville.Sans être une panacée qui permettra de bloquer le défrichement des forêts, l’agroforesterie est une nécessité absolue pour assurer aux populations du monde tropical une partie des biens et des services qui étaient autrefois rendus par les forêts. Par ailleurs, elle permettra aux forêts conservées d’être moins sollicitées par les populations, et elle contribuera à assurer leur survie à long terme, en facilitant le flux et l’évolution des ressources génétiques forestières.
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Halleux, Robert. "Les origines de la notion de politique scientifique en Europe. Introduction générale." Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, May 25, 2011. http://dx.doi.org/10.4000/crcv.11433.

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Maag1, Verena. "Dépénalisation de la consommation du cannabis : expériences en Europe occidentale, aux États-Unis et en Australie." Drogues, santé et société 2, no. 2 (July 7, 2004). http://dx.doi.org/10.7202/008544ar.

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Abstract:
Résumé L’opinion publique sur la criminalisation ou la décriminalisation de l’usage de drogues est rarement basée sur des faits scientifiquement prouvés. Des notions préconçues en matière d’acceptation ou de tolérance de produits narcotiques déploient souvent plus d’impact. Actuellement, en Suisse, on discute de la décriminalisation du cannabis et l’on procède à une révision de la loi sur les stupéfiants. L’Office fédéral suisse de la santé publique a demandé à trois experts internationaux de réaliser une évaluation critique des expériences menées dans d’autres pays en matière de décriminalisation de la consommation de cannabis. Ces spécialistes ont remis à l’Office une étude comparative sur le plan européen, un survol de l’état des recherches menées aux États-Unis et en Australie, et une évaluation, dans une perspective historique, de la politique en matière de drogue en Italie. D’une manière générale, les trois rapports suggèrent qu’il n’existe pas un lien systématique entre la politique en matière de drogue et le taux de prévalence en ce qui concerne la consommation de cannabis ou de drogues illégales. Par contre, il s’avère que les frais de poursuite pénale et les conséquences négatives d’un usage illégal peuvent être réduits par des mesures de décriminalisation. Nous avons maintenant besoin de mener davantage d’études empiriques parce que, d’une part, les politiques publiques en matière de drogues se trouvent dans une phase de transformation et que, d’autre part, aucune étude fiable sur l’introduction de mesures de décriminalisation n’a encore vu le jour.
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Fresia, Marion. "Réfugiés." Anthropen, 2017. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.049.

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Abstract:
Qu’elles soient liées à la persécution, la pauvreté, la sécheresse ou la recherche de meilleures conditions de vie, les sociétés humaines n’ont cessé d’être façonnées par des déplacements forcés de populations, massifs et soudains dans certains cas; continuels, de faible ampleur et liés à une mixité de facteurs le plus souvent. L’ancienneté et la permanence de la migration forcée contrastent avec la construction relativement récente des réfugiés comme problème social et politique devant faire l’objet d’un traitement bureaucratique spécifique. Bien que l’obligation de protéger les personnes persécutées se retrouve dans toutes les grandes traditions religieuses, ce n’est qu’au cours de la première moitié du XXe siècle que la notion de réfugié devient une catégorie juridique à part entière et qu’émerge, aux échelles transnationales et nationales, un ensemble de politiques, de normes et d’organisations dédiées aux questions d’asile. L’ampleur des déplacements de populations générés par les révolutions bolcheviques puis les deux guerres mondiales, et l’apparition du phénomène des « sans-États » suite au démantèlement des derniers grands empires européens, préoccupent les gouvernements d’Europe occidentale. Réfugiés et apatrides sont perçus comme une menace pour leur sécurité et un poids dans un contexte économique difficile. En même temps, certains voient un intérêt politique à accueillir les réfugiés qui fuient des pays ennemis (Gatrell 2013: 35). Parallèlement, l’aide humanitaire est en plein essor et renforce l’attention internationale portée sur les réfugiés en faisant d’eux des victimes à secourir (ibid: 20). Gouvernements et acteurs humanitaires chargent alors la Sociétés des nations (SDN) de réfléchir à l’élaboration d’un statut spécifique pour les réfugiés, afin de mieux les identifier, les prendre en charge mais aussi les contrôler. Avec la disparition de la SDN et les milliers de nouveaux déplacés de la deuxième guerre mondiale, c’est au Haut commissariat des Nations-Unies aux réfugiés (HCR) que les États confieront par la suite la mission de trouver une « solution durable au problème des réfugiés ». Une année plus tard, la Convention de Genève relative au statut de réfugiés est finalisée: elle énoncera un ensemble de droits associés au statut de réfugié dont elle donnera, pour la première fois, une définition générale, alors largement informée par le contexte de la guerre froide. Si l’institutionnalisation du « problème » des réfugiés apparaît comme une réponse à l’ampleur des mouvements de réfugiés provoqués par les deux guerres mondiales, elle est surtout indissociable de l’histoire des États-Nations et de l’affirmation progressive de leur hégémonie comme seule forme d’organisation politique légitime sur la scène internationale (Loescher et al., 2008: 8). Avec l’émergence, depuis les traités de Westphalie de 1648, d’États centralisés en Europe naît en effet la fiction qu’à un peuple devrait toujours correspondre un territoire et un État. À la fin du XIXe siècle, c’est aussi la montée des nationalismes européens qui fera du contrôle des mouvements de populations aux frontières et de la réalisation du principe d’homogénéité nationale un élément central de l’idéologie du pouvoir souverain. Cet ancrage de la figure contemporaine du réfugié dans le système des États-Nations se reflète bien dans la définition qu’en donne la Convention de Genève : « une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle a sa résidence habituelle; qui craint, avec raison, d’être persécutée du fait de son appartenance communautaire, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, et qui ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou y retourner en raison de la dite crainte ». C’est bien la perte de la protection de l’État du pays d’origine et le franchissement d’une frontière internationale qui définissent, juridiquement, le réfugié, en plus du motif, très restreint, de persécution individuelle. Reprise dans presque toutes les législations nationales des 147 pays aujourd’hui signataires de la Convention, cette définition constitue désormais la pierre angulaire du traitement bureaucratique de l’asile à l’échelle globale. Bien qu’elle soit fortement contestée pour son caractère obsolète, étato-centré et peu flexible (Loescher et al. 2008: 98), elle reste à ce jour le seul instrument juridique qui confère au statut de réfugié une légitimité universelle. L’anthropologie a apporté une contribution majeure à la compréhension du phénomène des réfugiés, en mettant en avant l’expérience de la mobilité telle qu’elle est vécue par les individus, et non pas uniquement telle qu’elles est construite et définie par les catégories juridiques et les organisations humanitaires (Chatty 2014: 74). En s’intéressant aux dispositifs d’aide aux réfugiés, elle a également nourri plusieurs autres champs de réflexion de la discipline, tels que l’anthropologie juridique, l’anthropologie du développement, l’anthropologie des organisations et l’anthropologie médicale. À l’exception de quelques recherches pionnières (Colson 1971; Loizios 1981), c’est surtout à partir du milieu des années 1980 qu’une importante littérature se développe sur ces questions. Avec l’institutionnalisation de l’aide humanitaire et la globalisation progressive d’un traitement ordonné et spatialisé de la migration, le « problème » des réfugiés est de plus en plus visible, en particulier dans les pays du Sud, théâtres des conflits liés à la guerre froide mais aussi terrains de prédilection des anthropologues. L’anthropologie joue alors un rôle important dans la constitution des réfugiés en objet de savoir : c’est en effet à Barbara Harell-Bond que l’on doit la création, en 1982, du Refugee studies Center de l’Université d’Oxford, qui marquera l’autonomisation de la réflexion sur les réfugiés des études, plus larges, sur les migrations. Les premières recherches ethnographiques se focalisent sur l’Afrique et appréhendent les réfugiés en termes de liminalité : des personnes ayant subi un rite de séparation, qui se retrouvent dans un entre-deux, ni dedans, ni dehors. L’aide humanitaire, analysée en termes de dysfonctionnements, de charity business et de rapports de domination, y est fortement critiquée (Harrell-Bond 1986; Harrell-Bond et Vourtira 1992), tandis que l’agencéité et les coping strategies des réfugiés sont mis en avant pour déconstruire la figure du réfugié dépendant de l’aide (Kibreab 1993). Parce qu’elles cherchaient à rester pertinentes du point de vue de l’action, ces premiers travaux sont souvent restés teintés d’un certain misérabilisme et n’ont pas véritablement déconstruit le cadre épistémologique sur lequel le système d’asile se fonde (Chatty 2014: 80). Il faudra attendre les travaux de Malkki (1995) pour le faire et pour questionner, plus largement, la pertinence d’utiliser la notion de « réfugié » comme catégorie d’analyse. Mobilisant les apports des études postmodernes et transnationales, Malkki s’attaque en particulier à la métaphore de l’enracinement. Elle montre comment les refugee studies sont restées encastrées dans l’« ordre national des choses », soit dans une vision sédentaire, nationale et territorialisée des appartenances identitaires qui n’appréhende la perte du lien à l’État-nation et la mobilité qu’en termes d’anormalité et de dépossession. Dénaturalisant les liens entre cultures et territoires, Malkki rappelle ainsi que les réfugiés n’occupent une situation liminale qu’au regard du système des États-Nations. Son travail amènera les refugee studies à redéfinir leur objet autour de la notion de « migration forcée », plus à même de capturer à la fois l’agencéité des acteurs dans les processus migratoires, et les contraintes qui les influencent (Van Hear 2011). Dans son héritage, plusieurs études ont alors cherché à documenter les parcours des réfugiés en dehors de leur seule relation au cadre juridique qui les définit : elles ont montré que les individus transcendent sans cesse les catégories d’appartenance nationales, mais également les frontières établies par la bureaucratie de l’asile entre réfugiés politiques et migrants économiques. Les stratégies socio-économiques se construisent sur la mobilité, souvent très valorisée, dans des rapports complexes à une diversité de lieux distants auxquels les camps sont incorporés (Monsutti 2005; Horst 2006). Tandis que les rapports d’appartenance se définissent par le maintien de mémoires, de pratiques et de relations sociales, qui se tissent, bien souvent, à cheval entre divers territoires ou en relation à une nation imaginée. Ces réflexions déboucheront finalement sur une critique plus large des politiques d’asile qui n’envisagent la solution au « problème » des réfugiés qu’en termes de rapatriement ou d’intégration, sans tenir compte de l’importance de la dimension transnationale des pratiques ordinaires (Backewell 2002; Long 2014) ni de la dimension problématique du retour « chez soi » (Allen 1996). Pratiques transnationales et renforcement du sentiment d’appartenance nationale, souvent exacerbé par la politisation des camps et des diasporas, peuvent néanmoins aller de pairs, l’enjeu étant alors de penser ces deux phénomènes de manière dialogique et de comprendre les rapports de classe, de genre ou d’ethnicité qui s’y jouent (Fresia 2014a). Parallèlement aux travaux centrés sur les vécus des réfugiés, les années 2000 sont marquées par une nouvelle vague d’études critiques envers la bureaucratie de l’asile et l’aide humanitaire. Parce qu’ils rendent visibles, en la spatialisant, la figure contemporaine du réfugié, les camps deviennent des lieux d’enquête particulièrement privilégiés, au point de voir émerger une véritable campnography. Inspirée par la philosophie politique de Giorgio Agamben, celle-ci les décrit comme des espaces de confinement, des hors lieux caractérisés par un régime d’exception: quelque que soit leur degré d’ouverture ou de fermeture, ils ont pour caractéristique de suspendre la reconnaissance d’une égalité politique entre leurs occupants et les citoyens ordinaires (Agier 2014: 20; Fassin et Pondolfi 2010). Ambivalents, les camps sont, en même temps, analysés comme de nouveaux lieux de socialisation, réinvestis de sens. Souvent marqués par une forte agitation politique, ils sont aussi des espaces de mobilisations. Incoporés dans des réseaux d’échanges économiques, ils se transforment, et durent jusqu’à devenir de nouvelles marges urbaines ordinaires (Agier 2014: 27). Constitués en lieux de mémoire des injustices passées ou présentes, mais aussi de projections vers un futur incertain, ils deviennent des sites privilégiés où observer la fabrique et l’expression de nouvelles formes de citoyenneté aux marges de l’État (Turner 2010; Fresia and Von Kanel 2014; Wilson, 2016). Très riche, cette campnography a parfois eu tendance à n’envisager les réfugiés que dans un seul face à face avec le « gouvernement humanitaire », délaissant ainsi une réflexion plus large sur la manière dont les camps sont aussi enchâssés et régulés par d’autres normes (droits coutumiers, droits de l’homme) que le seul régime d’exception que leur statut légitime. Autre élément constitutif de la bureaucratie de l’asile, les dispositifs de tri, chargés de distinguer les réfugiés des migrants, ont également fait l’objet de récentes études ethnographiques, marquant une ouverture de la réflexion sur des contextes européens et nord-américains. Leurs auteurs mettent en exergue la dimension fondamentalement située, négociée et contingente des pratiques d’octroi du statut de réfugiés ainsi que les normes implicites qui les régulent (Good 2007; Akoka 2012). Ils montrent comment la formalisation croissante de ces pratiques contribuent à naturaliser toujours plus la distinction entre vrais et faux réfugiés, mais aussi à dépolitiser les registres des demandes d’asile considérées comme légitimes, de plus en plus appréhendées à travers le vocabulaire de la compassion, du trauma et de la souffrance (D’Halluin-Mabillot 2012; Zetter 2007). Enfin, après avoir été « enrollés » dans le HCR pour un temps, certains anthropologues ont commencé à documenter, de manière empirique, le rôle de cette nébuleuse bureaucratique dans la globalisation du traitement bureaucratisé de l’asile, et les modalités concrètes d’exercice de son autorité, en montrant comment celles-ci reproduisent sans cesse un ordre national des choses lui-même à l’origine du « problème » des réfugiés (Scalletaris 2013; Sandvik et Jacobsen 2016 ; Fresia 2014b). Outre les enjeux d’accès aux bureaucraties de l’asile et la difficulté de reconstituer des parcours de vie souvent multi-situés, l’étude des migrations forcées n’a cessé de poser un enjeu épistémologique de taille à l’anthropologie : celui de réussir à penser la problématique de la mobilité, liée à des contextes de guerres ou de persécution, autrement qu’au travers des seuls espaces et labels produits par le régime de l’asile, mais tout en prenant « au sérieux » ce régime, son mode de (re)production et ses effets structurants sur le vécu des individus. À ce titre, un important travail de décentrement et d’historicisation reste à faire pour saisir la manière dont les espaces bureaucratiques de l’asile s’enchâssent, tout en les modifiant, dans des espaces migratoires et des dynamiques socio-historiques qui leur préexistent, et s’articulent à une pluralité plus large de normes et de régimes de droits, qui ne relèvent pas de la seule institution de l’asile. Continuer à documenter la manière dont les personnes trouvent des formes de protection et de solidarité en dehors des seuls dispositifs bureaucratiques de l’asile apparaît aussi comme un impératif pour pouvoir penser le phénomène de la mobilité sous contrainte et les réponses qu’on peut lui apporter autrement ou différemment.
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Buysse, Jeroen, Kamel Elouhichi, Bruno Fernagut, Frédéric Gaspart, Olivier Harmignie, Bruno Henry de Frahan, Ludwig Lauwers, Philippe Polomé, and Guido Van Huylenbroeck. "Numéro 19 - février 2004." Regards économiques, October 12, 2018. http://dx.doi.org/10.14428/regardseco.v1i0.16103.

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Abstract:
Les autorités régionales belges doivent, ces jours-ci, se prononcer sur les différentes options de réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) proposées par l'accord européen de juin dernier. Ce numéro spécial de Regards Economiques se penche sur les effets et les enjeux de cette réforme. Plusieurs questions sont abordées. En quoi consiste cette réforme ? Quelles sont ses implications pour l’agriculture belge ? Faut-il maintenir des aides aux agriculteurs ? A qui profite la PAC actuelle ? Comment rendre la PAC plus juste et plus efficace ? En quoi consiste la nouvelle réforme de la PAC ? En juin dernier, l'Union européenne a décidé de réformer une nouvelle fois le mode de soutien en faveur du secteur agricole. Cette réforme consiste à convertir la plupart des aides actuelles en un seul paiement unique qui sera distribué aux agriculteurs en fonction de l'étendue de leur superficie agricole cultivée, indépendamment du type de culture ou d'élevage qu'ils pratiquent et du volume de production qu'ils mettent sur le marché. C'est le "découplage"complet des aides agricoles vis-à-vis de l'acte de production, un principe de subvention agricole longuement recommandé par les économistes agricoles dont s'est enfin inspirée la Commission européenne en dépit des résistances conservatrices de nombreux Etats membres. C'est donc l'abandon d'un système de soutien inefficace qui, jusqu'à la réforme précédente de 1992, était essentiellement basé sur un système de prix agricoles garantis largement supérieurs aux prix mondiaux, de barrières douanières impénétrables et de subventions aux exportations exorbitantes. Non seulement ce système fut incapable de soutenir le revenu agricole et de diminuer la disparité des revenus entre exploitations et régions, mais il fut responsable d'excédents agricoles colossaux, de dépenses considérables, de pollutions agricoles et de tensions commerciales avec les pays les plus compétitifs. La nouvelle réforme permettra de mieux orienter les choix de production vers les réelles opportunités du marché et de réduire les distorsions des subventions agricoles sur les marchés agricoles tant européens qu'internationaux. En plus du découplage, deux autres principes sont parallèlement mis en oeuvre. Le principe de l'éco-conditionnalité liera à terme la perception du paiement unique au respect de 18 exigences réglementaires dans le domaine de l'environnement, de la sécurité des aliments, de la santé animale et phytosanitaire et du bien-être animal. Le principe de la modulation instaurera une légère discrimination en faveur des petites exploitations en les exemptant d'une baisse prévue de 5 % du paiement unique. Les économies budgétaires réalisées par cette mesure permettront de renforcer le financement des mesures dites de développement rural. L'accord de juin 2003 offre toutefois la possibilité aux Etats membres de maintenir une proportion de paiements directs couplée à la production s'ils craignent la perturbation de marchés agricoles ou l'abandon de certaines productions tout en intégrant la proportion restante des paiements directs dans le paiement unique. Diverses options de découplage partiel leur sont proposées. Les autorités régionales du pays doivent incessamment se prononcer sur ces options. Quelles sont ses implications pour l’économie belge ? A l’aide de deux modèles économiques de simulation, nous avons tenté d’évaluer les conséquences possibles sur l’agriculture belge des différentes options de découplage des aides telles qu’autorisées par l’accord de juin dernier. Les simulations montrent des substitutions importantes entre les productions agricoles végétales au profit de cultures moins intensives telles que les prairies temporaires, une baisse de la production de viande bovine mais le maintien de la production de lait. Malgré ces ajustements, notamment dans le domaine de l'élevage, les simulations indiquent le maintien et même une légère hausse des revenus nets agricoles dépendant de l'effet des variations de l'offre sur le prix du marché. Ces ajustements ainsi que les hausses du revenu agricole sont de façon générale les plus prononcés pour l'option de découplage complet de toutes les aides. C'est en effet cette option qui procure la plus grande cohérence entre l’allocation des ressources fixes de la région et les opportunités de marché. Une analyse plus fine au niveau des différents types d'exploitation montre toutefois que l'option de découplage complet à l'exception des aides pour le troupeau de vaches allaitantes et l'abatage de bovins est la plus favorable pour les exploitations spécialisées dans ce type d'activités alors que cette option est presque autant favorable pour les autres types d'exploitation que celle du découplage complet. Dans la mesure où, en outre, le contribuable qui finance les aides directes, apprécie le maintien d'un troupeau allaitant à des fins, par exemple, d'aménités paysagères, ou d'une profession d'éleveurs là où elle est la plus concentrée et menacée, c'est-à-dire dans le sud de la Belgique, il semble que l'option de découplage complet de toutes les aides à l'exception de celles réservées à l'élevage allaitant se révèle comme la plus adéquate à la structure du secteur agricole belge parmi toutes les autres options autorisées par l'accord agricole européen de juin dernier. Les résultats de ces simulations ne prennent toutefois pas en compte plusieurs autres défis à l'agriculture belge. Il s'agit notamment (1) du renchérissement possible des terres agricoles en raison de la seule nécessité de mettre en culture de telles terres pour obtenir des subsides importants, (2) de l'évolution des prix agricoles et de leur volatilité sur le marché européen et (3) de la justification à plus long terme des aides importantes consacrées au secteur agricole. Faut-il maintenir des aides aux agriculteurs ? A qui profite la PAC actuelle ? Pour mettre en perspective les anticipations exposées plus haut et juger si la PAC a bien l’utilité qu’elle devrait avoir, il vaut la peine de se demander ce qui justifie, sur le plan des principes, de subsidier le secteur agricole. Il faut d’abord remarquer que les politiques agricoles des pays du Nord, Europe et USA en tête, ont nuit à la prospérité des agriculteurs du Sud, notamment en leur coupant l’accès aux marchés prospères du Nord. Elles n’ont pas pu soutenir le revenu agricole en Europe et sont responsables de tensions commerciales avec le reste du monde et de dépenses monstrueuses ! Même parmi les producteurs européens de biens agricoles, la PAC ne profite vraiment pas aux petites exploitations, dont la production et la superficie sont faibles : elles n’ont reçu et ne recevront que de faibles subsides. Or, la demande d’intrants agricoles (machines, terre, engrais,…) et leurs prix sont globalement plus élevés qu’ils ne le seraient sans subside. La petite exploitation agricole peut en fait se retrouver avec un revenu identique ou inférieur à celui qu’elle aurait si le subside n’existait pas. L’équité ne fournit donc pas de justification à l’existence de subsides agricoles. Néanmoins, l’activité agricole ne se limite pas seulement à la production des biens agricoles : la sécurité alimentaire, la qualité de l’environnement et l’entretien des zones rurales sont trois exemples d’aménités qui résultent des activités agricoles. Or, sans régulation, les aménités sont en général offertes en quantités inférieures à ce qui est socialement souhaitable. Il faut donc un subside à l’activité agricole pour atteindre un niveau efficace d’aménités. L’éco-conditionnalité n’est qu’un pas timide en ce sens. On peut déplorer que les modes passés et présents de soutien agricole en Europe ne contribuent pas à la production efficace d’aménités rurales. Au contraire, l’analyse ne nous permet d’identifier, par élimination, que deux types de bénéficiaires effectifs de la PAC, dans n’importe laquelle de ses versions : les grandes exploitations agricoles etles fournisseurs d’intrants agricoles, en particulier les propriétaires fonciers. Comment rendre la PAC plus juste et plus efficace ? Les contribuables ne souhaitent probablement pas que leurs impôts alimentent la valeur foncière des terres agricoles ou la prospérité des plus grandes exploitations agricoles. Nombre d’agriculteurs, particulièrement ceux que le système actuel laisse en bordure de la pauvreté, pourraient aussi trouver un plus grand intérêt à une réforme, non pas à une libéralisation pure et simple, mais à une réorientation des interventions publiques vers la rétribution des aménités typiques des activités rurales. Une conclusion assez claire émerge donc de la mise en perspective normative des effets du "découplage" qui constitue la réforme de la PAC. Pour des raisons d'équité et d'efficacité, le re-couplage du paiement unique à des fins spécifiques valorisées par le contribuable ou le consommateur qui le finance, est effectivement la seule alternative permettant de justifier à plus long terme des budgets importants réservés au secteur agricole vis-à-vis, notamment, de critiques de plus en plus acerbes à l'égard de tels budgets qu'a bien mises en évidence le rapport Sapir. Cette réorientation est une nécessité qui s'imposera dans l'avenir au fur et à mesure que la justification du paiement unique comme aide aux ajustements structurels perdra sa pertinence.
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Buysse, Jeroen, Kamel Elouhichi, Bruno Fernagut, Frédéric Gaspart, Olivier Harmignie, Bruno Henry de Frahan, Ludwig Lauwers, Philippe Polomé, and Guido Van Huylenbroeck. "Numéro 19 - février 2004." Regards économiques, October 12, 2018. http://dx.doi.org/10.14428/regardseco2004.02.01.

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Les autorités régionales belges doivent, ces jours-ci, se prononcer sur les différentes options de réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) proposées par l'accord européen de juin dernier. Ce numéro spécial de Regards Economiques se penche sur les effets et les enjeux de cette réforme. Plusieurs questions sont abordées. En quoi consiste cette réforme ? Quelles sont ses implications pour l’agriculture belge ? Faut-il maintenir des aides aux agriculteurs ? A qui profite la PAC actuelle ? Comment rendre la PAC plus juste et plus efficace ? En quoi consiste la nouvelle réforme de la PAC ? En juin dernier, l'Union européenne a décidé de réformer une nouvelle fois le mode de soutien en faveur du secteur agricole. Cette réforme consiste à convertir la plupart des aides actuelles en un seul paiement unique qui sera distribué aux agriculteurs en fonction de l'étendue de leur superficie agricole cultivée, indépendamment du type de culture ou d'élevage qu'ils pratiquent et du volume de production qu'ils mettent sur le marché. C'est le "découplage"complet des aides agricoles vis-à-vis de l'acte de production, un principe de subvention agricole longuement recommandé par les économistes agricoles dont s'est enfin inspirée la Commission européenne en dépit des résistances conservatrices de nombreux Etats membres. C'est donc l'abandon d'un système de soutien inefficace qui, jusqu'à la réforme précédente de 1992, était essentiellement basé sur un système de prix agricoles garantis largement supérieurs aux prix mondiaux, de barrières douanières impénétrables et de subventions aux exportations exorbitantes. Non seulement ce système fut incapable de soutenir le revenu agricole et de diminuer la disparité des revenus entre exploitations et régions, mais il fut responsable d'excédents agricoles colossaux, de dépenses considérables, de pollutions agricoles et de tensions commerciales avec les pays les plus compétitifs. La nouvelle réforme permettra de mieux orienter les choix de production vers les réelles opportunités du marché et de réduire les distorsions des subventions agricoles sur les marchés agricoles tant européens qu'internationaux. En plus du découplage, deux autres principes sont parallèlement mis en oeuvre. Le principe de l'éco-conditionnalité liera à terme la perception du paiement unique au respect de 18 exigences réglementaires dans le domaine de l'environnement, de la sécurité des aliments, de la santé animale et phytosanitaire et du bien-être animal. Le principe de la modulation instaurera une légère discrimination en faveur des petites exploitations en les exemptant d'une baisse prévue de 5 % du paiement unique. Les économies budgétaires réalisées par cette mesure permettront de renforcer le financement des mesures dites de développement rural. L'accord de juin 2003 offre toutefois la possibilité aux Etats membres de maintenir une proportion de paiements directs couplée à la production s'ils craignent la perturbation de marchés agricoles ou l'abandon de certaines productions tout en intégrant la proportion restante des paiements directs dans le paiement unique. Diverses options de découplage partiel leur sont proposées. Les autorités régionales du pays doivent incessamment se prononcer sur ces options. Quelles sont ses implications pour l’économie belge ? A l’aide de deux modèles économiques de simulation, nous avons tenté d’évaluer les conséquences possibles sur l’agriculture belge des différentes options de découplage des aides telles qu’autorisées par l’accord de juin dernier. Les simulations montrent des substitutions importantes entre les productions agricoles végétales au profit de cultures moins intensives telles que les prairies temporaires, une baisse de la production de viande bovine mais le maintien de la production de lait. Malgré ces ajustements, notamment dans le domaine de l'élevage, les simulations indiquent le maintien et même une légère hausse des revenus nets agricoles dépendant de l'effet des variations de l'offre sur le prix du marché. Ces ajustements ainsi que les hausses du revenu agricole sont de façon générale les plus prononcés pour l'option de découplage complet de toutes les aides. C'est en effet cette option qui procure la plus grande cohérence entre l’allocation des ressources fixes de la région et les opportunités de marché. Une analyse plus fine au niveau des différents types d'exploitation montre toutefois que l'option de découplage complet à l'exception des aides pour le troupeau de vaches allaitantes et l'abatage de bovins est la plus favorable pour les exploitations spécialisées dans ce type d'activités alors que cette option est presque autant favorable pour les autres types d'exploitation que celle du découplage complet. Dans la mesure où, en outre, le contribuable qui finance les aides directes, apprécie le maintien d'un troupeau allaitant à des fins, par exemple, d'aménités paysagères, ou d'une profession d'éleveurs là où elle est la plus concentrée et menacée, c'est-à-dire dans le sud de la Belgique, il semble que l'option de découplage complet de toutes les aides à l'exception de celles réservées à l'élevage allaitant se révèle comme la plus adéquate à la structure du secteur agricole belge parmi toutes les autres options autorisées par l'accord agricole européen de juin dernier. Les résultats de ces simulations ne prennent toutefois pas en compte plusieurs autres défis à l'agriculture belge. Il s'agit notamment (1) du renchérissement possible des terres agricoles en raison de la seule nécessité de mettre en culture de telles terres pour obtenir des subsides importants, (2) de l'évolution des prix agricoles et de leur volatilité sur le marché européen et (3) de la justification à plus long terme des aides importantes consacrées au secteur agricole. Faut-il maintenir des aides aux agriculteurs ? A qui profite la PAC actuelle ? Pour mettre en perspective les anticipations exposées plus haut et juger si la PAC a bien l’utilité qu’elle devrait avoir, il vaut la peine de se demander ce qui justifie, sur le plan des principes, de subsidier le secteur agricole. Il faut d’abord remarquer que les politiques agricoles des pays du Nord, Europe et USA en tête, ont nuit à la prospérité des agriculteurs du Sud, notamment en leur coupant l’accès aux marchés prospères du Nord. Elles n’ont pas pu soutenir le revenu agricole en Europe et sont responsables de tensions commerciales avec le reste du monde et de dépenses monstrueuses ! Même parmi les producteurs européens de biens agricoles, la PAC ne profite vraiment pas aux petites exploitations, dont la production et la superficie sont faibles : elles n’ont reçu et ne recevront que de faibles subsides. Or, la demande d’intrants agricoles (machines, terre, engrais,…) et leurs prix sont globalement plus élevés qu’ils ne le seraient sans subside. La petite exploitation agricole peut en fait se retrouver avec un revenu identique ou inférieur à celui qu’elle aurait si le subside n’existait pas. L’équité ne fournit donc pas de justification à l’existence de subsides agricoles. Néanmoins, l’activité agricole ne se limite pas seulement à la production des biens agricoles : la sécurité alimentaire, la qualité de l’environnement et l’entretien des zones rurales sont trois exemples d’aménités qui résultent des activités agricoles. Or, sans régulation, les aménités sont en général offertes en quantités inférieures à ce qui est socialement souhaitable. Il faut donc un subside à l’activité agricole pour atteindre un niveau efficace d’aménités. L’éco-conditionnalité n’est qu’un pas timide en ce sens. On peut déplorer que les modes passés et présents de soutien agricole en Europe ne contribuent pas à la production efficace d’aménités rurales. Au contraire, l’analyse ne nous permet d’identifier, par élimination, que deux types de bénéficiaires effectifs de la PAC, dans n’importe laquelle de ses versions : les grandes exploitations agricoles etles fournisseurs d’intrants agricoles, en particulier les propriétaires fonciers. Comment rendre la PAC plus juste et plus efficace ? Les contribuables ne souhaitent probablement pas que leurs impôts alimentent la valeur foncière des terres agricoles ou la prospérité des plus grandes exploitations agricoles. Nombre d’agriculteurs, particulièrement ceux que le système actuel laisse en bordure de la pauvreté, pourraient aussi trouver un plus grand intérêt à une réforme, non pas à une libéralisation pure et simple, mais à une réorientation des interventions publiques vers la rétribution des aménités typiques des activités rurales. Une conclusion assez claire émerge donc de la mise en perspective normative des effets du "découplage" qui constitue la réforme de la PAC. Pour des raisons d'équité et d'efficacité, le re-couplage du paiement unique à des fins spécifiques valorisées par le contribuable ou le consommateur qui le finance, est effectivement la seule alternative permettant de justifier à plus long terme des budgets importants réservés au secteur agricole vis-à-vis, notamment, de critiques de plus en plus acerbes à l'égard de tels budgets qu'a bien mises en évidence le rapport Sapir. Cette réorientation est une nécessité qui s'imposera dans l'avenir au fur et à mesure que la justification du paiement unique comme aide aux ajustements structurels perdra sa pertinence.
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De la Croix, David, Frédéric Docquier, and Bruno Van der Linden. "Numéro 72 - septembre 2009." Regards économiques, October 12, 2018. http://dx.doi.org/10.14428/regardseco.v1i0.15453.

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Abstract:
L’accord gouvernemental du 19 juillet 2009 a défini les critères permettant la régularisation des demandeurs d’asile en Belgique (engagement dans une procédure juridique déraisonnablement longue, situation humanitaire urgente, prise en compte de la faculté d’intégration sociale et économique). Certaines prévisions font état d’environ 25.000 demandes qui devront être introduites entre le 15 septembre et le 15 décembre de cette année. La lenteur des décisions politiques traduit la difficulté de trancher dans cet épineux dossier des régularisations, une difficulté qui trouve partiellement son origine dans la méconnaissance de ses conséquences économiques et des préjugés qui en découlent. Que sait-on au juste de ces effets ? C’est la question abordée dans ce numéro de Regards économiques. L’article commence par souligner que le débat sur les régularisations est qualitativement proche du débat général sur l’immigration légale. Bien qu’elle se différencie de la politique d’immigration légale et non sélective, une politique de régularisation ou d’amnistie engendre des coûts et des bénéfices de même nature, mais d’ampleur moindre, dans la mesure où les sans papiers participent déjà au marché du travail et bénéficient déjà de certaines prestations sociales. En outre, quand on considère une période de temps plus longue, les débats sur l’immigration légale et la régularisation se rejoignent : toute régularisation entraîne une migration connexe via le regroupement familial et les effets de réseaux. Les effets de l’immigration et de la régularisation de travailleurs illégaux ont été davantage étudiés aux Etats-Unis qu’en Europe. Cette limite et la piètre connaissance des caractéristiques des populations séjournant illégalement sur le territoire belge rendent difficile une évaluation précise des effets de l’immigration et d’une régularisation sur la population résidente et sur l’économie belge. Les études internationales pointent toutefois en direction d’effets quantitativement faibles de l’immigration légale en matière d’emploi, de finances publiques et de salaire. Les études qui ont analysé ensemble ces trois différents effets concluent que l’effet favorable sur les finances publiques domine l’effet négatif sur l’emploi et les salaires de sorte que toutes les générations et toutes les catégories de natifs ont modestement bénéficié de l’afflux migratoire (aux Etats-Unis et en France). Notre analyse démontre que les effets d’une régularisation sont de même nature mais d’ampleur moindre. Dans l’état actuel des connaissances, il est raisonnable de penser que la régularisation en Belgique n’entraînera que des effets mineurs sur le revenu net des travailleurs natifs. Le seul véritable groupe à risque est celui des natifs les moins qualifiés. Ce sont eux qui pourraient subir des conséquences négatives sur le marché du travail, du moins dans un premier temps. Néanmoins, dans le cas où les sans papiers ont un taux d’emploi illégal important, ces conséquences sont vraisemblablement minimes, même à court terme. En outre, les effets éventuellement négatifs doivent aller en s’amenuisant au fur et à mesure que le temps passe et que les nouveaux arrivés se lancent dans des activités productives. Une manière d’accélérer cette transition est de promouvoir à bon escient la flexibilité du marché du travail et la mobilité des travailleurs. Dans ce contexte, nombre d’opinions apparaissent guidées par des arguments essentiellement idéologiques et des clichés peu robustes, voire profondément inexacts. Le cliché selon lequel les sans papiers vont prendre le travail des natifs ne résiste pas aux études existantes. Celui qui voit dans l’immigré une sangsue vidant les caisses de la sécurité sociale est manifestement erroné; l’immigration a une contribution plutôt positive aux finances publiques, et cela d’autant plus que le flux migratoire permet de rajeunir en permanence la population.
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De la Croix, David, Frédéric Docquier, and Bruno Van der Linden. "Numéro 72 - septembre 2009." Regards économiques, October 12, 2018. http://dx.doi.org/10.14428/regardseco2009.09.01.

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Abstract:
L’accord gouvernemental du 19 juillet 2009 a défini les critères permettant la régularisation des demandeurs d’asile en Belgique (engagement dans une procédure juridique déraisonnablement longue, situation humanitaire urgente, prise en compte de la faculté d’intégration sociale et économique). Certaines prévisions font état d’environ 25.000 demandes qui devront être introduites entre le 15 septembre et le 15 décembre de cette année. La lenteur des décisions politiques traduit la difficulté de trancher dans cet épineux dossier des régularisations, une difficulté qui trouve partiellement son origine dans la méconnaissance de ses conséquences économiques et des préjugés qui en découlent. Que sait-on au juste de ces effets ? C’est la question abordée dans ce numéro de Regards économiques. L’article commence par souligner que le débat sur les régularisations est qualitativement proche du débat général sur l’immigration légale. Bien qu’elle se différencie de la politique d’immigration légale et non sélective, une politique de régularisation ou d’amnistie engendre des coûts et des bénéfices de même nature, mais d’ampleur moindre, dans la mesure où les sans papiers participent déjà au marché du travail et bénéficient déjà de certaines prestations sociales. En outre, quand on considère une période de temps plus longue, les débats sur l’immigration légale et la régularisation se rejoignent : toute régularisation entraîne une migration connexe via le regroupement familial et les effets de réseaux. Les effets de l’immigration et de la régularisation de travailleurs illégaux ont été davantage étudiés aux Etats-Unis qu’en Europe. Cette limite et la piètre connaissance des caractéristiques des populations séjournant illégalement sur le territoire belge rendent difficile une évaluation précise des effets de l’immigration et d’une régularisation sur la population résidente et sur l’économie belge. Les études internationales pointent toutefois en direction d’effets quantitativement faibles de l’immigration légale en matière d’emploi, de finances publiques et de salaire. Les études qui ont analysé ensemble ces trois différents effets concluent que l’effet favorable sur les finances publiques domine l’effet négatif sur l’emploi et les salaires de sorte que toutes les générations et toutes les catégories de natifs ont modestement bénéficié de l’afflux migratoire (aux Etats-Unis et en France). Notre analyse démontre que les effets d’une régularisation sont de même nature mais d’ampleur moindre. Dans l’état actuel des connaissances, il est raisonnable de penser que la régularisation en Belgique n’entraînera que des effets mineurs sur le revenu net des travailleurs natifs. Le seul véritable groupe à risque est celui des natifs les moins qualifiés. Ce sont eux qui pourraient subir des conséquences négatives sur le marché du travail, du moins dans un premier temps. Néanmoins, dans le cas où les sans papiers ont un taux d’emploi illégal important, ces conséquences sont vraisemblablement minimes, même à court terme. En outre, les effets éventuellement négatifs doivent aller en s’amenuisant au fur et à mesure que le temps passe et que les nouveaux arrivés se lancent dans des activités productives. Une manière d’accélérer cette transition est de promouvoir à bon escient la flexibilité du marché du travail et la mobilité des travailleurs. Dans ce contexte, nombre d’opinions apparaissent guidées par des arguments essentiellement idéologiques et des clichés peu robustes, voire profondément inexacts. Le cliché selon lequel les sans papiers vont prendre le travail des natifs ne résiste pas aux études existantes. Celui qui voit dans l’immigré une sangsue vidant les caisses de la sécurité sociale est manifestement erroné; l’immigration a une contribution plutôt positive aux finances publiques, et cela d’autant plus que le flux migratoire permet de rajeunir en permanence la population.
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Van Parijs, Philippe. "Numéro 14 - septembre 2003." Regards économiques, October 12, 2018. http://dx.doi.org/10.14428/regardseco.v1i0.16153.

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Abstract:
Les universités sont en crise, avec une baisse du financement par étudiant (hors inflation) proche de 50 % et une baisse du taux d’encadrement de plus de 50 % depuis 1972. En outre, seulement 12 % de la population des 25-64 ans est universitaire et gagne en moyenne 50 % en plus qu’un diplômé de l’enseignement secondaire. On peut donc se poser la question de savoir si la gratuité de l’université est encore possible et désirable. Si non, quel mode de financement avec contributions privées faut-il adopter pour préserver à la fois l’accessibilité et la viabilité du système ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons confronté le point de vue de deux économistes, Jean Hindriks (UCL, CORE) et Vincent Vandenberghe (UCL, IRES), et les objections d’un philoso­phe, Philippe Van Parijs (UCL, Chaire Hoover). Le point de vue de deux économistes Un refinancement public des universités est peu probable. Il faut rappeler que 90 % du coût d’une formation universitaire est financé par des contribuables qui pour la plupart ne sont jamais allés à l’université et qui pour certains subissent la concurrence des universitaires sur le marché du travail. Même si le besoin d’investir dans le capital humain est économiquement évident, la préférence politi­que s’oriente clairement vers d’autres demandes concurrentes et légitimes que sont les soins de santé et les pensions. Comment pouvons-nous donc assurer la poursuite de l’investissement en capital humain sans recourir à un effort supplémentaire des contribuables ? Mais plus important encore, si comme en Belgique, la dotation publique aux universités est fixe, comment échapper à l’inéluctable choix entre excellence pour un petit nombre ou médiocrité pour un grand nombre ? Notre argument est qu’il est possible de sortir de cette situation. On peut à la fois poursuivre l’expansion de la population étudiante (formation du capital humain) et assurer le développement de la qualité, sans augmenter la contribution publique. Il faut pour cela combiner une gratuité sélective et un financementsélectif basé sur une évaluation des performances. Gratuité sélective et payement différé : Il s’agirait de relever les droits d’inscription mais en offrant voire en imposant aussitôt que ces mon­tants soient commués en prêt remboursable au terme des études. Le remboursement du prêt serait contingent au revenu, tel un montant X au-delà d’un revenu de Y € par tranche de 1000 € empruntés. Le revenu Y à partir duquel interviendrait le paiement devrait logiquement correspondre au revenu moyen d’un individu n’ayant pas fait d’études supérieures. Quant au montant X, il devrait être fixé de manière à assurer l’équilibre financier du système Ce système est depuis peu en application au Royaume-Uni et diffère fondamentalement d’un impôt sur le revenu. Primo, le remboursement est concentré sur les utilisateurs bénéficiaires de l’enseignement supérieur. En Belgique, 12 % de la population des 25-64 ans est universitaire et gagne en moyenne 50 % en plus qu’un diplômé de l’enseignement secondaire supérieur. Il faut donc bien faire ici la dis­tinction avec l’enseignement obligatoire où la participation de tous justifie la gratuité et le financement intégral par l’impôt. Secundo, le remboursement est limité dans le temps. Tertio, le remboursement est nominatif et donc indépendant de la décision de s’expatrier. Ce dernier point est important étant donné la mobilité accrue des plus qualifiés, autant au sein de l’Europe que hors Europe. Plutôt que de décourager l’accès à l’université, ce système pourrait bien avoir l’effet contraire puisque des pays comme l’Australie et le Royaume-Uni qui ont adopté une telle politique ont des taux de par­ticipation nettement plus élevés que le nôtre (respectivement 19 % et 20 % de la population, compara­tivement au taux belge de 12 %). La crainte que l’endettement ne décourage les étudiants défavorisés d’accéder à l’université est aussi contre-dite par une étude américaine récente (NBER) qui montre que la substitution d’un système de prêt au système de bourse n’a pas eu d’effet significatif sur la partici­pation des étudiants pauvres dans les universités américaines. Financement sélectif et évaluation des performances : Il ne suffit pas de proposer une solution de refinancement des universités, il faut également chercher à dépenser mieux ces fonds partout où cela est possible. Cette recherche d’efficience a induit, avec des effets surprenants, la mise en place dans certains pays d’une évaluation de la performance, autant au niveau de l’enseignement que de la recherche. Au Royaume-Uni, l’enseignement est évalué par une agence indépendante. Depuis lors, on observe une amélioration continue de la performance générale telle qu’évaluée par l’agence. Par exemple, 60,5 % des départements avaient reçu une cote excellente en 1998-2000, comparativement à 33,9 % en 1996-98 et 24,8 % en 1995-96. Pour la recherche au Royaume-Uni, l’évaluation est faite par un panel d’experts et d’utilisateurs de la recherche, spécifique à chaque discipline. Cela résulte en un système de financement de la recherche qui est très sélectif. En 2002-2003, près de 75 % des fonds de recherche ont été alloués à 14 % des universités. On note une amélioration significative de la qualité de la recherche. Comparativement à l’évaluation de 1996, en 2001, le pourcentage de départements recevant les cotes les plus élevées a augmenté de 20 % à 39 %, alors que le pourcentage des départements recevant les cotes les plus basses a diminué de 24 % à 6 %. Nous pensons que l’évaluation a plus de chance d’être acceptée si elle n’est pas perçue comme un moyen déguisé de couper les ressources. Pour cela, un refinancement des universités au travers de la gratuité sélective est donc un bon moyen de faire accepter l’évaluation des performances et un finan­cement plus sélectif. Le point de vue du philosophe Est-il juste que l’Université soit gratuite ? D’un côté, bien sûr que oui. En effet, à condition de dispo­ser d’un système d’impôt sur le revenu suffisamment performant, mieux vaut offrir l’université gra­tuitement à tous les ménages, non parce que c’est mieux pour les riches (dont les impôts financent de toutes façons les prestations dont ils bénéficient), mais parce que c’est mieux pour les pauvres (facilité administrative, non-stigmatisation des pauvres et incitation au travail). De l’autre, bien sûr que non, car si ce cadeau est égal pour chacun quant à son coût, il est très inégal dans ses effets. A ceux qui sont déjà avantagés par leurs talents initiaux et ce que leur environnement familial et scolaire en a fait, la société a le culot de dire : «Nous vous donnons en outre un gros cadeau supplémentaire sous la forme d’une formation supérieure gratuite» Peut-on réconcilier ces deux intuitions en apparences contradictoires ? Pas trop difficilement. C’est en fait ce que réalise pour l’essentiel le système auquel nous sommes accoutumés : un enseignement supérieur essentiellement gratuit quant à son coût explicite, mais avec une récupération différée non ciblée, sous la forme d’une taxation progressive du revenu des personnes physiques. A cette apologie non déguisée du statu quo, on peut faire au moins quatre objections. Objection 1. Le système actuel taxe indifféremment ceux qui doivent leur revenu élevé à des études payées par la collectivité et ceux qui le doivent à d’autres raisons. Réponse. C’est inévitablement approximatif, mais nullement améliorable par un meilleur ciblage du financement. Tenter de repérer la part de revenu que chacun doit à ses études supérieures, c’est, du point de vue de la recherche de la justice, faire preuve d’un souci de précision bien mal placé. En effet, le revenu que le marché nous attribue est certes fonction des efforts consentis, mais sur la toile de fond d’un ensemble vaste et complexe de dons, d’opportunités, de chances qui nous ont été attribués de manière très inégale et éthiquement arbitraire. Objection 2. En faisant payer aux bénéficiaires le vrai coût de leur formation, on se protège contre de graves gaspillages de ressources dans des formations qui sont loin de valoir ce qu’elles coûtent mais n’en rencontrent pas moins un franc succès du fait de leur gratuité. Réponse. Un usage intelligent des ressources rares disponibles exige une régulation de l’offre des formations. Mais la meilleure régulation, dans ce cas, ne passe pas par la vérité des prix et la souverai­neté du consommateur. La gratuité est naturellement combinable avec un numerus clausus explicite ou implicite, global et/ou spécifique à chaque orientation. Objection 3. Plus les étudiants payeront pour leurs études, plus ils seront à la fois motivés à étudier avec zèle et exigeants à l’égard de leurs enseignants, eux-mêmes désormais soucieux de ne pas perdre la clientèle à la source de leurs revenus. Réponse. Dans un système de concurrence implicite comme le nôtre, où la subsidiation de chaque institution dépend fortement de la proportion des étudiants qu’elle parvient à attirer, les enseignants ont la même incitation financière à se préoccuper de la satisfaction de leurs «clients» que si le montant provenant aujourd’hui des subsides avait à être payé par les étudiants. En outre, une soumission trop directe aux exigences de l’étudiant actuel peut handicaper gravement l’efficacité de long terme du système, qui exige à la fois de laisser place à une recherche sans retombée directe sur l’enseignement actuel et d’enseigner aux étudiants ce qu’il est important qu’ils apprennent, plutôt que ce que l’air du temps leur fait souhaiter d’apprendre. Objection 4. Avec la mobilité transnationale des personnes hautement qualifiées et la décentralisation de la souveraineté fiscale à un niveau sub-national, il sera plus difficile de récupérer par l’impôt l’investissement dont jouissent les titulaires d’emplois hautement qualifiés qui choisissent de s’expatrier. Réponse. Face à cette difficulté, le plus efficace est peut-être encore de préserver et développer, parmi les personnes qui ont la chance de pouvoir bénéficier de l’enseignement supérieur de leur pays, un sentiment de gratitude et une attitude de loyauté à l’égard de cette entité collective qui leur a offert ce privilège.
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Hindriks, Jean, Vincent Vandenberghe, and Philippe Van Parijs. "Numéro 14 - septembre 2003." Regards économiques, October 12, 2018. http://dx.doi.org/10.14428/regardseco2003.09.01.

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Abstract:
Les universités sont en crise, avec une baisse du financement par étudiant (hors inflation) proche de 50 % et une baisse du taux d’encadrement de plus de 50 % depuis 1972. En outre, seulement 12 % de la population des 25-64 ans est universitaire et gagne en moyenne 50 % en plus qu’un diplômé de l’enseignement secondaire. On peut donc se poser la question de savoir si la gratuité de l’université est encore possible et désirable. Si non, quel mode de financement avec contributions privées faut-il adopter pour préserver à la fois l’accessibilité et la viabilité du système ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons confronté le point de vue de deux économistes, Jean Hindriks (UCL, CORE) et Vincent Vandenberghe (UCL, IRES), et les objections d’un philoso­phe, Philippe Van Parijs (UCL, Chaire Hoover). Le point de vue de deux économistes Un refinancement public des universités est peu probable. Il faut rappeler que 90 % du coût d’une formation universitaire est financé par des contribuables qui pour la plupart ne sont jamais allés à l’université et qui pour certains subissent la concurrence des universitaires sur le marché du travail. Même si le besoin d’investir dans le capital humain est économiquement évident, la préférence politi­que s’oriente clairement vers d’autres demandes concurrentes et légitimes que sont les soins de santé et les pensions. Comment pouvons-nous donc assurer la poursuite de l’investissement en capital humain sans recourir à un effort supplémentaire des contribuables ? Mais plus important encore, si comme en Belgique, la dotation publique aux universités est fixe, comment échapper à l’inéluctable choix entre excellence pour un petit nombre ou médiocrité pour un grand nombre ? Notre argument est qu’il est possible de sortir de cette situation. On peut à la fois poursuivre l’expansion de la population étudiante (formation du capital humain) et assurer le développement de la qualité, sans augmenter la contribution publique. Il faut pour cela combiner une gratuité sélective et un financementsélectif basé sur une évaluation des performances. Gratuité sélective et payement différé : Il s’agirait de relever les droits d’inscription mais en offrant voire en imposant aussitôt que ces mon­tants soient commués en prêt remboursable au terme des études. Le remboursement du prêt serait contingent au revenu, tel un montant X au-delà d’un revenu de Y € par tranche de 1000 € empruntés. Le revenu Y à partir duquel interviendrait le paiement devrait logiquement correspondre au revenu moyen d’un individu n’ayant pas fait d’études supérieures. Quant au montant X, il devrait être fixé de manière à assurer l’équilibre financier du système Ce système est depuis peu en application au Royaume-Uni et diffère fondamentalement d’un impôt sur le revenu. Primo, le remboursement est concentré sur les utilisateurs bénéficiaires de l’enseignement supérieur. En Belgique, 12 % de la population des 25-64 ans est universitaire et gagne en moyenne 50 % en plus qu’un diplômé de l’enseignement secondaire supérieur. Il faut donc bien faire ici la dis­tinction avec l’enseignement obligatoire où la participation de tous justifie la gratuité et le financement intégral par l’impôt. Secundo, le remboursement est limité dans le temps. Tertio, le remboursement est nominatif et donc indépendant de la décision de s’expatrier. Ce dernier point est important étant donné la mobilité accrue des plus qualifiés, autant au sein de l’Europe que hors Europe. Plutôt que de décourager l’accès à l’université, ce système pourrait bien avoir l’effet contraire puisque des pays comme l’Australie et le Royaume-Uni qui ont adopté une telle politique ont des taux de par­ticipation nettement plus élevés que le nôtre (respectivement 19 % et 20 % de la population, compara­tivement au taux belge de 12 %). La crainte que l’endettement ne décourage les étudiants défavorisés d’accéder à l’université est aussi contre-dite par une étude américaine récente (NBER) qui montre que la substitution d’un système de prêt au système de bourse n’a pas eu d’effet significatif sur la partici­pation des étudiants pauvres dans les universités américaines. Financement sélectif et évaluation des performances : Il ne suffit pas de proposer une solution de refinancement des universités, il faut également chercher à dépenser mieux ces fonds partout où cela est possible. Cette recherche d’efficience a induit, avec des effets surprenants, la mise en place dans certains pays d’une évaluation de la performance, autant au niveau de l’enseignement que de la recherche. Au Royaume-Uni, l’enseignement est évalué par une agence indépendante. Depuis lors, on observe une amélioration continue de la performance générale telle qu’évaluée par l’agence. Par exemple, 60,5 % des départements avaient reçu une cote excellente en 1998-2000, comparativement à 33,9 % en 1996-98 et 24,8 % en 1995-96. Pour la recherche au Royaume-Uni, l’évaluation est faite par un panel d’experts et d’utilisateurs de la recherche, spécifique à chaque discipline. Cela résulte en un système de financement de la recherche qui est très sélectif. En 2002-2003, près de 75 % des fonds de recherche ont été alloués à 14 % des universités. On note une amélioration significative de la qualité de la recherche. Comparativement à l’évaluation de 1996, en 2001, le pourcentage de départements recevant les cotes les plus élevées a augmenté de 20 % à 39 %, alors que le pourcentage des départements recevant les cotes les plus basses a diminué de 24 % à 6 %. Nous pensons que l’évaluation a plus de chance d’être acceptée si elle n’est pas perçue comme un moyen déguisé de couper les ressources. Pour cela, un refinancement des universités au travers de la gratuité sélective est donc un bon moyen de faire accepter l’évaluation des performances et un finan­cement plus sélectif. Le point de vue du philosophe Est-il juste que l’Université soit gratuite ? D’un côté, bien sûr que oui. En effet, à condition de dispo­ser d’un système d’impôt sur le revenu suffisamment performant, mieux vaut offrir l’université gra­tuitement à tous les ménages, non parce que c’est mieux pour les riches (dont les impôts financent de toutes façons les prestations dont ils bénéficient), mais parce que c’est mieux pour les pauvres (facilité administrative, non-stigmatisation des pauvres et incitation au travail). De l’autre, bien sûr que non, car si ce cadeau est égal pour chacun quant à son coût, il est très inégal dans ses effets. A ceux qui sont déjà avantagés par leurs talents initiaux et ce que leur environnement familial et scolaire en a fait, la société a le culot de dire : «Nous vous donnons en outre un gros cadeau supplémentaire sous la forme d’une formation supérieure gratuite» Peut-on réconcilier ces deux intuitions en apparences contradictoires ? Pas trop difficilement. C’est en fait ce que réalise pour l’essentiel le système auquel nous sommes accoutumés : un enseignement supérieur essentiellement gratuit quant à son coût explicite, mais avec une récupération différée non ciblée, sous la forme d’une taxation progressive du revenu des personnes physiques. A cette apologie non déguisée du statu quo, on peut faire au moins quatre objections. Objection 1. Le système actuel taxe indifféremment ceux qui doivent leur revenu élevé à des études payées par la collectivité et ceux qui le doivent à d’autres raisons. Réponse. C’est inévitablement approximatif, mais nullement améliorable par un meilleur ciblage du financement. Tenter de repérer la part de revenu que chacun doit à ses études supérieures, c’est, du point de vue de la recherche de la justice, faire preuve d’un souci de précision bien mal placé. En effet, le revenu que le marché nous attribue est certes fonction des efforts consentis, mais sur la toile de fond d’un ensemble vaste et complexe de dons, d’opportunités, de chances qui nous ont été attribués de manière très inégale et éthiquement arbitraire. Objection 2. En faisant payer aux bénéficiaires le vrai coût de leur formation, on se protège contre de graves gaspillages de ressources dans des formations qui sont loin de valoir ce qu’elles coûtent mais n’en rencontrent pas moins un franc succès du fait de leur gratuité. Réponse. Un usage intelligent des ressources rares disponibles exige une régulation de l’offre des formations. Mais la meilleure régulation, dans ce cas, ne passe pas par la vérité des prix et la souverai­neté du consommateur. La gratuité est naturellement combinable avec un numerus clausus explicite ou implicite, global et/ou spécifique à chaque orientation. Objection 3. Plus les étudiants payeront pour leurs études, plus ils seront à la fois motivés à étudier avec zèle et exigeants à l’égard de leurs enseignants, eux-mêmes désormais soucieux de ne pas perdre la clientèle à la source de leurs revenus. Réponse. Dans un système de concurrence implicite comme le nôtre, où la subsidiation de chaque institution dépend fortement de la proportion des étudiants qu’elle parvient à attirer, les enseignants ont la même incitation financière à se préoccuper de la satisfaction de leurs «clients» que si le montant provenant aujourd’hui des subsides avait à être payé par les étudiants. En outre, une soumission trop directe aux exigences de l’étudiant actuel peut handicaper gravement l’efficacité de long terme du système, qui exige à la fois de laisser place à une recherche sans retombée directe sur l’enseignement actuel et d’enseigner aux étudiants ce qu’il est important qu’ils apprennent, plutôt que ce que l’air du temps leur fait souhaiter d’apprendre. Objection 4. Avec la mobilité transnationale des personnes hautement qualifiées et la décentralisation de la souveraineté fiscale à un niveau sub-national, il sera plus difficile de récupérer par l’impôt l’investissement dont jouissent les titulaires d’emplois hautement qualifiés qui choisissent de s’expatrier. Réponse. Face à cette difficulté, le plus efficace est peut-être encore de préserver et développer, parmi les personnes qui ont la chance de pouvoir bénéficier de l’enseignement supérieur de leur pays, un sentiment de gratitude et une attitude de loyauté à l’égard de cette entité collective qui leur a offert ce privilège.
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Guille-Escuret, Georges. "Cannibalisme." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.119.

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Abstract:
Le terme cannibalisme, issu de la découverte par Christophe Colomb des Canibs antillais (les Caraïbes), cristallise la réunion de deux phobies millénaires au sein de la civilisation occidentale : d’une part, le refus politique par la Grèce antique de l’allélophagie (se manger les uns les autres), incompatible avec la cité au même titre que la société féminine des Amazones, et, d’autre part, la répulsion mystique que l’anthropophagie inspire au monothéisme, par la rémanence trouble d’un caractère sacré de la chair humaine. Dès lors, la notion unit deux « bestialités » en une dépréciation ultime de l’exotisme que, malgré un essai rebelle et lumineux de Montaigne, la science de l’homme subira en pensant a priori le cannibalisme sous forme de crime contre l’humanisme, à travers trois phases : l’accusation, tant que l’ethnologie s’associe au colonialisme, puis le silence, après la Première Guerre mondiale, et enfin la disculpation, voire une dénégation « faute de preuves », depuis le dernier quart du XXe siècle. Cela posé, au-delà du défi permanent lancé à une sérénité scientifique que l’anthropologie se devrait d’acquérir face à tout objet de réflexion, le thème du cannibalisme contient une multitude de questions d’autant plus intéressantes qu’elles sont demeurées en friche pendant que « le reste de l’ethnologie » affinait son élaboration. Toutes les sociétés pensent spontanément l’hypothèse d’un cannibalisme, ne serait-ce que pour en commenter l’indécence : par exemple, en tant qu’inceste alimentaire (Polynésie, Micronésie). Certaines ont pratiqué une anthropophagie médicale non cannibale, en ce sens que le traitement des organes destinés à une absorption n’entretient aucun rapport avec l’identité de leur porteur (Europe, Chine), ou bien que le prélèvement partiel sur un parent n’implique pas sa mort (Chine). Il arrive, cependant, que l’existence d’une sorcellerie utilisant régulièrement le corps humain s’étende par moments à une fébrilité guerrière (Afrique centrale et occidentale), intégrant ainsi un constat général : la pratique culturellement assumée du cannibalisme « clignote » le plus souvent sur la planète comme un phénomène inconstant, ou selon le mot de Claude Lévi-Strauss, « labile ». Plus précisément, le sentiment d’une fréquence à long terme dans de grandes aires (Mélanésie, Amazonie), ou certains types d’environnements (la forêt tropicale en tête), voile une instabilité de la pratique chez les peuples. Les exceptions éventuelles correspondent non à des modes de vie présumés « sauvages » ou « primitifs », mais à des peuples marqués au contraire par des hiérarchies instituées : en Amazonie et en Amérique centrale, la consommation de l’ennemi imprégna si nettement certaines cosmogonies (Tupi-Guaranis, Caraïbes, Nahuas) qu’elle s’y fixa sur une longue durée. Le rapport prédateur/proie y était ressenti à travers une circularité où les groupes échangent continuellement les rôles : l’affirmation de la parité chez les guerriers s’accorde à la stratification sociale, dans un schéma analogue à la conjonction du chevaleresque et de l'aristocratique chez les Occidentaux. Les Bataks de Sumatra, dont l’anthropophagie fut signalée sur sept siècles, constituent un cas limite différent : punitive, elle s’applique aussi bien aux membres de la communauté (cannibalisme dit « juridique ») qu'aux ennemis. Autre point remarquable : si l'on considère les grandes zones culturelles de la planète, l'exocannibalisme (c'est-à-dire, la consommation alimentaire de l'ennemi) ne couvre jamais, fut-ce provisoirement, la totalité de l'espace habité, loin s'en faut. D'une part, il existe toujours des groupes qui la rejettent parmi des voisins qui s'y adonnent. D'autre part, on trouve régulièrement la présence de deux usages assortis : l'endocannibalisme funéraire sur le corps du parent défunt, voire spécialisé sur les os (Amazonie), et la chasse aux têtes où le trophée se rapporte systématiquement à un seuil décisif du cycle vital (naissance, mariage, cérémonie agraire de fécondité). Les trois orientations surgissent dans les mêmes régions, mais s'assemblent rarement. La conjonction sur la chair humaine des anthropophagies guerrière et funéraire émerge ponctuellement en Amazonie et en Nouvelle-Guinée, où elle singularise une population par rapport aux autres. L'incompatibilité se révèle, certes, moins tranchée entre exocannibalisme et chasse aux têtes (Océanie), d'autant que le rituel d'adoption sur le trophée prévoit habituellement une absorption infime à un instant déterminé de son déroulement. Cela dit, chaque fois que ces deux opérations se combinent, la prépondérance de l'une d'elles s'affirme clairement aux dépens de l'autre. Enfin, entre endocannibalisme et chasse aux têtes, aucun compromis n'affleure. Sous le foisonnement des enregistrements d'une « prédation » à l'encontre du congénère, les interprétations globales ont confirmé le contrecoup d'une hantise idéologique par un antagonisme grossier des positions défendues : un matérialisme ultra-rudimentaire soutient la cause nutritive, malgré d'innombrables objections, en miroir d'aperçus psychologiques qui se contentaient jadis de rétorquer un désir de vengeance, ou de s'approprier la force de l'ennemi, et qui, aujourd'hui, défendent les impératifs de la faculté symbolique. Chacune de ces tendances persiste uniquement en exploitant les insuffisances de la vision adverse, ce qui masque une inaptitude à décrypter la logique des rapports sociaux inférés. Une troisième attitude souligne depuis le XVIIIe siècle la difficulté de protéger la rationalité devant l'aversion : le déni du fait, suivi d'une disculpation « faute de preuves », au nom de la malveillance des témoins (colons, soldats, etc.), opération qui élude la pertinence de « l'acte d'accusation » occidental. Là encore, cette vision rencontre un négatif : le panachage débridé de tous les cas enregistrés, y compris des anecdotes « modernes », en vue de ramener le problème à une pulsion abjecte. L'analogie entre un acte individuel d'anthropophagie dans une société qui la maudit et une coutume exotique est évidemment aussi absurde qu'odieuse. Pourtant, sur un mode moins spectaculaire, des récurrences sociologiques existent. Elles sont particulièrement prononcées dans des sociétés guerrières mais acéphales, qui reposent sur une économie horticole, forestière (Amazonie, Afrique, Asie du Sud-Est) ou insulaire (Océanie). Sous couvert d'une loi du talion d'où ressort un statut d'égalité jusque dans la relation prédateur/proie, et qui réclame que tout meurtre et toute consommation soit compensée, le cannibalisme habite les combats et participe souvent à une limitation de leurs dévastations en dissuadant les vainqueurs de pousser leur avantage. Des paix ont ainsi été conclues par le cadeau d'un membre du groupe avantagé aux adversaires pénalisés par l'affrontement (Nouvelles-Hébrides) : le repas consécutif scelle la fin des hostilités. Il arrive, cependant, que le cannibalisme se débride : il témoigne alors d'une crise grave et les Européens ont rarement compris que leur arrivée « tambour battant » avait décuplé par divers biais les violences auxquelles ils assistaient. La bestialité alimentaire qui les scandalisait, dans laquelle ils devinaient une pré-histoire, était en réalité toujours imprégnée par une lourde crise historique. En contraste, il s'avère plus aisé de cerner la prohibition intransigeante de l'anthropophagie guerrière qui s'étend continuellement en tache d'huile. D'abord, parmi les sociétés centrées sur le traitement d'un bétail, la domestication des animaux entraînant peu à peu une modification parallèle des rapports entre les hommes, à commencer par les étrangers, en y insinuant la perspective d'un assujettissement durable. L'ennemi quitte la scène de la chasse et les proies se transforment en troupeau. Chez les cannibales, le scénario majoritaire place le captif devant une alternative : être assimilé physiquement (repas), ou socialement (adoption). Chez les éleveurs, le choix tend à disparaître, et une gradation de l'asservissement semble s'y substituer. À un autre étage, l'interdit alimentaire se cristallise sous l'autorité centralisée de sociétés étatiques qui revendiquent une supériorité politique et culturelle, en dénigrant l'infériorité des modes de vie différents : en Europe et en Orient, mais aussi chez les Incas, ou à Hawaï, le refus de l'anthropophagie se soude à la sensation d'un rôle souverain qui rejette un principe de contigüité essentielle entre les peuples. En somme, il existe une multitude de motifs susceptibles de valider la consommation du congénère, alors qu'il n’y en a qu’un pour asseoir durablement la proscription de cette pratique : la domination. Un préjugé occidental tenace discerne une humiliation indubitable dans le fait de se repaître du combattant terrassé ou capturé, alors que, justement, elle n'effleure pas la plupart des cannibales. Montaigne a superbement démenti l'intuition et conclut par cette formule : « il est tué, non pas vaincu ». Inversement, celui qui se proclame civilisé, tout en accablant et opprimant « pour leur bien » les arriérés, primitifs ou barbares, ne tolère pas l'idée de les manger : ne subodore-t-il pas dans cette fusion un dédit de ses prétentions à rompre avec un passé qui perdure en l'autre? Pour leur part, lorsque les Fidjiens souhaitaient insulter la mémoire d'un homme singulièrement détesté, ils laissaient sa dépouille sur place après l'avoir terrassé, signifiant par là qu'ils ne daigneraient pas s'en nourrir.
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Vibert, Stephane. "Tradition et modernité." Anthropen, 2018. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.081.

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Abstract:
« Tradition » et « modernité » sont longtemps apparues, pour les sciences sociales et le sens commun, non seulement comme des notions relatives, initialement définies l’une par rapport à l’autre dans un rapport d’exclusivité mutuelle, mais plus encore, comme des qualificatifs désignant de véritables régimes d’humanité – sociétés traditionnelles et modernes. Pourtant, de l’intérieur même du champ anthropologique, de nombreuses critiques se sont régulièrement élevées à l’encontre de ce découpage trop schématique, appelant à davantage de réflexivité quant à l’usage de ces catégories englobantes. En effet, durant une majeure partie de son existence, l’anthropologie a été associée à l’étude des sociétés « primitives », ou « traditionnelles », alors que la description des sociétés « civilisées », ou « modernes », était dévolue à la sociologie. Cette distinction épousait de fait l’auto-compréhension des sociétés occidentales, dont la reconstruction évolutionniste de l’histoire de l’humanité présentait celle-ci selon une succession linéaire et nécessaire de stades indiquant les progrès de l’esprit humain, manifestes tant au niveau de l’organisation sociale, de la connaissance des phénomènes, de la morale personnelle que des réalisations matérielles et techniques. Aussi, dès la rencontre effective avec des sociétés aux langues, mœurs, croyances ou activités dissemblables, l’intérêt pour l’altérité comme différence s’est trouvé en tension avec une volonté de classification abstraite, selon une philosophie de l’histoire élaborée à partir des catégories intellectuelles propres à la trajectoire occidentale. Cela passe notamment, à partir des 18éme-19èmes siècles, par une auto-identification à la Raison universelle, seule apte à circonscrire le savoir « vrai » sur la réalité physique ou sociale, à distance de tous les préjugés enfermant l’humain dans la coutume, l’ignorance et la superstition. De cette configuration culturelle particulière (dite « post-traditionnelle »), nouveau mode de représentation du monde et de l’Homme apparu à la Renaissance et aboutissant aux Lumières, découleront tant un ensemble de processus socio-politiques définissant la « modernité » (développement scientifique et technique, révolution industrielle, État de droit, capitalisme marchand, individualisation des comportements et des valeurs, etc.) qu’une opposition globale à la « tradition » (les « survivances », en termes évolutionnistes). Ce « désenchantement du monde » – pour reprendre l’expression célèbre de Max Weber –, sera perçu à travers une dichotomie généralisée et normativement orientée, déclinée sous de multiples aspects : religion / science, immobilisme / changement, hiérarchie / égalité, conformisme / liberté, archaïsme / progrès, communauté / société, etc. Si le « grand partage » entre Nous et les Autres, entre modernité et tradition, a pu constituer un soubassement fondamental à la prime ambition empirique et positiviste du savoir anthropologique, il n’en a pas moins dès l’origine de la discipline été contesté sur bien des points. En anthropologie, l’idée d’une tradition fixe et rigide s’avère critiquée dès Malinowski, l’un des premiers à souligner la rationalité contextuelle des « primitifs » en référence à leurs règles communes de coexistence, et à récuser l’assimilation indue de la tradition à une obéissance servile et spontanée, sorte d’inertie mentale ou d’instinct groupal. Chez les Trobriandais ou ailleurs, soulignait-il, « dans des conditions normales, l’obéissance aux lois est tout au plus partielle, conditionnelle et sujette à des défaillances et (…) ce qui impose cette obéissance, ce ne sont pas des motifs aussi grossiers que la perspective du châtiment ou le respect de la tradition en général, mais un ensemble fort complexe de facteurs psychologiques et sociaux » (Malinowski, 2001 : 20). L’anthropologie, par sa mise en valeur relativiste des multiples cultures du monde, insistera alors davantage sur l’importance de la tradition dans la constitution de toute société, comme ensemble de principes, de valeurs, de pratiques, de rituels transmis de génération en génération afin d’assurer la permanence d’un monde commun, fût-ce à travers d’essentielles dynamiques de réappropriation, d’altération et de transformation, trait fondamental de toute continuité historique. Selon Jean Pouillon, « la tradition se définit – traditionnellement – comme ce qui d’un passé persiste dans le présent où elle est transmise et demeure agissante et acceptée par ceux qui la reçoivent et qui, à leur tour, au fil des générations, la transmettent » (Pouillon, 1991 : 710). En ce sens, « toute culture est traditionnelle », même si elle se conçoit comme radicalement nouvelle et en rupture totale avec le passé : son inscription dans la durée vise implicitement un « devenir-tradition ». Dès les années 1950, le courant « dynamique » de l’anthropologie britannique (Gluckman, 1956 ; Leach, 1954 ; Turner, 1957), les analyses de l’acculturation aux États-Unis (Herskovits, 1955) ou les travaux pionniers de Balandier (1955) et Bastide (1960) en France avaient montré combien les « traditions », malgré les efforts conservateurs des pouvoirs religieux et politiques afin de légitimer leur position, recelaient de potentialités discordantes, voire contestataires. A partir des années 1980, certains courants postmodernes, post-coloniaux ou féministes en anthropologie (Clifford et Marcus, 1986 ; Appadurai, 1996 ; Bhabha, 1994 ; Abu-Lughod, 1993), souvent inspirés par la French Theory des Foucault, Deleuze ou Derrida (Cusset, 2003), se sont inscrits dans cette veine afin d’élaborer une critique radicale de la perspective moderne : partant du native point of view des populations subalternes, objectivées, dépréciées et opprimées, il s’agit de dénoncer le regard implicitement colonialiste et essentialiste, qui – au nom de la science objective – avait pu les rejeter unanimement du côté de l’archaïsme et de l’arriération.. Cette reconsidération féconde de la « tradition » rejaillit alors nécessairement sur son envers relatif, la « modernité ». A partir des années 1950, suite au cataclysme totalitaire et aux puissants mouvements de décolonisation, apparaît une critique anthropologique argumentée des principes de développement et de modernisation, encore approfondie dans les années 1990 avec la fin du communisme réel en Europe et l’avènement d’une crise écologique liée à l’hégémonie du capitalisme industriel. Sous l’effet d’une « mondialisation » aux dimensions hétérogènes voire contradictoires, l’Occident semble redécouvrir les vertus des approches dites « traditionnelles » en de nombreux domaines (spiritualité, médecine, artisanat, agriculture, patrimoine, etc.), à la faveur de réseaux d’information et de communication toujours plus denses. Sans trancher sur le fait de savoir si notre époque globalisée relève encore et toujours de la modernité (seconde, avancée ou tardive), ou alors de la postmodernité (Bonny, 2004) du fait des formes hybrides ainsi produites, la remise en cause de la rationalité progressiste entendue comme « métarécit » (Lyotard, 1979) semble favoriser une compréhension plus équilibrée des « traditions vivantes », notamment des mœurs des populations autochtones ou immigrées (pluralisme culturel, tolérance religieuse, éloge de la diversité et du cosmopolitisme), même si certaines contradictions n’en apparaissent pas moins toujours prégnantes entre les divers répertoires de sens disponibles. Dès lors, les deux termes du contraste classique tradition / modernité en ressortent désormais foncièrement relativisés, et surtout complexifiés. Les études historiques ont montré combien les sociétés apparemment les plus modernes contribuaient plus ou moins consciemment à une constante « invention de traditions » (Hobsbawm et Ranger, 1992), évidente dans la manifestation de certains nationalismes ou fondamentalismes religieux cherchant à légitimer leurs revendications politiques et culturelles les plus contemporaines par le recours à un passé idéalisé. D’une certaine manière, loin d’avoir strictement appliqué un programme rationaliste de séparation nature / culture, « nous n’avons jamais été modernes » (Latour, 1991), élaborant plutôt à notre insu un monde composite et hétéroclite, sous la domination d’un imaginaire social qui érige paradoxalement le progrès, la rationalité et la croissance en mythe de la maîtrise rationnelle. Et lorsqu’elle s’exporte, cette « ontologie naturaliste » (Descola, 2005) se voit réinterprétée, transformée, voire inversée, selon une « indigénisation de la modernité » (Sahlins, 2007 : 295) qui bouscule tant les univers locaux de signification que les principes globaux d’arraisonnement du monde. S’avère désormais entérinée l’existence de « modernités multiples », expression synonyme d’une évolution différenciée des trajectoires socio-culturelles à travers des cheminements à la fois interreliés, métissés, contingents et comparables. A l’inverse, nul ne semble pouvoir dorénavant se réclamer ingénument de la tradition sans être confronté à un paradoxe fondamental, déjà repéré par Hocart (1927) : puisqu’elle ne vit généralement qu’ignorée de ceux qui la suivent (selon un agir pratique incorporé dans les us et coutumes du quotidien), on fait appel à la tradition d’abord pour justifier ce qui justement ne va plus de soi, et se trouve en danger de disparaître. Ce passage de la tradition au « traditionalisme » peut prendre à la fois la forme légitime d’une sauvegarde de valeurs et coutumes ou de la résistance à la marchandisation globale, mais aussi le visage grimaçant d’une instrumentalisation idéologique, au service d’un ordre social chimérique, soi-disant pur et authentique, fût-il répandu par les moyens technologiques les plus modernes.
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Hervé, Caroline. "Communs." Anthropen, 2018. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.086.

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Abstract:
Les communs (commons en anglais) peuvent être définis comme un ensemble de ressources physiques, matérielles ou immatérielles que les êtres humains cherchent à exploiter, à gérer ou à protéger pour assurer leur survie biologique, économique, sociale ou encore culturelle. Très à la mode depuis une quarantaine d’années en anthropologie, sociologie, histoire, économie ou encore en philosophie, ce concept a vu son champ d’application s’élargir, ses propositions théoriques s’étoffer et ses analyses se complexifier, tout en perdant progressivement son sens historique. Sortis du champ académique et instrumentalisés par les mouvements de résistance au néolibéralisme, les communs sont désormais au cœur de débats de société. La façon dont cette notion interroge les interactions entre les êtres humains et leur environnement, son intérêt pour éclairer la fabrication du social et sa réutilisation dans le débat public en fait un objet de recherche riche pour l’anthropologie. La définition du concept de communs est une entreprise difficile tant il renvoie à des usages divers. Si certains chercheurs tendent à privilégier, en français, l’usage du pluriel afin de marquer la grande variété des ressources regroupées sous la terminologie de communs, que l’on parle de ressources naturelles, mais également sociales ou intellectuelles, d’autres auteurs insistent sur l’importance d’utiliser le terme au singulier afin de souligner son potentiel théorique et pratique (Hardt et Negri 2012 ; Dardot et Laval 2014). L’origine étymologique du terme commun, construit sur les locutions latines cum et munus, renvoie à une idée centrale, celle de la mise commun ou de la gestion commune de biens, mettant l’accent sur le fait que le commun « implique donc toujours une certaine obligation de réciprocité liée à l’exercice de responsabilités publiques » (Dardot et Laval 2014 : 23). Ces deux aspects, celui de réciprocité et de responsabilité publique, sont au cœur de la définition historique des communs. Les origines du concept renvoient à une pratique de gestion des terres qui était courante dans différentes régions d’Europe avant la fin du Moyen-Âge et qui consistait en la gestion commune de certaines terres par un groupe de personnes ou d’unités familiales pendant une période de temps limitée. Dans certaines circonstances, tout le monde pouvait avoir accès à ces terres, selon des règles d’usage particulières ; dans d’autres cas, leur usage était restreint et contrôlé. Ce fonctionnement communal a progressivement été mis en cause par les autorités publiques et les cercles politiques à partir du milieu du XVIIIe siècle. En l’espace d’un siècle, la plupart des communs en Europe de l’ouest devinrent ainsi des propriétés privées ou publiques (De Moor 2011 : 425). Ceci correspond au phénomène connu des enclosures qui s’est particulièrement développé en Angleterre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, à travers lequel de larges étendues de champs ouverts, connus sous le nom de terrains communaux ou commons, ont progressivement été parcellisés et enclos (Hemmungs Wirtén 2013 : 2), dans un contexte marqué par l’augmentation démographique et l’industrialisation. Ce retour dans l’histoire est important pour comprendre les confusions qui sont apparues lorsque les chercheurs des différentes disciplines ont commencé à s’intéresser plus largement à la question des communs à partir du milieu du XXe siècle. L’une des confusions les plus importantes a été introduite par le biais du travail de Garrett Hardin dans son célèbre article « The Tragedy of the Commons », publié en 1968, dans lequel il explique que les communs sont susceptibles de surexploitation et donc de disparition. Sa thèse principale repose sur l’idée biaisée que les communs historiques étaient accessibles à tous et en tout temps. À la suite de la parution de cet article, les chercheurs ont ainsi commencé à utiliser le terme de communs pour faire référence à toutes formes de ressources utilisées par tous et sans contrôle, ce qui ne correspond pourtant pas à sa définition historique (De Moor 2011 : 425). L’article de Hardin a ouvert de nombreuses recherches portant sur les solutions à mettre en œuvre pour contrer la dégradation des communs. Mais ces travaux sont souvent restés coincés entre deux options : la prise en charge des communs par l’État ou par le marché. C’est dans ce contexte que le travail de la politologue Elinor Ostrom (1990), en proposant une troisième voie, a eu un retentissement important dans le monde académique, et même au-delà. La publication de son livre Governing the Commons constitue une étape essentielle dans les recherches sur la gestion des communs. Non seulement, elle montre que l’exploitation des communs ne mène pas inéluctablement vers leur fin, mais elle explore la diversité des arrangements institutionnels permettant la gestion de ceux-ci, sans pour autant avoir recours à l’État ou à la privatisation. Sa contribution est consacrée en 2009 lorsqu’elle reçoit, en même temps qu’Oliver Williamson, le prix Nobel d’économie pour son analyse de la gouvernance économique et celle des communs. La création de l’International Association for the Study of the Commons en 1989 ou encore la création de l’International Journal of the Commons en 2007, révélateurs d’un engouement scientifique pour la question des communs, permettent la diffusion des théories et des méthodes dans les différentes disciplines et dans la société civile, à tel point que l’étude même des communs comporte aujourd’hui des enjeux politiques, sociaux et même éthiques (Peugeot et Piron 2015). Les travaux d’Elinor Ostrom s’inscrivent dans une démarche résolument interdisciplinaire puisqu’elle utilise des études de cas, des concepts, des modèles et des méthodes issus de différentes sciences sociales, et tout particulièrement de l’anthropologie. Loin de développer une perspective purement institutionnelle, Ostrom s’intéresse en effet avant tout aux stratégies développées par les acteurs sociaux pour gérer des ressources en commun. Elle s’appuie pour cela sur de nombreuses études de cas développées par des anthropologues pour comprendre par exemple les systèmes d’irrigation au Népal, dans les Philippines ou à Los Angeles, la gestion des forêts en Inde, en Asie, en Afrique et en Amérique latine ou encore la pêche côtière en Inde ou au Canada (Acheson 2011 : 320). Même si son usage de l’anthropologie est qualifié de fragmentaire, puisque sortant ces études de cas de leurs contextes politiques ou culturels, ses travaux sont néanmoins reconnus comme une contribution majeure à la discipline anthropologique (Rabinowitz 2010). Outre celle des interactions entre les hommes et leur environnement, les travaux d’Ostrom rejoignent bien d’autres questions intéressant les anthropologues. Ils interrogent directement la gestion des ressources collectives, la nature des liens de coopération et la fabrique des communautés (Rabinowitz 2010 : 104), la production des normes et des règles sociales, ainsi que de la propriété, privée ou publique (Acheson 2011 : 320). Enfin, en montrant le rôle important de la réciprocité dans la plupart des cas de gestion alternative des ressources, les anthropologues ont mis en évidence, à partir de leurs différents terrains, le fait que l’homme n’était pas uniquement animé par une logique économique, mais que le symbolisme était central dans les pratiques d’échange, renvoyant ainsi aux théories sur le don, concept dont les anthropologues ont étudié les multiples formes dans les sociétés humaines. Dans la foulée des propositions théoriques de Hardin et de Ostrom, un véritable engouement s’est manifesté autour de la question de ces communs naturels, en anthropologie et dans les autres disciplines des sciences sociales. Ces travaux ont fourni des modèles inspirant pour d’autres types d’objets de recherche et plus récemment les chercheurs ont commencé à identifier de nouveaux communs (new commons), comme des biens communs sociaux (social commons) qui constituent des ressources sociales ou des services destinés à des groupes sociaux spécifiques, des communs de nature intellectuelle ou encore culturelle incluant des ressources aussi variées que la musique, l’artisanat, les technologies numériques, etc. (Nonini 2006 : 166-167). Certains anthropologues ont même avancé l’idée que les communs peuvent englober des dimensions plus invisibles de la vie sociale relevant du domaine cognitif, corporel ou affectif, comme par exemple chez les Urarina, peuple indigène du Pérou, pour lesquels la notion même de tranquillité doit être l’objet d’un partage ou d’une réciprocité (Walker 2015). L’extension du concept de communs à des domaines aussi divers de la vie sociale explique aujourd’hui la difficulté à en donner une définition uniforme et certaines ambivalences quant à ses usages et ses analyses. De façon plus générale, la naturalisation du discours sur les biens communs a nécessité de s’engager dans une réflexion critique sur cet objet, ce que l’anthropologie a pu prendre en charge à travers sa capacité à mettre en perspective la production du social. Le succès du terme ne s’est en effet pas limité au milieu académique. Dans le contexte des dernières décennies, alors que des corporations, des gouvernements et d’autres types d’institutions politiques, privées ou non-gouvernementales, ont dépossédé certains groupes humains de leurs ressources dans la mouvance de la globalisation néolibérale, des stratégies de résistance et de lutte pour conserver ou retrouver le contrôle sur ces biens se sont développées (Nonini 2006 : 165). Dans le même temps, les propositions théoriques sur les communs ont mis en valeur des alternatives séduisantes face à la mainmise du marché ou de l’État sur ces ressources. Les anthropologues ont ainsi montré que ces luttes ne concernent pas seulement le contrôle des ressources matérielles mais également le contrôle des significations culturelles associées aux communs et aux processus qui les préservent ou les détruisent (Nonini 2006 : 165). Les stratégies et les perspectives antagonistes des différents groupes se disputant les communs sont ainsi devenues des objets de recherche riches pour l’anthropologie. Dans le contexte sud-américain où la surexploitation des ressources naturelles s’impose comme un nouveau paradigme économique, le constat que chacune des deux parties réutilise le concept de biens communs et de communs pour légitimer, d’un côté l’exploitation des ressources naturelles, et de l’autre la lutte contre cette exploitation, rappelle la nécessité de repenser les fondements ontologiques de chacune de ces deux façons de concevoir la relation entre les humains et le monde naturel. Dans ce cadre, les peuples autochtones nous invitent plutôt à penser ces confrontations ontologiques à travers le concept d’« incommuns » ; celui-ci révèlerait plutôt l’existence et la persistance d’une certaine incompatibilité entre différentes façons d’être au monde. En effet, alors que les entreprises extractrices font reposer leurs justifications sur la distinction entre nature et culture, et plus précisément sur le contrôle de la nature par les êtres humains, les peuples autochtones de leur côté se perçoivent en continuité avec le monde naturel, engagé dans une relation réciproque avec lui et dans l’obligation de le protéger (Blaser et De La Cadena 2017 : 186-187).
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Gagné, Natacha. "Anthropologie et histoire." Anthropen, 2017. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.060.

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Abstract:
On a longtemps vu l’histoire et l’anthropologie comme deux disciplines très distinctes n’ayant pas grand-chose en partage. Jusqu’au début du XXe siècle, l’histoire fut essentiellement celle des « civilisés », des Européens et donc des colonisateurs. Si les colonisés n’étaient pas complètement absents du tableau, ils étaient, au mieux, des participants mineurs. L’anthropologie, pour sa part, s’est instituée en ayant pour objet la compréhension des populations lointaines, les « petites sociétés », autochtones et colonisées, ces populations vues comme hors du temps et de l’histoire. Cette situation était le produit d’une division traditionnelle (Harkin 2010 : 114) – et coloniale (Naepels 2010 : 878) – du travail entre histoire et anthropologie. Celle-ci se prolongeait dans le choix des méthodes : les historiens travaillaient en archives alors que les anthropologues s’intéressaient aux témoignages oraux et donc, s’adonnaient à l’enquête de terrain. Les deux disciplines divergeaient également quant à la temporalité : « Pour l’histoire, (…) le temps est une sorte de matière première. Les actes s’inscrivent dans le temps, modifient les choses tout autant qu’ils les répètent. (…) Pour l’anthropologue, s’il n’y prend garde, le temps passe en arrière-plan, au profit d’une saisie des phénomènes en synchronie » (Bensa 2010 : 42). Ces distinctions ne sont plus aujourd’hui essentielles, en particulier pour « l’anthropologie historique », champ de recherche dont se revendiquent tant les historiens que les anthropologues, mais il n’en fut pas de tout temps ainsi. Après s’être d’abord intéressés à l’histoire des civilisations dans une perspective évolutionniste et spéculative, au tournant du siècle dernier, les pères de l’anthropologie, tant en France (Émile Durkheim, Marcel Mauss), aux États-Unis (Franz Boas), qu’en Angleterre (Bronislaw Malinowski, Alfred Radcliffe-Brown), prendront fermement leur distance avec cette histoire. Les questions de méthode, comme le développement de l’observation participante, et l’essor de concepts qui devinrent centraux à la discipline tels que « culture » et « fonction » furent déterminants pour sortir de l’idéologie évolutionniste en privilégiant la synchronie plutôt que la diachronie et les généalogies. On se détourna alors des faits uniques pour se concentrer sur ceux qui se répètent (Bensa 2010 : 43). On s’intéressa moins à l’accidentel, à l’individuel pour s’attacher au régulier, au social et au culturel. Sans être nécessairement antihistoriques, ces précepteurs furent largement ahistoriques (Evans-Pritchard 1962 : 172), une exception ayant été Franz Boas – et certains de ses étudiants, tels Robert Lowie ou Melville J. Herskovits – avec son intérêt pour les contacts culturels et les particularismes historiques. Du côté de l’histoire, on priorisait la politique, l’événement et les grands hommes, ce qui donnait lieu à des récits plutôt factuels et athéoriques (Krech 1991 : 349) basés sur les événements « vrais » et uniques qui se démarquaient de la vie « ordinaire ». Les premiers essais pour réformer l’histoire eurent lieu en France, du côté des historiens qui seront associés aux « Annales », un nom qui réfère à la fois à une revue scientifique fondée en 1929 par Marc Bloch et Lucien Febvre et à une École d’historiens français qui renouvela la façon de penser et d’écrire l’histoire, en particulier après la Seconde Guerre mondiale (Krech 1991; Schöttler 2010). L’anthropologie et la sociologie naissantes suscitèrent alors l’intérêt chez ce groupe d’historiens à cause de la variété de leurs domaines d’enquête, mais également par leur capacité à enrichir une histoire qui n’est plus conçue comme un tableau ou un simple inventaire. Les fondateurs de la nouvelle École française des Annales décrivent leur approche comme une « histoire totale », expression qui renvoie à l’idée de totalité développée par les durkheimiens, mais également à l’idée de synthèse du philosophe et historien Henry Berr (Schöttler 2010: 34-37). L’histoire fut dès lors envisagée comme une science sociale à part entière, s’intéressant aux tendances sociales qui orientent les singularités. L’ouvrage fondateur de Marc Bloch, Les rois thaumaturges (1983 [1924]), pose les jalons de ce dépassement du conjoncturel. Il utilise notamment la comparaison avec d’autres formes d’expériences humaines décrites notamment dans Le Rameau d’Or (1998 [1924; 1890 pour l’édition originale en anglais]) de James G. Frazer et explore le folklore européen pour dévoiler les arcanes religieux du pouvoir royal en France et en Angleterre (Bensa 2010; Goody 1997). Il s’agit alors de faire l’histoire des « mentalités », notion qui se rapproche de celle de « représentation collective » chère à Durkheim et Mauss (sur ce rapprochement entre les deux notions et la critique qui en a été faite, voir Lloyd 1994). Les travaux de la deuxième génération des historiens des Annales, marqués par la publication de l’ouvrage de Fernand Braudel La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II en 1949 et de son arrivée en 1956 à la direction de la revue, peuvent encore une fois mieux se comprendre dans l’horizon du dialogue avec l’anthropologie, d’une part, et avec les area studiesqui se développèrent aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale, de l’autre (Braudel 1958). Le projet est de rapporter « la spécificité des acteurs singuliers, des dates et des événements à des considérations plus vastes sur la transformation lente des mœurs et des représentations. Le travail ne consiste pas seulement à capter au projet de l’histoire des rubriques chères à l’anthropologie, mais aussi à caractériser une époque [et une région] par sa façon de percevoir et de penser le monde » (Bensa 2010 : 46). Il s’agit alors de faire l’histoire des structures, des conjonctures et des mentalités (Schöttler 2010 : 38). Les travaux de cette deuxième génération des Annales s’inscrivent dans un vif débat avec l’anthropologie structuraliste de Claude Lévi-Strauss. Si tant Braudel que Lévi-Strauss voulaient considérer les choses de façon globale, Lévi-Strauss situait la globalité dans un temps des sociétés des origines, comme si tout s’était joué au départ et comme si l’histoire n’en serait qu’un développement insignifiant. Pour sa part, Braudel, qui s’intéressait à l’histoire sérielle et à la longue durée, situait plutôt la globalité dans un passé qui sert à comprendre le présent et, jusqu’à un certain point, à prévoir ce qui peut se passer dans le futur. Ce qui constitue le fond de leur opposition est que l’un s’intéresse à l’histoire immobile alors que l’autre s’intéresse à l’histoire de longue durée, soit l’histoire quasi immobile selon laquelle, derrière les apparences de la reproduction à l’identique, se produisent toujours des changements, même très minimes. Dans les deux cas, l’ « événementiel » ou ce qui se passe à la « surface » sont à l’opposé de leur intérêt pour la structure et la profondeur, même si ces dernières ne sont pas saisies de la même façon. Pour Braudel, la structure est pleinement dans l’histoire ; elle est réalité concrète et observable qui se décèle notamment dans les réseaux de relations, de marchandises et de capitaux qui se déploient dans l’espace et qui commandent les autres faits dans la longue durée (Dosse 1986 : 89). Les travaux de Braudel et son concept d’ « économie-monde » inspireront plusieurs anthropologues dont un Marshall Sahlins et un Jonathan Friedman à partir du tournant des années 1980. Pour Lévi-Strauss, la structure profonde, celle qui correspond aux enceintes mentales humaines, « ne s’assimile pas à la structure empirique, mais aux modèles construits à partir de celle-ci » (Dosse 1986 : 85). Elle est donc hors de l’histoire. Comme le rappelait François Hartog (2014 [2004] : 287), Lévi-Strauss a souvent dit « rien ne m’intéresse plus que l’histoire. Et depuis fort longtemps! » (1988 : 168; voir d’ailleurs notamment Lévi-Strauss 1958, 1983), tout en ajoutant « l’histoire mène à tout, mais à condition d’en sortir » (Lévi-Strauss 1962 : 348) ! Parallèlement à l’entreprise déhistoricisante de Lévi-Strauss, d’autres anthropologues insistent au contraire à la même époque sur l’importance de réinsérer les institutions étudiées dans le mouvement du temps. Ainsi, Edward E. Evans-Pritchard, dans sa célèbre conférence Marett de 1950 qui sera publiée en 1962 sous le titre « Anthropology and history », dénonce le fait que les généralisations en anthropologie autour des structures sociales, de la religion, de la parenté soient devenues tellement généralisées qu’elles perdent toute valeur. Il insiste sur la nécessité de faire ressortir le caractère unique de toute formation sociale. C’est pour cette raison qu’il souligne l’importance de l’histoire pour l’anthropologie, non pas comme succession d’événements, mais comme liens entre eux dans un contexte où on s’intéresse aux mouvements de masse et aux grands changements sociaux. En invitant notamment les anthropologues à faire un usage critique des sources documentaires et à une prise en considération des traditions orales pour comprendre le passé et donc la nature des institutions étudiées, Evans-Pritchard (1962 : 189) en appelle à une combinaison des points de vue historique et fonctionnaliste. Il faut s’intéresser à l’histoire pour éclairer le présent et comment les institutions en sont venues à être ce qu’elles sont. Les deux disciplines auraient donc été pour lui indissociables (Evans-Pritchard 1962 : 191). Au milieu du XXe siècle, d’autres anthropologues s’intéressaient aux changements sociaux et à une conception dynamique des situations sociales étudiées, ce qui entraîna un intérêt pour l’histoire, tels que ceux de l’École de Manchester, Max Gluckman (1940) en tête. En France, inspiré notamment par ce dernier, Georges Balandier (1951) insista sur la nécessité de penser dans une perspective historique les situations sociales rencontrées par les anthropologues, ce qui inaugura l’étude des situations coloniales puis postcoloniales, mais aussi de l’urbanisation et du développement. Cette importance accordée à l’histoire se retrouva chez les anthropologues africanistes de la génération suivante tels que Jean Bazin, Michel Izard et Emmanuel Terray (Naepels 2010 : 876). Le dialogue entre anthropologie et histoire s’est développé vers la même époque aux États-Unis. Après le passage de l’Indian Claims Commission Act en 1946, qui établit une commission chargée d’examiner les revendications à l’encontre de l’État américain en vue de compensations financières pour des territoires perdus par les nations autochtones à la suite de la violation de traités fédéraux, on assista au développement d’un nouveau champ de recherche, l’ethnohistoire, qui se dota d’une revue en 1954, Ethnohistory. Ce nouveau champ fut surtout investi par des anthropologues qui se familiarisèrent avec les techniques de l’historiographie. La recherche, du moins à ses débuts, avait une orientation empirique et pragmatique puisque les chercheurs étaient amenés à témoigner au tribunal pour ou contre les revendications autochtones (Harkin 2010). Les ethnohistoriens apprirent d’ailleurs à ce moment à travailler pour et avec les autochtones. Les recherches visaient une compréhension plus juste et plus holiste de l’histoire des peuples autochtones et des changements dont ils firent l’expérience. Elles ne manquèrent cependant pas de provoquer un certain scepticisme parmi les anthropologues « de terrain » pour qui rien ne valait la réalité du contact et les sources orales et pour qui les archives, parce qu’étant celles du colonisateur, étaient truffées de mensonges et d’incompréhensions (Trigger 1982 : 5). Ce scepticisme s’estompa à mesure que l’on prit conscience de l’importance d’une compréhension du contexte historique et de l’histoire coloniale plus générale pour pouvoir faire sens des données ethnologiques et archéologiques. L’ethnohistoire a particulièrement fleuri en Amérique du Nord, mais très peu en Europe (Harkin 2010; Trigger 1982). On retrouve une tradition importante d’ethnohistoriens au Québec, qu’on pense aux Bruce Trigger, Toby Morantz, Rémi Savard, François Trudel, Sylvie Vincent. L’idée est de combiner des données d’archives et des données archéologiques avec l’abondante ethnographie. Il s’agit également de prendre au sérieux l’histoire ou la tradition orale et de confronter les analyses historiques à l’interprétation qu’ont les acteurs de l’histoire coloniale et de son impact sur leurs vies. La perspective se fit de plus en plus émique au fil du temps, une attention de plus en plus grande étant portée aux sujets. Le champ de recherche attira graduellement plus d’historiens. La fin des années 1960 fut le moment de la grande rencontre entre l’anthropologie et l’histoire avec la naissance, en France, de l’« anthropologie historique » ou « nouvelle histoire » et, aux États-Unis, de la « New Cutural History ». L’attention passa des structures et des processus aux cultures et aux expériences de vie des gens ordinaires. La troisième génération des Annales fut au cœur de ce rapprochement : tout en prenant ses distances avec la « religion structuraliste » (Burguière 1999), la fascination pour l’anthropologie était toujours présente, produisant un déplacement d’une histoire économique et démographique vers une histoire culturelle et ethnographique. Burguière (1999) décrivait cette histoire comme celle des comportements et des habitudes, marquant un retour au concept de « mentalité » de Bloch. Les inspirations pour élargir le champ des problèmes posés furent multiples, en particulier dans les champs de l’anthropologie de l’imaginaire et de l’idéologique, de la parenté et des mythes (pensons aux travaux de Louis Dumont et de Maurice Godelier, de Claude Lévi-Strauss et de Françoise Héritier). Quant à la méthode, la description dense mise en avant par Clifford Geertz (1973), la microhistoire dans les traces de Carlo Ginzburg (1983) et l’histoire comparée des cultures sous l’influence de Jack Goody (1979 [1977]) permirent un retour de l’événement et du sujet, une attention aux détails qui rejoignit celle qu’y accordait l’ethnographie, une conception plus dynamique des rapports sociaux et une réinterrogation des généralisations sur le long terme (Bensa 2010 : 49 ; Schmitt 2008). Aux États-Unis, la « New Culturel History » qui s’inscrit dans les mêmes tendances inclut les travaux d’historiens comme Robert Darnon, Natalie Zemon Davis, Dominick La Capra (Iggers 1997; Krech 1991; Harkin 2010). L’association de l’histoire et de l’anthropologie est souvent vue comme ayant été pratiquée de manière exemplaire par Nathan Wachtel, historien au sens plein du terme, mais également formé à l’anthropologie, ayant suivi les séminaires de Claude Lévi-Strauss et de Maurice Godelier (Poloni-Simard et Bernand 2014 : 7). Son ouvrage La Vision des vaincus : les Indiens du Pérou devant la Conquête espagnole 1530-1570 qui parut en 1971 est le résultat d’un va-et-vient entre passé et présent, la combinaison d’un travail en archives avec des matériaux peu exploités jusque-là, comme les archives des juges de l’Inquisition et les archives administratives coloniales, et de l’enquête de terrain ethnographique. Cet ouvrage met particulièrement en valeur la capacité d’agir des Autochtones dans leur rapport avec les institutions et la culture du colonisateur. Pour se faire, il appliqua la méthode régressive mise en avant par Marc Bloch, laquelle consiste à « lire l’histoire à rebours », c’est-à-dire à « aller du mieux au moins bien connu » (Bloch 1931 : XII). Du côté des anthropologues, l’anthropologie historique est un champ de recherche en effervescence depuis les années 1980 (voir Goody 1997 et Naepels 2010 pour une recension des principaux travaux). Ce renouveau prit son essor notamment en réponse aux critiques à propos de l’essentialisme, du culturalisme, du primitivisme et de l’ahistoricisme (voir Fabian 2006 [1983]; Thomas 1989; Douglas 1998) de la discipline anthropologique aux prises avec une « crise de la représentation » (Said 1989) dans un contexte plus large de décolonisation qui l’engagea dans un « tournant réflexif » (Geertz 1973; Clifford et Marcus 1986; Fisher et Marcus 1986). Certains se tournèrent vers l’histoire en quête de nouvelles avenues de recherche pour renouveler la connaissance acquise par l’ethnographie en s’intéressant, d’un point de vue historique, aux dynamiques sociales internes, aux régimes d’historicité et aux formes sociales de la mémoire propres aux groupes auprès desquels ils travaillaient (Naepels 2010 : 877). Les anthropologues océanistes participèrent grandement à ce renouveau en discutant de la nécessité et des possibilités d’une anthropologie historiquement située (Biersack 1991; Barofsky 2000; Merle et Naepels 2003) et par la publication de plusieurs monographies portant en particulier sur la période des premiers contacts entre sociétés autochtones et Européens et les débuts de la période coloniale (entre autres, Dening 1980; Sahlins 1981, 1985; Valeri 1985; Thomas 1990). L’ouvrage maintenant classique de Marshall Sahlins, Islands of History (1985), suscita des débats vigoureux qui marquèrent l’histoire de la discipline anthropologique à propos du relativisme en anthropologie, de l’anthropologie comme acteur historique, de l’autorité ethnographique, de la critique des sources archivistiques, des conflits d’interprétation et du traitement de la capacité d’agir des populations autochtones au moment des premiers contacts avec les Européens et, plus largement, dans l’histoire (pour une synthèse, voir Kuper 2000). Pour ce qui est de la situation coloniale, le 50e anniversaire de la publication du texte fondateur de Balandier de 1951, au début des années 2000, fut l’occasion de rétablir, approfondir et, dans certains cas, renouveler le dialogue non seulement entre anthropologues et historiens, mais également, entre chercheurs français et américains. Les nouvelles études coloniales qui sont en plein essor invitent à une analyse méticuleuse des situations coloniales d’un point de vue local de façon à en révéler les complexités concrètes. On y insiste aussi sur l’importance de questionner les dichotomies strictes et souvent artificielles entre colonisateur et colonisé, Occident et Orient, Nord et Sud. Une attention est aussi portée aux convergences d’un théâtre colonial à un autre, ce qui donne une nouvelle impulsion aux analyses comparatives des colonisations (Sibeud 2004: 94) ainsi qu’au besoin de varier les échelles d’analyse en établissant des distinctions entre les dimensions coloniale et impériale (Bayart et Bertrand 2006; Cooper et Stoler 1997; Singaravélou 2013; Stoler, McGranahn et Perdue 2007) et en insérant les histoires locales dans les processus de globalisation, notamment économique et financière, comme l’ont par exemple pratiqué les anthropologues Jean et John Comaroff (2010) sur leur terrain sud-africain. Ce « jeu d’échelles », représente un défi important puisqu’il force les analystes à constamment franchir les divisions persistantes entre aires culturelles (Sibeud 2004: 95). Ce renouveau a également stimulé une réflexion déjà amorcée sur l’usage des archives coloniales ainsi que sur le contexte de production et de conservation d’une archive (Naepels 2011; Stoler 2009), mais également sur les legs coloniaux dans les mondes actuels (Bayart et Bertrand 2006; De l’Estoile 2008; Stoler 2016)
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