Bittner, Lucie. "Phylogénie des Corallinales (Rhodophyta) et analyse de leur diversité génétique dans le Pacifique Sud." Paris, Muséum national d'histoire naturelle, 2009. http://www.theses.fr/2009MNHN0043.
Abstract:
Les Corallinales, algues rouges calcifiées, sont avec les coraux hermatypiques, des organismes fondateurs de l’écosystème corallien. Leur abondance et leur large répartition écologique et géographique en font un groupe d’intérêt particulier dans l’étude des milieux actuels et dans la reconstitution des paléo-environnements. Toutefois, leur étude est limitée par une α-taxonomie difficile et des techniques d’histologie lourdes. L’objectif de cette thèse a donc été de développer des outils moléculaires, d’une part pour réaliser des phylogénies moléculaires multi-marqueurs permettant de réévaluer les caractères morphologiques dans un contexte évolutif reposant sur des hypothèses testables, et d’autre part pour délimiter des ‘espèces’ par la désignation d’unités évolutives distinctes grâce à l’analyse de la diversité génétique d’un marqueur moléculaire, comme habituellement proposé dans les études de type code barre. Ces études ont bénéficié d’un large échantillonnage de Corallinales du Pacifique Sud (Vanuatu, îles Fidji, Polynésie Française (Mooréa) et Nouvelle–Calédonie). Dans une première partie, les résultats ont permis de redéfinir les frontières des Corallinales au sein des Corallinophycidae (Corallinales et Rhodogorgonales) à l’aide de séquences nucléaires (SSU, LSU, EF2). L’ordre des Sporolithales a été créé pour la famille des Sporolithaceae, constituant une troisième lignée au sein des Corallinophycidae, caractérisée par des tétraspores cruciées. Les relations phylogénétiques au sein des Corallinales ont ensuite été réévaluées à l’aide de quatre marqueurs moléculaires (SSU, LSU, CO1, psbA). La monophylie des deux familles actuellement reconnues au sein des Corallinales, les Corallinaceae et les Hapalidiaceae, a été confirmée, de même que la monophylie de trois des quatre sous-familles reconnues au sein Corallinaceae (les Corallinoideae, les Lithophylloideae et les Metagoniolithoideae). La quatrième sous-famille de Corallinaceae en revanche, les Mastophoroideae, est apparue formée de quatre lignées distinctes. Pour établir la monophylie des Mastophoroideae, celle-ci a été restreinte aux genres Mastophora, Metamastophora, et, peut-être Lithoporella. Le genre Hydrolithon est aussi apparu non monophylétique, constitué d’une lignée contenant l’espèce type du genre, H. Reinboldii et d’une autre lignée comprenant H. Onkodes qui était auparavant l’espèce type du genre Porolithon. Le genre Porolithon a été rétabli, et il comprend des corallines au thalle monomère ayant des trichocytes disposées en rangées horizontales. De plus, les analyses phylogénétiques réalisées dans cette étude révèlent de la diversité cryptique chez plusieurs taxons, en particulier les genres Mesophyllum et Neogoniolithon. Dans la deuxième partie, un grand nombre de Corallinales a été analysé (le nombre de Corallinales récoltées au cours de cette thèse s’élève à plus de 830 spécimens) dans l’optique d’essayer de trouver une méthode fiable pour en évaluer la diversité réelle. Ces aspects sont essentiels pour la gestion et la conservation des écosystèmes. Deux marqueurs (la partie du gène CO1 traditionnellement recommandée comme code barre ADN et le gène psbA) ont été amplifiés et séquencés puis des méthodes de délimitation d’unités évolutives génétiques ont été utilisées afin d’estimer le nombre d’espèces de l’ensemble de notre échantillonnage. Deux méthodes publiées ont été utilisées, ainsi que deux méthodes supplémentaires, développées dans le cadre de cette thèse. En outre, des jeux de données simulées, ainsi que d’autres jeux de données d’algues rouges disponibles sur GenBank ont été étudiés. Le nombre de d’unités évolutives désignées varie en fonction de la méthode utilisée, en fonction du marqueur moléculaire étudié, et en fonction de la localité échantillonnée. Dans les rares cas où le même nombre d’unités évolutives est trouvé aussi bien avec le marqueur CO1 qu’avec le marqueur psbA, seuls 27,5% de ces unités présentent une composition identique. Ces résultats révèlent des propriétés de coalescence différentes entre le génome plastidial et le génome mitochondrial chez les Corallinales et posent le problème du choix arbitraire du marqueur lors d’une étude exploratoire de délimitation d’unités évolutives. De plus, une incongruence forte a été détectée entre les arbres de CO1 et de psbA, suggérant ainsi un événement d’hybridation ou de recombinaison. Des analyses supplémentaires ont montré que sur les histogrammes de fréquence de diversité génétique il semble possible de délimiter des unités évolutives distinctes à une échelle locale, mais qu’il ne s’agit que d’un artefact d’échantillonnage. Enfin, nos données mettent en évidence la capacité de dispersion sur de longues distances des Corallinales dans le Pacifique Sud (à plus de 6 300 kilomètres de distance, entre les îles Fidji et les Philippines). Ce manuscrit de thèse s’achève par une réflexion générale sur la démarche des taxinomistes lors de leur exploration de la biodiversité en fonction des concepts espèces qu’ils emploient. De nouvelles perspectives de travail sont proposées pour les futures études sur les Corallinales, incluant notamment des efforts particuliers de recherche sur les processus évolutifs à l’origine de la diversité de cette lignée<br>Corallinales algae are characterized by the calcification of their cell wall, which contributes to the edification of coral reef. Due to their abundance and their wide distribution, they are good candidates to study present environments and to reconstitute coral paleo- environment. Nevertheless, the study of this order is hampered by a convoluted alpha-taxonomy history and complex histological preparation. The objective of this dissertation was therefore to develop molecular analyses to i) infer from multimarkers the phylogenetic relationships among the Corallinales and test the significance of morpho anatomical characters in an evolutive framework, and ii) delineate ‘species’ based on the delimitation of genetic clusters, as usually done in barcode of Life initiative. Toward these aims, a comprehensive taxa sampling was done in the south Pacific: Vanuatu, Fidji, French Polynesia (Moorea) and New Caledonia (second largest coral reef in the world and hot spot of biodiversity). Phylogenetic results presented in the first part of this dissertation supported a new delineation of the Corallinales within the Corallinophycidae (Corallinales and Rhodogorgonales) based on nuclear genes (SSU, LSU, EF2). The new order Sporolithales was proposed for the Sporolithaceae, which constituted a third lineage in the Corallinophycidae characterized by cruciately arranged tetraspores. Phylogenetic relationships among the Corallinales (as previously emended in excluding the Sporolithaceae) have been inferred from four molecular markers (SSU, LSU, CO1, psbA). Phylogenetic analyses recovered the monophyly of the Corallinales and the two families currently recognized within the order, the Corallinaceae and the Hapalidiaceae as well as three out of the four subfamilies of the Corallinaceae (Corallinoideae, Lithophylloideae, and Metagoniolithoideae). The Mastophoroideae, the fourth subfamily of the Corallinaceae, was resolved as four distinct lineages. We therefore proposed to restrict the Mastophoroideae to the genera Mastophora, Metamastophora, and possibly Lithoporella, in the aim of rendering this subfamily monophyletic. Our phylogenies resolved the genus Hydrolithon in two unrelated lineages, one containing the generitype H. Reinboldii and the second containing H. Onkodes, which was previously the generitype of the genus Porolithon. We therefore proposed to resurrect the genus Porolithon for the second lineage encompassing species with monomerous thallus and trichocyte arrangement in horizontal rows. Moreover, our phylogenetic analyses revealed the presence of cryptic diversity in several taxa, in particular in the genera Mesophyllum and Neogoniolithon, suggesting the need of further study to better circumscribe species frontiers in this diverse order. In the second part of this dissertation, a large taxa sampling of Corallinales (over than 830 specimens were collected for this study) was analyzed in the attempt of finding accurate methods to evaluate actual diversity within the order as this aspect is crucial for managing and conserving ecosystems. Two markers (psbA and the 5’end of the CO1- the standard DNA barcode) were amplified and sequenced prior to test methods of delimitation of ‘genetic species’ in the aim of estimating the number of species in the taxa sample analysed. Two published methods were tested and two were developed during the course of this PhD thesis. Moreover, simulated datasets and rhodophytean data available on GenBank were studied. The number of ‘genetic species’ inferred is method-dependent, marker-dependent, and locality-dependent. In the seldom cases where the two markers leaded to the same estimate of ‘genetic species’, only 27. 5% of this genetic species were identical. These results revealed distinct coalescent properties between plastid and mitochondrial genomes and rise the issue of arbitrary marker choice for exploratory studies of species delineation. Moreover results highlighted a strong incongruence between the genes CO1 and psbA suggesting hybridization and/or recombination events. Supplementary analyses have shown that when samples are restricted to a local scale it seems possible to delineate ‘genetic species’ however such clear delineation is only due to a sampling artefact. Lately, our data have highlighted the long scale dispersion capacity of the Corallinales in South Pacific (more that 6300km between Fiji and Philippines). This dissertation ends by a discussion on the various approaches developed by taxonomists to explore biodiversity depending on the species concepts they follow. Perspectives on future Corallinales studies should focus on the understanding of the evolutionary processes at the origin of the diversity of this order