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de Romilly, Jacqueline. "La Grèce et la formation de la pensée morale et politique, 1973-1984." L’annuaire du Collège de France, no. 108 (December 1, 2008): 879. http://dx.doi.org/10.4000/annuaire-cdf.447.

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de Romilly, Jacqueline. "La Grèce et la formation de la pensée morale et politique, 1973-1984." L’annuaire du Collège de France, no. 109 (March 1, 2010): 1005. http://dx.doi.org/10.4000/annuaire-cdf.487.

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King, Peter. "Newspaper reporting, prosecution practice and perceptions of urban crime: the Colchester crime wave of 1765." Continuity and Change 2, no. 3 (December 1987): 423–54. http://dx.doi.org/10.1017/s0268416000000722.

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Abstract:
Les historiens ont, en majeure partie, puisé leurs sources parmi le nombre croissant de journaux provinciaux dans 1' Angleterre du dix-huitième siècle, mais peu ont pris leur importance en considèration - leur capacité de créer les nouvelles ainsi que de les rapporter. Grâce a une etude d'une vague intense mais fortement localisee de reportages de crimes violents, cet article démontre que dès les annèes 1760, les journaux provinciaux et leurs querelles en matière de distribution ont pu jouer un rôle primordial dans la création d'une panique morale, qui a changé la perception de la prévalence de la criminalité, modifié 1 'attitude des victimes en matiére de poursuite judiciairé, engendré un deploiement de nouvelles initiatives politiques et a résulté en un durcissement de la politique pénale locale. Des parallèles avec des vagues de criminalité plus récentes sont ensuite étudiés et les implications plus générates sur la facon dont les ‘nouvelles judiciaires et policiéres’ étaient reportées au dix-huitième siècle sont discutées.
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Jobin, Guy. "Rhétorique, politique et parole croyante." Dossier 67, no. 3 (April 5, 2012): 477–99. http://dx.doi.org/10.7202/1008601ar.

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Abstract:
Quel est le statut de la parole croyante (et, par extension, de la parole de conviction) dans des sociétés marquées par la pluralité morale et religieuse ? Comment l’auditoire pluriel peut-il recevoir le discours croyant ? Par ailleurs, comment un locuteur croyant peut-il conjuguer la sortie de soi vers l’autre avec l’affirmation de soi, de sa spécificité croyante ? Ces questions renvoient au « que faire ? » et au « comment parler ? » pour maintenir vivante et vivable la tension entre l’affirmation de la conviction et la contribution à la cohésion sociale. Il existe une réflexion « rhétorique » à ces questions, et ce en dépit du jugement négatif accolé, en modernité, à l’art de persuader par le discours. C’est donc sous les auspices de la rhétorique que j’aborderai ces questions. D’abord je plaiderai, à la suite d’auteurs contemporains, pour un retour en grâce de la rhétorique bien comprise. Celle-ci peut offrir un cadre théorique heuristiquement fructueux pour comprendre la parole croyante en régime de démocratie libérale. La rhétorique ne se réduit pas à la manipulation idéologique, loin s’en faut. En second lieu, deux modèles de prise de parole croyante dans l’espace public (les modèles de Hollenbach et O’Malley, élaborés à partir d’une réflexion sur Vatican II) seront discutés.
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Beiner, Ronald. "À la recherche d’une philosophie publique postlibérale." Articles 20, no. 1 (November 19, 2008): 45–67. http://dx.doi.org/10.7202/040250ar.

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Abstract:
Résumé Dans Democracy’s Discontent, Michael J. Sandel démontre, comme nul autre défenseur contemporain du républicanisme civique, l’ampleur de l’appauvrissement de la vie politique lorsque l’idéal républicain est éclipsé par le libéralisme procédural. On ne saurait douter de l’apport du républicanisme de M. Sandel comme instrument de critique sociale, grâce auquel est dévoilée l’indigence morale et civique de la société libérale moderne. Mais sa théorie sociale offre-t-elle vraiment un remède contre les maux du libéralisme? Pour répondre à cette question, il faut établir plus justement que ne le fait M. Sandel le rapport entre théorie et pratique. L’article tente de préciser ce qui fait la force de la démarche de cet auteur et d’évaluer de façon critique son interprétation du rapport entre théorie et pratique.
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ΚΑΡΑΚΑΤΣΑΝΗ, ΔΕΣΠΟΙΝΑ. "ΤΟ ΜΑΘΗΜΑ ΠΟΛΙΤΙΚΗΣ ΔΙΑΠΑΙΔΑΓΩΓΗΣΗΣ ΣΤΗ ΜΕΤΑΠΟΛΕΜΙΚΗ ΕΛΛΑΔΑ. Η «ΑΓΩΓΗ TOΥ ΠΟΛΙΤΟΥ»." Μνήμων 20 (January 1, 1998): 133. http://dx.doi.org/10.12681/mnimon.669.

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Abstract:
<p>Despina Karakatsani, La discipline de socialisation politique en Grèced'après-guerre: Γ ((Education du citoyen</p><p>Dans la cadre de cet article on essaie de dévoiler la manière dont lacrise idéologique et politique de la période post-guerre civile a été reflétéedans l'institution scolaire et en particulier dans la discipline principalede socialisation politique: l'éducation civique. Dans le climat anticommunistede cette époque l'école, un des principaux appareils idéologiquesde l'Etat, a été utilisée pour effacer toute idéologie communisteet pour promouvoir les valeurs de la Nation, de la Patrie, de l'Hellénismeet du Ghrisrianisme.Les différentes initiatives du pouvoir politique ainsi que des personnalitésdans le cadre de la politique éducative de la Grèce d'après-guerreafin de moraliser le citoyen et construire une citoyenneté conforme auxvaleurs de la civilisation greco-chrétienne font aussi objet de cet article.L'institutionnalisation de la discipline d'«Education du citoyen»dans l'enseignement primaire en 1957 a été dictée, d'après ceux qui ontfait cette proposition, par la nécessité de renforcer les liens entre le citoyenet le pouvoir politique après leur affaiblissement à cause de la propagandecommuniste. L'analyse des manuels de la forme principale d'éducationcivique de cette période prouve que les valeurs avancées étaient cellesde Nation-de Patrie, d'Hellénisme, de Famille et de Religion-Orthodoxie.L'éducation du citoyen exalte la beauté de la patrie grecque en larendant en même temps symbole de toute l'humanité, et impose auxfuturs citoyens comme devoirs l'amour de celle-là, l'obéissance par l'accomplissementdes devoirs militaires et le respect des monuments anciens.Une conception communautaire des différentes formes sociopolitiques estégalement adoptée qui reconnaît l'individu seulement en tant que membredes différentes équipes sociales et lui prescrit le devoir d'obéir aux normesde l'ensemble, ce qui signifie également l'anéantissement de ses droits, l'annulation de toute individualité, de toute forme de critique et decontestation.La autodiscipline en faveur de l'ordre et de l'harmonie sociale dansle cadre du «bon comportement», la charité, le travail et l'épargne constituentles caractéristiques d'un individu moral et civilisé, du citoyenidéal, que l'éducation civique et tout le système éducatif grec de cettepériode veut créer.</p>
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Quéré, Louis. "Un biais déontologique dans l’analyse de l’expérience publique?" Annales. Histoire, Sciences Sociales 65, no. 6 (December 2010): 1449–55. http://dx.doi.org/10.1017/s0395264900037537.

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Abstract:
Le devoir et la grâce comporte une série de propositions stimulantes pour analyser l’expérience publique. Elles sont articulées autour des notions de « grammaire publique » et de « situation publique ». On peut cependant leur attribuer un biais déontologique, dans la mesure où elles appréhendent la vie publique essentiellement sous les auspices de la réaffirmation des règles ou de leur révision. Un tel biais n’est pas propre à Cyril Lemieux. Il est caractéristique des approches qui font de l’obligation le centre de gravité de la vie sociale. On le rencontre aussi dans les analyses contemporaines de l’espace public, notamment dans celles de Jürgen Habermas. Comme celui-ci, C. Lemieux veut rapprocher pragmatisme et durkheimisme. Mais une approche déontologique de la vie publique cadre mal avec le pragmatisme, qui place au cœur tant de l’expérience morale que de l’expérience publique la résolution, en situation, des problèmes et des conflits éthiques et politiques concrets, via les méthodes de l’enquête et de l’expérimentation.
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Spettel, Elisabeth. "Les artistes femmes : des esthétiques de la limite dépassée?" Recherches féministes 27, no. 1 (June 4, 2014): 161–81. http://dx.doi.org/10.7202/1025421ar.

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Abstract:
Le xxe siècle, qualifié par Felix Hobsbawm d’« âge des extrêmes », a été particulièrement marqué par le désir de repousser les limites, qu’elles soient politiques, morales ou esthétiques. Ces dernières sont transgressées par les avant-gardes artistiques qui cherchent à subvertir les codes classiques. Parmi elles, les artistes femmes remettent en question plus particulièrement le genre avec une certaine radicalité grâce à l’invention de procédés spécifiques. Cet article porte sur la pratique du photomontage par Hannah Höch (artiste dadaïste berlinoise) et Wangechi Mutu (artiste contemporaine kenyane) dans des contextes différents. Les deux créatrices font du collage une véritable technique féministe ayant pour objet de déconstruire les catégories et tendant à une forme d’universalité. Dans leur production, l’extrême qualifie la relation entre l’artiste, l’oeuvre et le spectateur ou la spectatrice et il inclut paradoxalement une limite, celle du regard.
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Spettel, Elisabeth. "Les artistes femmes." Articles 27, no. 1 (June 4, 2014): 161–81. http://dx.doi.org/10.7202/1025463ar.

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Abstract:
Le xxe siècle, qualifié par Felix Hobsbawm d’« âge des extrêmes », a été particulièrement marqué par le désir de repousser les limites, qu’elles soient politiques, morales ou esthétiques. Ces dernières sont transgressées par les avant-gardes artistiques qui cherchent à subvertir les codes classiques. Parmi elles, les artistes femmes remettent en question plus particulièrement le genre avec une certaine radicalité grâce à l’invention de procédés spécifiques. Cet article porte sur la pratique du photomontage par Hannah Höch (artiste dadaïste berlinoise) et Wangechi Mutu (artiste contemporaine kenyane) dans des contextes différents. Les deux créatrices font du collage une véritable technique féministe ayant pour objet de déconstruire les catégories et tendant à une forme d’universalité. Dans leur production, l’extrême qualifie la relation entre l’artiste, l’oeuvre et le spectateur ou la spectatrice et il inclut paradoxalement une limite, celle du regard.
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Jewsiewicki, Bogumil. "Pardon." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.112.

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Abstract:
Vingt ans après la deuxième guerre mondiale, en pleine guerre froide, les évêques polonais écrivent, au grand dam de l’État, à leurs homologues allemands « nous pardonnons et demandons pardon ». Depuis, l’usage du pardon dans la politique nationale et internationale est devenu monnaie courante. Presque toujours le pardon est demandé pour les actes commis par des générations précédentes, une démarche entrée dans la culture politique depuis peu. Rappelons à titre d’exemple qu’alors que son père refusait de demander pardon à titre de premier ministre du Canada pour des actes posés par des générations antérieures, Justin Trudeau, l’actuel premier ministre, ne s’en prive pas. Mobilisée dans la résolution des conflits, la démarche de réconciliation incorpore le pardon. Ainsi, cet objet d’étude de la théologie, de la morale, de la religion et de la philosophie est désormais principalement étudié par la science politique. Par l’homologie, le pardon passé de la relation entre Dieu et l’individu aux rapports interpersonnels puis aux rapports entre les communautés et les États, est devenu un objet politique. Le long vingtième siècle occidental, entre les hécatombes des guerres mondiales, l’Holocauste et les génocides, a mis sociétés et individus devant le défi de la reconstruction du social et du politique après l’impardonnable. Hannah Arendt (1958), Jacques Derrida (2001) et Wole Soyinka (2000), mais avant tout femmes et hommes « ordinaires » ont fait face au défi de reconstruire l’humain à la sortie de l’expérience de l’inhumain. “Si cela veut dire que cet homme qui a tué fils, si cela veut dire qu’il redevienne humain afin que nous tous puissions ravoir votre humanité … alors j’accepte » (Krog : emplacement 3486, toutes les traduction sont les miennes, BJ) a déclaré Cynthia Ngewu témoignant lors des audiences de la Commission Vérité et Réconciliation sud-africaine sur l’amnistie. Paul Ricoeur (2000), le plus influent des chercheurs universitaires ayant analysé le pardon dans la perspective d’un vivre-ensemble aux confluents de la philosophie, de l’éthique et de la théologie chrétienne, soutient que le véritable pardon délie « l’agent de son acte ». La culture chrétienne, aujourd’hui largement laïcisée, est un sous-bassement des usages du pardon pour la reconstruction d’un vivre-ensemble. En reconnaissant ce fait, il ne faut pas perdre de vue que le pardon est une préoccupation ancrée non seulement dans les trois grands monothéismes mais aussi dans le bouddhisme, l‘hindouisme et autres systèmes philosophiques ou de croyance en Asie, Océanie, Afrique, etc. Cependant, on ne comprend pas toujours le pardon à l’identique. Son utilisation pour la résolution des conflits ne va pas sans malentendus. Lorsque, pour désengorger son système de justice, l’État rwandais recourt à l’institution locale de gacaca, on est loin de l’apaisement d’un conflit au sein de la communauté d’une colline, l’octroi du pardon ou plus précisément l’acceptation du génocidaire étant conditionnés à la reconnaissance par celui-ci de son crime. Lorsque, dans une société occidentale, on s’inspire de la pratique hawaïenne de ho’opononpono pour la thérapie familiale, les acteurs n’ont ni mêmes attentes, ni même compréhension du pardon. Lorsqu’en 2012, dans la lettre ouverte commune aux nations de Pologne et de Russie, le patriarche Cyrille et l’archevêque Michalik offrent un pardon réciproque, en ont-ils la même compréhension ? La théologie du premier est de tradition grecque, celle de l’autre de tradition latine ? Retrouver l’humain, après l’expérience du génocide, de la colonisation, de l’esclavage peut aussi bien conduire à obéir à l’injonction d’inspiration chrétienne de Desmond Tutu « Pas d’avenir sans pardon » qu’à la réserve de Mahatma Gandhi . « Le faible ne peut pardonner. Le pardon est attribut du fort ». Cependant, pardonner pourrait permettre d’investir, au moins symboliquement, la position de ce dernier ? Est-ce pourquoi la position de Gandhi à l’égard du pardon a évolué ? De toute évidence, la réflexion anthropologique sur le sujet s’impose. Pourtant, les courants dominants de la discipline accordent peu d’intérêt au pardon, à l’exception des publications issues de l’anthropologie juridique, de l’anthropologie de la morale, de l’anthropologie psychologique ou de l’anthropologie des religions. Il se pose donc la question de savoir si la méthodologie de ces dernières leur viendrait de l’éthique ou de la théologie, ce dont manquerait l’anthropologie ? Or, Barbara Cassin trouve dans l’hyperbole de l’offre de pardon « absolu » dans l’Évangile (« le pardon n’est vraiment pardon – perfection du don - que lorsqu’il pardonne l’impardonnable, remet l’imprescriptible… » (2004 : 894), une structure ressemblant à celle du potlatch. Le contre-don perpétue le processus de « dépense » selon Georges Bataille (1967) de même que le don et contre-don de Marcel Mauss (2012). On retrouve cette même structure de relance dans l’offre de pardon « absolue », toujours en avance sur la demande. Dans la tradition nord-américaine de la discipline, Ruth Benedict (1946) offre une autre entrée « anthropologique » au pardon. La honte et la culpabilité seraient deux principes distincts de contrôle social de l’individu, elle s’en sert pour différencier la société japonaise de la société étasunienne. La première valoriserait l’honneur et la fierté alors que la seconde mettrait de l’avant la conscience individuelle. La mondialisation de la culture nord-américaine, aurait porté à l’échelle de la planète la prépondérance de la conscience individuelle et donc l’importance du pardon autant dans les relations interpersonnelles que dans celles entre les corps sociaux. Que ce soit l’entrée par le don ou par la conscience individuelle comme principe de contrôle social, la théologie des religions monothéistes, plus précisément la théologie chrétienne et plus encore la théologie protestante sont mobilisées. Il est donc impossible de conclure sans poser la question de l’universalité du pardon, de son usage qui ne serait pas affecté par le soupçon du prosélytisme chrétien. L’issue de cette réflexion finale devrait permettre de décider si le pardon demeure pour l’essentiel un objet de la théologie ou bien serait également celui de l’anthropologie. Revenons à l’exemple sud-africain, Antije Krog commente ainsi le témoignage de Cynthia Ngewu : « Le pardon chrétien dit : Je vous pardonne puisque Jésus m’a pardonné. (…) Le pardon africain dit : Je vous pardonne afin que vous puissiez et que puisse commencer à guérir ; que nous tous puissions redevenir nous-mêmes comme nous devrions l’être » (…) tous les Sud-Africains noirs formulent le pardon en termes de cette interrelation » (2009 : emplacement 3498 et 3489). Changeons de continent tout en conservant la comparabilité des expériences historiques. Roy L. Brooks (2004) écrit à la même époque que les excuses et les reparation constituent l’expiation laquelle impose États-Unis une réciproque obligation civique de pardonner. Ce pardon permet d’abandonner le ressentiment. Krog et Brooks suggèrent que ce que ce pardon dépasse le cadre de la chrétienté occidentale permettant aux gens de « réinterpréter les concepts occidentaux usés et mis à mal dont le pardon ». (Krog 2009 : emplacement 3494) Barbara Cassin souligne que la conception théologico-politique actuelle établit une hiérarchie entre celui qui pardonne et celui à qui on pardonne. En latin classique, il y a condescendance dans la relation duelle entre le sujet dont relève la décision souveraine d’oublier, d’ignorer, d’amnistier et son bénéficiaire. Les langues européennes en tirent la conception du pardon. Par contre, en Grèce ancienne on pardonnait en comprenant ensemble, en entrant dans la raison de l’autre. Cette horizontalité du pardon a été remplacée par la verticalité du pardon qui relève du politique. À partir des traditions grecques et judéo-chrétiennes, puis en passant par la pensée et les actions de Gandhi, Mandela et Martin Luther King, Martha Nussbaum (2016) se penche sur l’actuelle éthique du pardon. Elle reconnait la légitime colère des victimes laquelle afin de briser la condescendance et ouvrir la voie à l’acceptation du pardon libérée du sentiment de rétribution. Son approche semble répondre à l’expérience des victimes des individus en position d’autorité, crimes longtemps tus au nom de maintien de l’ordre social. Dans les récits d’expériences de la mort et de la vie sous le régime soviétique, dont Svetlana Alexievitch (2016) s’est faite historienne/romancière, le pardon de tradition chrétienne occidentale est absent. Le mot n’est prononcé qu’une seule fois et c’est par une femme soldat soviétique racontant comment en Allemagne conquise un soldat soviétique a tiré sur des civiles. En référence au temps de leur rencontre, les années 1990, elle dit à Alexievitch : « De nouveaux mots ont fait leur apparition : « pitié », « pardon » …Mais comment pardonner ? » (2016 : 394). Dans les récits des Soviétiques rassemblés par Alexievitch, le lecteur de sensibilité latine s’étonne de trouver le « comprendre ensemble » de tradition grecque plutôt que le « pardonner ». Tamara Oumniaguina, brancardière à Stalingrad raconte : « Je traîne notre blessé et je pense : « Est-ce que je retourne chercher l’Allemand, ou non ? » […] J’ai continué à les trainer sous les deux. » […] L’homme n’a qu’un seul cœur, et j’ai toujours pensé à préserver le mien. » (2016 : 412). Au plus profond de l’enfer de la déshumanisation, préserver son humanité c’est aussi permettre à l’agresseur de reconstituer la sienne. L’une étant la condition de l’autre, délier l’agresseur de son inhumanité c’est reconstruire l’humanité entière.
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Henrion-dourcy, Isabelle. "Télévision." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.028.

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Abstract:
Les études anthropologiques de la télévision relèvent d’un domaine en pleine expansion depuis le début des années 2000 : l’anthropologie des médias (media anthropology, plus développée dans les travaux anglophones que francophones). En prise avec les aspects les plus modernes et globalisés des communautés ethnographiées, ces travaux confrontent l’anthropologie classique, enracinée dans la petite échelle des rapports sociaux de proximité, sur les plans à la fois théoriques et méthodologiques (Dickey 1997; Spitulnik 1993; Askew 2002). La production centralisée de ces contenus culturels dépasse largement la dimension locale ; et les généralisations à partir des ethnographies de la réception sont malaisées à formuler. Contrairement à l’imprimé et à Internet, qui excluent les illettrés, la télévision se veut plus « démocratique », à la portée de tous. Certes concurrencée en Occident par Internet, la télévision reste dans les sociétés non occidentales, où le taux d’alphabétisation est variable, le médium de masse de référence. Elle occupe une partie importante du temps et de l’espace domestique et elle reste l’écran privilégié sur lequel sont projetées des questions cruciales telles que la construction nationale et les reconfigurations identitaires. Les propositions théoriques de l’anthropologie des médias sont principalement politiques, et elles ont largement puisé à l’extérieur de l’anthropologie (Henrion-Dourcy 2012) : aux Cultural studies (études de la réception, publics actifs) ; aux études de la communication (construction du champ médiatique, rapport au champ politique national ou global, études d’impact) ; à la Social theory (opposition structure/pouvoir d’agir, théories de la gouvernance) ; à la sociologie (sphère publique, mouvements sociaux) ; à l’économie politique (car la télévision est avant tout une industrie culturelle) ; aux Postcolonial studies (étude critique de la modernité comme rapport à l’Occident post/colonisateur) ; aux théories du développement ; à celles de la globalisation (homogénéisation versus hétérogénéisation culturelle, impérialisme culturel, hybridité, modernités alternatives) ; et enfin aux théories du transnationalisme (loyautés multiples, identités flexibles). L’anthropologie des médias est donc intrinsèquement pluridisciplinaire. La télévision est produite en masse, mais consommée dans l’intimité des foyers. C’est la complexité de cette situation qui conduit les chercheurs à assembler des influences théoriques issues d’horizons divers. Les études proprement anthropologiques de la télévision ont débuté par la publication, dès le début des années 1980, d’articles épars où des anthropologues, familiers de longue date avec un groupe particulier, tentaient de faire sens de l’irruption subite de la petite lucarne sur leurs terrains d’enquête, un peu à la façon d’une comparaison qualitative « avant/après » (Granzberg et Steinberg 1980 chez les Algonquins; Graburn 1982 chez les Inuits; Kent 1985 chez les Navajos ; Lyons 1990 au Bénin ; Pace 1990 en Amazonie brésilienne). A la suite de quelques monographies marquantes (Naficy 1993 sur les immigrés iraniens de Los Angeles ; Gillespie 1995 sur les immigrés indiens du nord de l’Angleterre), l’anthropologie de la télévision a décollé au tournant des années 2000 grâce aux cinq figures importantes du Program for Culture and Media de la New York University : Ginsburg, Abu-Lughod et Larkin (2002), Abu-Lughod (2004) ainsi que Mankekar (1999). Le titre de ce dernier ouvrage résume d’ailleurs bien le propos de l’anthropologie de la télévision : « un écran sur lequel se projette la culture et un espace d’où l’on peut voir le politique » (Screening Culture, Viewing Politics). Il faudrait ajouter que le propre de la télévision est aussi de travailler ces deux dimensions macrosociales dans l’intimité de la famille. Les thèmes principaux de ces recherches touchent donc essentiellement aux ‘représentations culturelles’ et à leurs reconfigurations. On y observe comment les producteurs et les spectateurs sont amenés à mettre en lumière, débattre, contester ou négocier des représentations relatives à la modernité (Abu-Lugho 2004), aux imaginaires politiques (Mankekar 1999), à l’autoreprésentation pour les groupes minorisés (Henrion-Dourcy 2012), aux rapports de genre (Werner 2006), aux désirs, affects et valeurs morales, surtout dans les fictions (Machado-Borges 2003), et enfin à la circulation transnationale de contenus symboliques (dans le cas de diasporas ou de téléséries produites sur un continent et consommées sur un ou plusieurs autres : Werner 2006). Les formats des productions télévisuelles se retrouvent certes aux quatre coins du monde : le bulletin d’information aux heures de grande écoute, les séries mélodramatiques en journée, la téléréalité en prime-time, et les talk-shows en fin de soirée. Mais le contenu de ces formats familiers, et surtout la réception qui en est faite, révèlent à chaque fois des spécificités culturelles locales. Songeons notamment à l’émission de téléréalité Afghan Star (une saison annuelle depuis 2005), diffusée dans et pour un pays en guerre, et dans un rapport tendu avec certaines représentations de l’Occident, et où les relations entre les genres sont très codifiées.
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"Recensions / Reviews." Canadian Journal of Political Science 34, no. 2 (June 2001): 401–46. http://dx.doi.org/10.1017/s0008423901777955.

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Abstract:
Dobrowolsky, Alexandra. The Politics of Pragmatism: Women, Representation, and Constitutionalism in Canada. By Deborah Stienstra 403Dion, Stéphane. Straight Talk: Speeches and Writings on Canadian Unity. By Ines Molinaro 404Mellon, Hugh and Martin Westmacott, eds. Political Dispute and Judicial Review: Assessing the Work of the Supreme Court of Canada By Christopher P. Manfredi 406Sossin, Lorne M. Boundaries of Judicial Review: The Law of Justiciability in Canada. By James B. Kelly 407Swainger, Jonathan. The Canadian Department of Justice and the Completion of Confederation, 1867-78. By Peter J. Smith 408Madar, Daniel. Heavy Traffic: Deregulation, Trade, and Transformation in North American Trucking. By Anthony Perl 410Elkin, Stephen and Karol Soltan, eds. Citizen Competence and Democratic Institutions. By Henry Milner 411Bauer, Julien. Politique et religion. Par Stéphane Labranche 413Waldner, David. State Building and Late Development. By Saime Ozcurumez 415Mink, Gwendolyn. Welfare's End By Margaret Little 417Sabatier, Paul A., ed. Theories of the Policy Process By Grace Skogstad 419Mintrom, Michael. Policy Entrepreneurs and School Choice. By Frederick M. Hess 420Shaiko, Ronald G.. Voices and Echoes: Public Interest Representation in the 1990s and Beyond. By Eric Mintz 422White, John Kenneth and Daniel M. Shea. New Party Politics: From Jefferson and Hamilton to the Information Age. By Rosalind Blanco Cook 423Raymond, Joad, ed. News, Newspapers, and Society in Early Modern Britain. By Brian Richardson 424Bennett, Rab. Under the Shadow of the Swastika: The Moral Dilemmas of Resistance and Collaboration in Hitler's Europe. By Lynne Taylor 426Bhatia, G. S., J. S. O'Neill, G. L. Gall and P. D. Bendin, eds. Peace, Justice and Freedom: Human Rights Challenges in the New Millennium. By Marlies Glasius 427Brinks, Jan Herman. Children of a New Fatherland: Germany's Post-War Right-Wing Politics. By Adrienne Wallace 429Gorbachev, Mikhail. Gorbachev: On My Country and the World. By Margaret Ogrodnick 430Greven, Michael Th. and Louis W. Pauly, eds. Democracy beyond the State? The European Dilemma and the Emerging Global Order. By Alexandra Kogl 432Krishna, Sankaran. Postcolonial Insecurities: India, Sri Lanka, and the Question of Nationhood. By Liz Philipson 433Sutter, Robert G. Chinese Policy Priorities and Their Implications for the United States. By Yuchao Zhu 435Caspary, William R. Dewey on Democracy. By Brian Hendley 436Fierlbeck, Katherine. Globalizing Democracy: Power, Legitimacy and the Interpretation of Democratic Ideas. By Boris DeWiel 438Kymlicka, Will and Wayne Norman, eds. Citizenship in Diverse Societies. By Paul Gilbert 439Macleod, Colin M. Liberalism, Justice, and Markets: A Critique of Liberal Equality. By Matthew Clayton 441Jones, Charles. Global Justice: Defending Cosmopolitanism. By Janna Thompson 442Rey, J.-F., dir. Altérités : entre visible et invisible. Par Stéphane Labranche 444
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Cortado, Thomas Jacques. "Maison." Anthropen, 2020. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.131.

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Abstract:
Le champ sémantique de la maison imprègne nos perceptions individuelles et collectives du monde comme peu d’autres. Il suffit de songer à la distinction très marquée entre house et home en anglais, si difficile à retranscrire dans nos langues latines, ou encore aux usages politiques de l’expression « chez nous » en français. Ce champ renvoie à des lieux souvent riches d’affects, de mémoires et de désirs, qui nous définissent en propre et orientent nos perceptions du temps et de l’espace. Ils font d’ailleurs la matière des poètes, peintres et autres artistes. À cet égard, lorsque nous perdons notre maison, nous ne nous retrouvons pas seulement privés d’un bien utile et échangeable, d’un « logement », nous voyons aussi s’effacer une partie de nous-mêmes et le centre à partir duquel s’organise notre existence quotidienne. En dépit de sa densité, les anthropologues ont d’abord rabattu le thème de la maison sur ceux de la famille et de la culture matérielle. Pour Lewis H. Morgan, la forme de l’espace domestique ne fait qu’épouser un certain type d’organisation familiale; elle en est, pour ainsi dire, le révélateur (1877). À la « hutte » des « sauvages » correspond donc la famille consanguine, qui autorise le mariage entre cousins, alors qu’à la « maison commune » des « barbares » correspond la famille patriarcale, autoritaire et polygame. Les « maisons unifamiliales » de l’Occident contemporain renvoient à la famille nucléaire, fondement de la « civilisation ». Quant aux anthropologues davantage intéressés par l’architecture et les artefacts domestiques, leurs analyses consistent souvent à expliquer leur genèse en accord avec une vision évolutionniste du progrès technique ou par des facteurs géographiques. On aurait pu s’attendre à ce que l’invention de l’ethnographie par Bronislaw Malinowski ouvre de nouvelles perspectives. Avec elle, c’est en effet un certain rapport à la maison qui se met à définir le métier d’anthropologue, celui-là même qu’exemplifie la célèbre représentation de ce dernier sous sa tente, immortalisée dans la première planche photographique des Argonautes du Pacifique occidental. Pour autant, la maison reste un objet secondaire par rapport à l’organisation de la vie familiale, le vrai principe de la société. Elle est avant tout le lieu où le couple choisit de résider après le mariage et ce choix se plie à certaines « règles », dont on peut assez facilement faire l’inventaire, grâce aux liens de filiation entre les membres du couple et les autres résidents (Murdock 1949). On parlera, par exemple, de résidence « matrilocale » quand le couple emménage chez les parents de l’épouse, « patrilocale » dans le cas inverse. Quant aux sociétés occidentales, où le couple forme habituellement un nouveau ménage, on parlera de résidence « néolocale ». La critique de ces règles permet, dans les années 1950 et 1960, d’étendre la réflexion sur la maison. Face aux difficultés concrètes que pose leur identification, Ward Goodenough suggère d’abandonner les taxinomies qui « n’existent que dans la tête des anthropologues » et de « déterminer quels sont, de fait, les choix résidentiels que les membres de la société étudiée peuvent faire au sein de leur milieu socioculturel particulier » (1956 : 29). Autrement dit, plutôt que de partir d’un inventaire théorique, il faut commencer par l’étude des catégories natives impliquées dans les choix résidentiels. La seconde critique est de Meyer Fortes, qui formule le concept de « groupe domestique », « unité qui contrôle et assure l’entretien de la maison (householding and housekeeping unit), organisée de façon à offrir à ses membres les ressources matérielles et culturelles nécessaires à leur conservation et à leur éducation » (1962 : 8). Le groupe domestique, à l’instar des organismes vivants, connaît un « cycle de développement ». En Europe du sud, par exemple, les enfants quittent le domicile parental lorsqu’ils se marient, mais y reviennent en cas de rupture conjugale ou de chômage prolongé ; âgés, les parents souvent cherchent à habiter près de leurs enfants. En conséquence, « les modèles de résidence sont la cristallisation, à un moment donné, d’un processus de développement » (Fortes 1962 : 5), et non l’application statique de règles abstraites. La maison n’est donc pas seulement le lieu où réside la famille, elle est nécessaire à l’accomplissement de tâches indispensables à la reproduction physique et morale des individus, telles que manger, dormir ou assurer l’éducation des nouvelles générations (Bender 1967). Cette conception du groupe domestique rejoint celle qu’avait formulée Frédéric Le Play un siècle auparavant : pour l’ingénieur français, il fallait placer la maison au centre de l’organisation familiale, par la défense de l’autorité paternelle et la transmission de la propriété à un héritier unique, de façon à garantir la stabilité de l’ordre social (1864). Elle exerce de fait une influence considérable sur les historiens de la famille, en particulier ceux du Cambridge Group for the History of Population and Social Structure, dirigé par Peter Laslett (1972), et sur les anthropologues (Netting, Wilk & Arnould 1984), notamment les marxistes (Sahlins 1976). En Amérique latine, de nombreuses enquêtes menées dans les années 1960 et 1970 mettent en évidence l’importance des réseaux d’entraide, attirant ainsi l’attention sur le rôle essentiel du voisinage (Lewis 1959, Lomnitz 1975). La recherche féministe explore quant à elle le caractère genré de la répartition des tâches au sein du groupe domestique, que recoupe souvent la distinction entre le public et le privé : à la « maîtresse de maison » en charge des tâches ménagères s’oppose le « chef de famille » qui apporte le pain quotidien (Yanagisako 1979). Un tel découpage contribue à invisibiliser le travail féminin (di Leonardo 1987). On remarquera néanmoins que la théorie du groupe domestique pense la maison à partir de fonctions établies par avance : ce sont elles qui orientent l’intérêt des anthropologues, plus que la maison en elle-même. C’est à Claude Lévi-Strauss que l’on doit la tentative la plus systématique de penser la maison comme un principe producteur de la société (1984 ; 2004). Celui-ci prend pour point de départ l’organisation sociale de l’aristocratie kwakiutl (Amérique du Nord), telle qu’elle avait été étudiée par Franz Boas : parce qu’elle présentait des traits à la fois matrilinéaires et patrilinéaires, parce qu’elle ne respectait pas toujours le principe d’exogamie, celle-ci défiait les théories classiques de la parenté. Lévi-Strauss propose de résoudre le problème en substituant le groupe d’unifiliation, tenu pour être au fondement des sociétés dites traditionnelles, par celui de « maison », au sens où l’on parlait de « maison noble » au Moyen Âge. La maison désigne ainsi une « personne morale détentrice d’un domaine, qui se perpétue par transmission de son nom, de sa fortune et de ses titres en ligne réelle ou fictive » (Lévi-Strauss 1984 : 190). Plus que les règles de parenté, ce sont les « rapports de pouvoir » entre ces « personnes morales » qui déterminent les formes du mariage et de la filiation : celles-ci peuvent donc varier en accord avec les équilibres politiques. Lévi-Strauss va ensuite généraliser son analyse à un vaste ensemble de sociétés apparemment cognatiques, qu’il baptise « sociétés à maison ». Celles-ci se situeraient dans une phase intermédiaire de l’évolution historique, « dans un état de la structure où les intérêts politiques et économiques tend[ent] à envahir le champ social » (Lévi-Strauss 1984 : 190). Très discuté par les spécialistes des sociétés concernées, ce modèle a eu la grande vertu de libérer l’imagination des anthropologues. Critiquant son évolutionnisme sous-jacent, Janet Carsten et Stephen Hugh-Jones (1995) proposent toutefois d’approfondir la démarche de Lévi-Strauss, en considérant la maison comme un véritable « fait social total ». L’architecture, par exemple, ne relève pas que d’une anthropologie des techniques : celle de la maison kabyle, analysée par Pierre Bourdieu, met en évidence un « microcosme organisé selon les mêmes oppositions et mêmes homologies qui ordonnent tout l’univers » (1972 : 71), un parallélisme que l’on retrouve dans de nombreux autres contextes socioculturels (Hamberger 2010). Fondamentalement, la maison relève d’une anthropologie du corps. Dans son enquête sur la parenté en Malaisie, Carsten souligne le rôle joué par la cuisine ou le foyer, en permettant la circulation des substances qui assurent la production et la reproduction des corps (alimentation, lait maternel, sang) et leur mise en relation, ce que Carsten appelle la « relationalité » (relatedness) (1995). Fait dynamique plutôt que statique, la maison nous met directement au contact des processus qui forment et reforment nos relations et notre personne : son étude permet donc de dépasser la critique culturaliste des travaux sur la parenté; elle nous montre la parenté en train de se faire. Il convient aussi de ne pas réduire la maison à ses murs : celle-ci le plus souvent existe au sein d’un réseau. Les enquêtes menées par Émile Lebris et ses collègues sur l’organisation de l’espace dans les villes d’Afrique francophone proposent ainsi le concept de « système résidentiel » pour désigner « un ensemble articulé de lieux de résidences (unités d’habitation) des membres d’une famille étendue ou élargie » (Le Bris 1985 : 25). Ils distinguent notamment entre les systèmes « centripètes », « de concentration en un même lieu d’un segment de lignage, d’une famille élargie ou composée » et les systèmes « centrifuges », de « segmentation d’un groupe familial dont les fragments s’installent en plusieurs unités résidentielles plus ou moins proches les unes des autres, mais qui tissent entre elles des liens étroits » (Le Bris 1985 : 25). Examinant les projets et réseaux que mobilise la construction d’une maison dans les quartiers noirs de la Bahia au Brésil, les circulations quotidiennes de personnes et d’objets entre unités domestiques ainsi que les rituels et fêtes de famille, Louis Marcelin en déduit lui aussi que la maison « n’est pas une entité isolée, repliée sur elle-même. La maison n’existe que dans le contexte d’un réseau d’unités domestiques. Elle est pensée et vécue en interrelation avec d’autres maisons qui participent à sa construction – au sens symbolique et concret. Elle fait partie d’une configuration » (Marcelin 1999 : 37). À la différence de Lebris, toutefois, Marcelin part des expériences individuelles et des catégories socioculturelles propres à la société étudiée : une « maison », c’est avant tout ce que les personnes identifient comme tel, et qui ne correspond pas nécessairement à l’image idéale que l’on se fait de cette dernière en Occident. « La configuration de maisons rend compte d’un espace aux frontières paradoxalement floues (pour l'observateur) et nettes (pour les agents) dans lequel se déroule un processus perpétuel de création et de recréation de liens (réseaux) de coopération et d'échange entre des entités autonomes (les maisons) » (Marcelin 1996 : 133). La découverte de ces configurations a ouvert un champ de recherche actuellement des plus dynamiques, « la nouvelle anthropologie de la maison » (Cortado à paraître). Cette « nouvelle anthropologie » montre notamment que les configurations de maisons ne sont pas l’apanage des pauvres, puisqu’elles organisent aussi le quotidien des élites, que ce soit dans les quartiers bourgeois de Porto au Portugal (Pina-Cabral 2014) ou ceux de Santiago au Chili (Araos 2016) – elles ne sont donc pas réductibles à de simples « stratégies de survie ». Quoiqu’elles se construisent souvent à l’échelle d’une parcelle ou d’un quartier (Cortado 2019), ces configurations peuvent très bien se déployer à un niveau transnational, comme c’est le cas au sein de la diaspora haïtienne (Handerson à paraître) ou parmi les noirs marrons qui habitent à la frontière entre la Guyane et le Suriname (Léobal 2019). Ces configurations prennent toutefois des formes très différentes, en accord avec les règles de filiation, bien sûr (Pina-Cabral 2014), mais aussi les pratiques religieuses (Dalmaso 2018), le droit à la propriété (Márquez 2014) ou l’organisation politique locale – la fidélité au chef, par exemple, est au fondement de ce que David Webster appelle les « vicinalités » (vicinality), ces regroupements de maisons qu’il a pu observer chez les Chopes au sud du Mozambique (Webster 2009). Des configurations surgissent même en l’absence de liens familiaux, sur la base de l’entraide locale, par exemple (Motta 2013). Enfin, il convient de souligner que de telles configurations ne sont pas, loin de là, harmonieuses, mais qu’elles sont généralement traversées de conflits plus ou moins ouverts. Dans la Bahia, les configurations de maisons, dit Marcelin, mettent en jeu une « structure de tension entre hiérarchie et autonomie, entre collectivisme et individualisme » (Marcelin 1999 : 38). En tant que « fait social total », dynamique et relationnel, l’anthropologie de la maison ne saurait pourtant se restreindre à celle de l’organisation familiale. L’étude des matérialités domestiques (architecture, mobilier, décoration) nous permet par exemple d’accéder aux dimensions esthétiques, narratives et politiques de grands processus historiques, que ce soit la formation de la classe moyenne en Occident (Miller 2001) ou la consolidation des bidonvilles dans le Sud global (Cavalcanti 2012). Elle nous invite à penser différents degrés de la maison, de la tente dans les camps de réfugiés ou de travailleurs immigrés à la maison en dur (Abourahme 2014, Guedes 2017), en passant par la maison mobile (Leivestad 2018) : pas tout à fait des maisons, ces formes d’habitat n’en continuent pas moins de se définir par rapport à une certaine « idée de la maison » (Douglas 1991). La maison relève aussi d’une anthropologie de la politique. En effet, la maison est une construction idéologique, l’objet de discours politiquement orientés qui visent, par exemple, à assoir l’autorité du père sur la famille (Sabbean 1990) ou à « moraliser » les classes laborieuses (Rabinow 1995). Elle est également la cible et le socle des nombreuses technologiques politiques qui organisent notre quotidien : la « gouvernementalisation » des sociétés contemporaines se confond en partie avec la pénétration du foyer par les appareils de pouvoir (Foucault 2004); la « pacification » des populations indigènes passe bien souvent par leur sédentarisation (Comaroff & Comaroff 1992). Enfin, la maison relève d’une anthropologie de l’économie. La production domestique constitue bien sûr un objet de première importance, qui bénéficie aujourd’hui d’un regain d’intérêt. Florence Weber et Sybille Gollac parlent ainsi de « maisonnée » pour désigner les collectifs de travail domestique fondés sur l’attachement à une maison – par exemple, un groupe de frères et sœurs qui s’occupent ensemble d’un parent âgé ou qui œuvrent à la préservation de la maison familiale (Weber 2002, Gollac 2003). Dans la tradition du substantialisme, d’autres anthropologues partent aujourd’hui de la maison pour analyser notre rapport concret à l’économie, la circulation des flux monétaires, par exemple, et ainsi critiquer les représentations dominantes, notamment celles qui conçoivent l’économie comme un champ autonome et séparé (Gudeman et Riviera 1990; Motta 2013) – il ne faut pas oublier que le grec oikonomia désignait à l’origine le bon gouvernement de la maison, une conception qui aujourd’hui encore organise les pratiques quotidiennes (De l’Estoile 2014). Cycles de vie, organisation du travail domestique, formes de domination, identités de genre, solidarités locales, rituels et cosmovisions, techniques et production du corps, circulation des objets et des personnes, droits de propriété, appropriations de l’espace, perceptions du temps, idéologies, technologies politiques, flux monétaires… Le thème de la maison s’avère d’une formidable richesse empirique et théorique, et par-là même une porte d’entrée privilégiée à de nombreuses questions qui préoccupent l’anthropologie contemporaine.
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Fassin, Didier. "Châtiment." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.103.

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Abstract:
Le châtiment est généralement considéré comme la réponse à une violation des lois ou des normes. Plus spécifiquement, dans le langage juridique, on parle de peine. On se réfère alors à la définition qui en a été donnée par le philosophe du droit britannique H. L. A. Hart (1959), selon lequel il s’agit de l’infliction d’une souffrance ou d’un équivalent à l’auteur réel ou supposé d’une infraction à l’encontre des règles légales, la décision et l’exécution en revenant à des êtres humains autres que le contrevenant qui agissent dans le cadre d’une autorité instituée. Ces cinq critères sont typiquement présents lorsqu’une personne accusée d’un crime ou d’un délit est jugée par un tribunal et, au terme du procès, se voit condamnée à une sanction telle qu’un emprisonnement. Cette situation est celle qu’étudie David Garland (1990). Deux faits méritent toutefois d’être relevés à propos de cette définition. D’une part, elle produit implicitement une légitimation du châtiment, qui est à la fois morale, puisqu’il punit l’auteur d’une infraction, et légale, puisqu’il procède d’une pure application de la loi. D’autre part, elle suppose un travail de normalisation et une forme de publicité, excluant notamment les punitions dans le cadre familial ou scolaire. Face à cette lecture normative, l’anthropologue s’interroge : qu’en est-il dans les faits ? Comme l’a établi Bronislaw Malinowski (1926) dans le cas des sociétés qu’on appelait alors primitives, ce déplacement ethnographique a une fonction critique, dans la mesure où il soulève des questions qui vont à l’encontre du sens commun et dévoilent des faits inattendus. Il convient d’abord de se demander avec Nietzsche (1993 [1887]) dans une perspective généalogique comment il se fait qu’une équivalence soit ainsi établie entre la commission d’une infraction et l’infliction d’une souffrance. Cette interrogation conduit à une autre : en a-t-il été ainsi toujours et partout ? Le philologue s’avère ici d’un certain secours, puisqu’Émile Benveniste (1969) note que le verbe punir provient du latin pœna et du grec poin?, lequel correspond à la dette que l’on doit payer pour réparer un crime, la connotation doloriste du mot n’étant apparue que dans le latin tardif. Au départ, donc, la réponse à l’infraction commise procédait d’une logique de réparation. Il fallait indemniser la violation de la loi ou de la norme par un paiement, par exemple à la famille de la victime s’il s’agissait de violence ou de meurtre. Les études historiques confirment que tel était bien le cas dans les sociétés anciennes, et Georg Simmel (1997 [1907]) montre notamment que, dans l’Angleterre anglo-saxonne, le montant de la somme due pour la compensation d’un meurtre, appelée wergeld, était établi en fonction du statut de la personne tuée et que le châtiment dans ces cas est intervenu tardivement. Les données ethnologiques vont dans le même sens, et par exemple l’enquête conduite par Kalervo Oberg (1934) parmi les Tlingit d’Alaska révèle que le meurtre du membre d’un clan était réparé par la mise à mort d’un membre du clan de l’auteur du crime de rang égal, cette réparation se réduisant toutefois à une simple somme d’argent lorsque la victime était de statut inférieur. Quand cette logique de la dette et de sa restitution s’est-elle éteinte ? Dans le monde occidental, le fait essentiel a été le passage de l’ancien droit germanique au droit romain et de la réparation à la peine. Comme l’analyse Michel Foucault (2015 [1971]), cette évolution s’est faite en France sous la double influence de la Royauté, qui affaiblit ainsi les structures féodales, et de l’Église, qui introduit les notions de péché et de pénitence. Dans les sociétés précoloniales, c’est précisément la colonisation qui introduit ce changement, et Leopold Pospisil (1981) raconte la douloureuse rencontre des deux mondes dans le cas des Kapauku de Papouasie-Nouvelle Guinée, brutalement passés d’une situation où le paiement de dommages réparait une transgression de la norme à un paradigme juridique dans lequel l’emprisonnement était la réponse à la violation de la loi. L’imposition de cette sanction, qui n’était pas comprise par des populations dont la liberté était vue comme un bien supérieur, a donné lieu à des suicides et des révoltes. Un élément essentiel de cette transformation de la signification du châtiment, relevé par E. E. Evans-Pritchard (1972 [1937]), est son individualisation. Dans les sociétés sous le régime de la réparation, le collectif, qu’il s’agisse de la famille ou du clan, doit répondre de l’acte commis. Dans les sociétés sous le régime de la peine, c’est l’individu qui doit en rendre compte. Au principe d’échange entre des groupes se substitue un principe de responsabilité de la personne. D’une manière générale, on peut donc dire, au regard de cette analyse généalogique, que l’évolution s’est opérée, dans le long terme, d’une économie de la dette à une morale de la souffrance. Pour autant, la première n’a pas totalement disparu au bénéfice de la seconde. Il en existe de nombreuses illustrations contemporaines, dont la plus manifeste concerne le monde musulman. En effet, selon la loi islamique, pour autant qu’un crime n’ait pas été commis contre Dieu, le juge propose à la famille de la victime une alternative : soit la qisas, châtiment imposé sur la base de la loi du talion, impliquant donc la mort en cas de meurtre ; soit la diyya, réparation par une somme d’argent déterminée par le magistrat. Comme le montre Arzoo Osanloo (2012) à propos de l’Iran contemporain, la seconde formule est bien plus souvent utilisée que la première, mais le juge ajoute souvent au paiement du dommage une peine d’emprisonnement. Au regard de l’évolution qui vient d’être décrite, une autre question se pose, dont John Rawls (1955) souligne combien elle est débattue : comment justifie-t-on l’infliction d’une souffrance ? La philosophie morale et le droit ont en effet une double réponse. La première, utilitariste, dans la suite de Jeremy Bentham (2011 [1780]), pose que la souffrance de l’auteur d’un crime ne se justifie que pour autant qu’elle augmente le bonheur dans la société, autrement dit, qu’elle diminue la criminalité. Ce peut être par effet de neutralisation (l’exécution, l’emprisonnement, l’exil), dissuasion (pour l’individu et la collectivité) et réhabilitation (par la réforme morale ou la réinsertion sociale). La seconde, rétributiviste, héritière d’Emmanuel Kant (2011 [1795]), affirme que la souffrance ne se justifie qu’en tant qu’elle expie l’acte répréhensible commis, indépendamment de toute conséquence sociale, positive ou négative. La peine ainsi infligée doit en principe être équivalente de la violation de la loi ou de la norme (allant donc jusqu’à l’exécution en cas de meurtre). Le tournant punitif des dernières décennies dans la plupart des pays manifeste un glissement de la première justification vers la seconde. Ces deux théories, qui ont donné lieu, au cours des deux derniers siècles à une considérable littérature visant à contester ou affiner l’une ou l’autre, énoncent ce qui devrait justifier le châtiment, mais est-ce bien ainsi que les choses se passent dans le monde réel ? Rien n’est moins sûr, et nombre de travaux de sciences sociales le montrent. On peut trouver une justification au châtiment d’une personne, même possiblement innocente, pour faire un exemple, pour humilier un adversaire, pour pacifier un mécontentement populaire, pour satisfaire le désir de vengeance des proches d’une victime, pour instituer un ordre social inégal fondé sur la peur, pour simplifier des procédures judiciaires grâce au plaider coupable, et pour bien d’autres raisons encore. Mais quand bien même on a énuméré ces justifications rationnelles, on n’a pas épuisé les fondements de l’acte de punir car il demeure une forme de jouissance dans l’administration de la souffrance, qu’en paraphrasant Georges Bataille (1949), on peut appeler la part maudite du châtiment. Cette dimension affective se manifeste à travers les gestes de cruauté constatés dans les métiers de la répression et les excès de tourment habituels dans les institutions carcérales qui, comme l’analyse Everett Hughes (1962), ne sont pas seulement le fait d’individus ou même de professions. C’est la société qui leur délègue ce qu’elle considère comme ses basses œuvres, sans guère chercher à les réguler ou à en sanctionner les abus. On se souvient que Claude Lévi-Strauss (1955) établissait un parallèle entre l’anthropophagie, qui semble une pratique barbare aux yeux des Occidentaux, et les formes contemporaines du châtiment, notamment la prison, qui paraîtraient tout aussi choquantes aux Amérindiens. Comment expliquer que le châtiment tel qu’il existe dans les sociétés modernes non seulement se maintienne mais plus encore se développe considérablement ? Pour répondre à cette question, il faut probablement prendre en considération une dimension à laquelle la philosophie morale et le droit ont rarement prêté attention : c’est la manière dont le châtiment est réparti dans la société. Les théories normatives supposent en effet que l’on punisse de façon juste, ce qui implique à la fois que plus une infraction est grave et plus elle est lourdement sanctionnée et que pour une même infraction deux individus soient également sanctionnés. Est-ce le cas ? Les travaux menés par des chercheurs, à l’instar de Bruce Western (2006), sur la distribution du châtiment dans la société révèlent que les classes populaires et les minorités ethnoraciales sont très surreprésentées dans les prisons et plus largement dans l’ensemble de l’appareil punitif. Est-ce parce que leurs membres commettent plus de violations de la loi ou que ces violations sont plus graves ? Les études montrent que la sévérité du système pénal, depuis le niveau législatif de fabrication des lois jusqu’au niveau judiciaire de leur application, n’est pas principalement lié aux conséquences néfastes des actes commis mais tient à des choix opérés en fonction de ceux qui les commettent. Ainsi le vol à la tire est-il souvent plus durement réprimé que l’abus de biens sociaux et, plus généralement, la petite délinquance que la criminalité financière, même lorsque cette dernière a des effets désastreux en termes de paupérisation et de surmortalité des segments les plus fragiles de la société. Ce qui conduit Émile Durkheim (1996 [1893]) à inverser la définition habituelle du châtiment, en affirmant qu’on ne condamne pas un acte parce qu’il est criminel, mais qu’il est criminel parce qu’on le condamne. À quoi sert donc le châtiment si ce qui détermine sa sévérité est moins la gravité de l’acte que les caractéristiques sociales de son auteur ? En prolongeant la réflexion de Michel Foucault (1975), on peut penser que le châtiment n’a peut-être pas pour vocation première de sanctionner les transgressions de la loi, de protéger la société de leurs auteurs et in fine de réduire la délinquance et la criminalité, mais que sa fonction sociale principale est plutôt d’opérer des différenciations entre ceux que l’on peut punir et ceux que l’on veut épargner. Ainsi relève-t-il tout autant d’une politique de la justice, au sens du droit, que d’une politique de l’injustice, dans un sens moral. Dans un contexte où la population carcérale atteint des niveaux records dans le monde et où les pratiques punitives participent de la reproduction des inégalités (Fassin 2017), la réflexion anthropologique sur le châtiment est assurément une tâche essentielle.
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Moussaoui, Abderrahmane. "Violence." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.123.

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Abstract:
Le terme violence qualifie un certain nombre de manifestations allant de l’altercation verbale jusqu’aux destructions de masse, en passant par l’agression physique, le viol, le meurtre, la torture, les mutilations, etc. Infligées ou subies, discontinues ou constantes, localisées ou endémiques, accidentelles ou motivées, ces expressions de la violence se compliquent encore par leur caractère tantôt privé, tantôt public, assumé et revendiqué ou dissimulé et renié. La violence est si protéiforme qu’elle ne cesse de voir les discriminants de sa catégorisation et les grilles de classification se démultiplier. Le critère est tantôt spatial (violence urbaine), tantôt social (violence conjugale, ouvrière), tantôt politique (répression, coercition, guerre, assassinat politique, terrorisme), économique (exploitation, injustice), sexuel (viol, maltraitance), ou encore psychologique (automutilations et autres actes pervers). Englober toutes ces manifestations dans une même perspective relève de la gageure (Michaud 2004 ; Crettiez 2008). Comment approcher pareils phénomènes aux formes et motivations aussi diversifiées selon les mêmes grilles théorico-méthodologiques? D’autant plus qu’à ces expressions physiques de la violence s’ajoutent toutes celles qui relèvent de la « violence symbolique ». Consentie (plus que subie), cette violence impose un certain ordre dans les manières d'être. Elle englobe tous les dispositifs dont usent les dominants pour que les dominés intériorisent et acceptent leur statut et leur état de dominés (Bourdieu & Wacquant 1992). Elle participe de cette violence structurelle inhérente à tout pouvoir, qu’il soit celui du pater familias ou du chef élu ou imposé. Elle peut être liée à la forme même de l'organisation sociale à laquelle on adhère et qu’elle tend à malmener. Le politiste norvégien Johan Galtung (1969) est sans doute le premier à l’évoquer, faisant remarquer que dans cette forme de violence il n’y a pas de lien évident et apparent entre les sujets. Inscrite dans des structures sociales, cette violence est plus insidieuse mais non moins destructrice. Outre ces violences dévastatrices du lien, l’anthropologie a mis en évidence un autre genre de violences, celles destinées précisément à instaurer le lien, à le suturer ou à le raffermir. Ces violences fondatrices qui ponctuent les rites de passage (tatouages, circoncisions, excisions, scarifications et autres marquages corporels), souvent violentes et non exemptes de douleur, ont pour finalité d’agréger les individus à des communautés. Initiatique, cette violence qui laisse une marque distinctive (du rang, du sexe, etc.), n’est jamais perçue comme telle par ceux qui l’adoptent (Bodiou et Briand 2015). Malgré la variété de ses expressions et de ses modes d’effectuation, l’acte de violence demeure aisément identifiable. En revanche, il en est tout autrement quand il s’agit de définir ce qu’est la violence. Tous les dictionnaires la mettent en rapport avec l’exercice d’une force brutale ou excessive en vue de soumettre, contraindre ou obtenir quelque chose. Pour la majorité des approches, la violence a été longtemps conçue comme un « usage délibéré de la force pour blesser ou détruire physiquement » (Gurr, 1970). Au milieu des années 1990, la définition de l’OMS en élargit l’acception. Se voulant exhaustive, elle intègre à la fois les actes individuels et communautaires, commis contre autrui ou auto-infligés; qu’ils soient interpersonnels ou collectifs. Elle couvre tout aussi bien les actes de violence que les menaces et intimidations de tous ordres, induisant des atteintes physiques, psychologiques, ou affectives. Toutefois, cette définition demeure encore fortement associée aux violences physiques et n'évoque pas clairement et suffisamment les violences psychologiques et morales découlant d’actes verbaux, d'attitudes et autres conduites symboliques. Plus largement, F. Héritier (1996 : 17) appelle « violence toute contrainte de nature physique ou psychique susceptible d'entraîner la terreur, le déplacement, le malheur, la souffrance ou la mort d'un être animé; tout acte d'intrusion qui a pour effet volontaire ou involontaire la dépossession d'autrui, le dommage ou la destruction d'objets inanimés (…) ». Complète et exhaustive, cette définition souligne, une fois encore, la difficulté à parler de la violence de manière générale. La violence est une force dont l’exercice s’inscrit immanquablement dans le cadre de normes partagées. Ce sont de telles normes qui caractérisent, in fine, ce qui relève ou non de la violence. Celle-ci est justement le plus souvent un dépassement de la règle ou de la norme admise, une démesure. Elle est ce qui remet en cause l’existence de ce qu’Hanna Arendt (1989 : 283) appelle « un monde commun ». Yves Michaud (1978 : 101) le dit avec ses mots : la violence « tient plus à la dissolution des règles qui unifient le regard social qu’à la réalité qu’elle peut avoir ». À ce titre, la manifestation de la violence est l’indice d’une rupture de consensus, dont la finalité est de contraindre et de faire mal, de manière volontaire et apparemment gratuite. Elle est tantôt une infraction, tantôt un outrage. Chaque société désigne ce qu’elle considère comme violent en tentant de le réduire par l’éthique, la culture, le droit, la contrainte et en lui opposant… de la violence. Ce sont les logiques qui président à ces choix que l’anthropologue ne cesse de pointer dans leur singularité pour tenter de comprendre le phénomène dans son universalité. Même si le catalogue des actes de violence semble infini, et l’imagination des bourreaux individuels et collectifs incommensurablement fertiles, il n’en demeure pas moins que cette violence s’exerce toujours ou du moins le plus souvent selon des logiques inscrites dans un contexte historico-culturel. La « violence » est enchâssée dans une matrice éthique et obéit à une échelle de valeurs qui rend sa perception et, partant, sa signification variables selon les normes de référence en usage. Polymorphe, elle est également et nécessairement polysémique; et sa perception culturellement et sociohistoriquement déterminée. Des châtiments tolérés naguère (sectionner la langue des blasphémateurs, noyer des femmes adultères), sont décriés par des sociétés contemporaines pratiquant d’autres formes de violence (chaise électrique ou injection létale), estimées moins cruelles à leurs yeux. Ce sont en général les actes et conduites jugés illégitimes qui sont qualifiés de violents; tous ceux, tout aussi violents, mais exercés au nom d’une règle partagée ou par un pouvoir considéré comme légitime, ne sont pas tenus pour de la violence; ils sont perçus comme une coercition, une contrainte. Que ce soit pour Hobbes (2000) ou Weber (1959), l’usage légitime de la violence prévient la violence. Dès lors, il n’est plus de la violence. Loin d’être un phénomène débridé, la violence est souvent un outil savamment orchestré destiné à faire obéir ou à punir. Qu’elle soit privée ou publique, la violence est toujours inscrite dans une matrice symbolique qui structure ses modes d’effectuation et lui donne sens aux yeux de ses protagonistes. Ainsi devient-elle légitime pour son auteur; et parfois même pour celui qui la subit, la vivant comme une fatalité ou se considérant comme victime expiatoire. Ainsi, est-elle une « configuration » (Elias, 1989) où les adversaires sont aussi des partenaires agissant selon des règles partagées. Une propension devenue routinière consiste à toujours considérer la violence comme une réactivité instinctive, motivée par une pure répétition pavlovienne et paresseuse. Les études des violences urbaines ont pu montrer que celles-ci peuvent être un indicateur d’inégalité ou de défiance vis-à-vis des institutions; et, partant, l’expression d’une volonté de négociation. La manifestation de la violence est un « signal de danger » nous dit Lewis Coser (1982). Autrement dit, la violence fait à la fois signe et sens. Elle n’est pas que l’expression du chaos et du désordre. L’exercice de la violence (notamment politique) a le souci à la fois de l’efficacité et de la légitimité. Le plus souvent, la violence n’est ainsi qualifiée qu’en rapport aux seuls faits concrets, quantifiables et mesurables. Or, d’un point de vue anthropologique, la violence intègre à la fois l’éthique, les valeurs partagées, les sentiments, etc. La rumeur, l’ironie ou la satire peuvent être ressenties comme plus violentes que des coups. Physique, psychologique ou symbolique, la violence est toujours un fait « construit » à partir d’une culture partagée; dont la perception et l’intensité sont étroitement en rapport avec les normes communément admises. Quelle que soit la forme de son expression, la violence demeure un « fait social total »; car elle est toujours enchâssée dans d’autres faits sociaux qui démultiplient ses logiques et ses univers de sens (politique, religieux, économique, social etc.) (Clastres, 1977 ; Kilani, 2006). Instinct naturel, moyen d’imposer l’ordre social ou vecteur du changement social? La violence est une des catégories les plus discutées dans les sciences humaines et sociales; mobilisant terrains et théories pour saisir un phénomène en passe de figurer parmi les universaux et ne cessant de réinventer ses formes d’expression. Pour Thomas Hobbes (2000), l’une des références inévitables dans ces débats, l’homme est un être « duplice », naturellement violent mais socialement dans l’obligation de rechercher la répression de son agression en acceptant de se conformer aux règles d’une instance qui lui permettrait de vivre en société. Pour Hobbes, c’est l’égalité primordiale entre les hommes qui serait à l’origine des affrontements. Jean-Jacques Rousseau (1971) reproche au philosophe britannique d’avoir attribué à l’homme vivant dans l’état de nature les attributs et les passions propres à l’homme vivant dans la société. Ces deux postures spéculatives vont constituer dans une large mesure le cadre de pensée dans lequel seront débattues thèse et contre-thèse sur la nature violente ou non de l’homme. La première défend le caractère inné de la violence, tandis que la seconde la considère comme un acquis culturel. En anthropologie, l’intérêt pour la violence comme phénomène, est présent dès les premiers travaux qui ont pu montrer que toutes les sociétés contiennent de la violence, la produisent, l’utilisent et la gèrent. Mise en avant par Max Weber (1959) dans sa théorie de l’État comme monopole de la violence légitime, elle est popularisée par les travaux de René Girard (1972, 1978). Pour ce philosophe et anthropologue, les désirs de l’homme sont mimétiques et engendrent une violence fondée sur la « rivalité ». L’homme désire les mêmes objets que son prochain, et son désir augmente en fonction de celui de l’autre. Ce désir mimétique débouche sur la violence qui, de proche en proche, devient générale et concerne toute la société. Pour y remédier, Girard s’écarte des thèses wébériennes qui préconisent l’instauration d’une violence légitime confiée à l’État. Il postule que les hommes déplacent leur hostilité sur une victime émissaire (Girard, 1972). C’est le sens du sacrifice présent dans toutes les sociétés humaines. C’est le « désir mimétique » à l’origine de la violence qui caractérise l’être humain en société. Pour empêcher le saccage de cette violence réciproque, présente dans l’essentiel des rapports humains et dans toutes les sociétés dès le début de leur formation, la communauté sacrifie une victime arbitraire consensuelle. La haine de chacun est transférée sur cette victime émissaire dont la mise à mort est expiatoire. Elle sauve la communauté et lui permet de survivre. En évitant la violence destructrice de la communauté, cette violence sacrificielle et pacificatrice se transforme en une violence fondatrice. Les anthropologues se sont également intéressés à la forme institutionnelle de la violence. Ainsi, la guerre mobilisera l’essentiel des théories. Une approche naturaliste développée notamment par André Leroi-Gourhan (1965), postule que la guerre (comme violence institutionnelle) est la conséquence de l'évolution naturelle de l'Homme, qui de chasseur devient guerrier. Pour cet ethnologue et penseur des techniques et de la culture, la violence humaine relèverait du biologique. Postulant que la guerre est une extension de la chasse, il considère que l’homme, à l’instar de l’animal, est un être prédateur et donc violent par nécessité. Le social et l'institutionnel sont ainsi naturalisés. La violence permet de se procurer les rares ressources disponibles. Une telle approche rejoint celle qui met en rapport la guerre et les pénuries de nourriture dans les sociétés primitives. D’autres thèses, plus répandues, estiment certains modèles culturels, comme la virilité, l'autoritarisme culturel et la religion, à l'origine immédiate et exclusive de cette violence. Ce courant culturaliste considère la violence comme un phénomène culturel. Une de ses premières figures, Ruth Benedict (1950), a tenté d’opposer la culture apollinienne des Indiens Pueblos, qu’elle considère comme communautaire et pacifique, à celle des Indiens des plaines, qu’elle définit comme passionnés et agressifs et dont elle qualifie la culture de dionysiaque. Une autre approche culturaliste, celle de Claude Lévi-Strauss, voit dans la violence un mode d’échange, un « échange malheureux ». Pour le théoricien du structuralisme, la guerre est l’expression d’un échec dans l'échange entre communautés, lequel échange est à ses yeux fondateur des sociétés. L’anthropologie Pierre Clastres (1977) réfutera toutes ces théories pour soutenir que la guerre est constitutive de la société primitive. Elle n’est, selon lui, ni un instinct animal, ni la conséquence d’un manque, ni l’expression d’un ethos culturel, ni un échange raté. Elle est au fondement même de l’être ensemble. Étant sans hiérarchie, la société primitive use de la guerre contre l’Autre comme moyen de raffermir son unité. Depuis Thomas Hobbes, la violence hors d'un cadre prescrit par l'État est considérée comme une pathologie sociale. Contre cette vision, Pierre Clastres soutient que les violences (apparemment déviantes ou criminelles) s'inscrivent dans un univers social, culturel et symbolique pour faire sens. Poussée à ses limites, cette approche compréhensive risque de conduire à soutenir des légitimations au nom du relativisme culturel. Dans un monde où génocides, guerres, terrorismes et autres destructions de masse sont devenus une réalité quotidienne, plusieurs auteurs soutiennent la thèse de Norbert Elias (1989) sur le recul de la violence et la domestication de l’animal humain. Contre-intuitive, cette thèse est défendue par plusieurs historiens sur la base de travaux sur des archives judiciaires, dont l'historien Jean-Claude Chesnais (1981 : 14) qui estime qu' « il y a au cours des derniers siècles une régression considérable de la violence criminelle ». Si aujourd’hui on parle de son omniprésence, c’est parce que le seuil de tolérance aurait baissé. Nous serions devenus plus sensibles à la violence, subjectivement. Ceux qui rejettent une telle thèse préfèrent souligner le nombre et la diversification des formes des violences : génocides, attentas, terrorismes, etc. (Wieviorka, 2004). En effet, la violence a pris des formes inédites en rapport avec la complexification de notre organisation sociale. La technologie a contribué à une certaine sophistication de la violence et à sa mise à distance. Sa « domestication » s’opère par sa taylorisation. L’acte de tuer ou de perpétrer un génocide est noyé dans les échelons de la décision (du général qui décide au soldat qui exécute) et dans une « chaîne opératoire » plus ou moins longue. Grâce à cette « taylorisation », la violence se trouve aujourd’hui « domestiquée ». L’euphémisation par la technologie (écrans) la rend supportable par celui qui l’exécute; tout comme le sacré l’avait déjà rendue acceptable et supportable aux yeux, à la fois, de celui qui la donne et de celui qui la subit (Matthew, 2017 ; Blaya, 2011). Quoi qu’il en soit, le développement vertigineux de la technologie, et de l’organisation bureaucratique, contribue à cette « banalisation du mal » (Arendt 1991) en rendant moins perceptibles et plus insidieuses ces violences. Les armes biologiques sont moins spectaculaires dans leur usage mais plus dévastatrices dans leurs effets, tout comme les drones tuent de façon aussi chirurgicale que silencieuse (Chamayou 2013). Il suffit également de penser à toutes les formes de cyberviolence qui se développent dans le monde virtuel des réseaux sociaux, à l’instar du « revenge porn » ou « cyber-rape » (Blaya, 2011). Ce type de violence s’effectue en général sans échange verbal direct. Le registre du langage et l’émotion qu’il produit sont ainsi annulés, privant la victime de repères et d’alertes. Le « bourreau » est également protégé puisqu’il ne voit pas et il n’entend pas la réaction que produit son acte sur la victime. Dans cette nouvelle configuration que produit la cyberviolence, l‘agresseur n’est pas nécessairement plus fort, mais dispose de plus de latitude pour nuire. La thèse du recul de la violence ne tient pas suffisamment compte de sa sophistication, qui arrive à l’occulter. En revanche, la montée de la violence, souvent signalée, peut n’être que le signe d’un abaissement du seuil de tolérance face à des conduites plus ou moins agressives. En réalité, la notion de violence renvoie à deux dimensions, l’une factuelle et l’autre normative. Elle qualifie les effets de la force physique au regard de la transgression des normes socialement établies (Robert & al. 2008 ; Mucchielli, 2008).
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Stoczkowski, Wiktor. "Race." Anthropen, 2017. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.042.

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Abstract:
La notion de race est ancienne, et ses significations n’ont jamais cessé de se transformer. Dès le XVIe siècle, le mot race désignait les membres d’un lignage. Par conséquent, l’espèce humaine devenait une race puisque la Bible lui donnait pour ancêtres communs Adam et Ève. Un peuple se réclamant d’un ancêtre mythique pouvait également être qualifié de race : on disait par exemple que les Juifs étaient de la race d’Abraham. Le terme a parfois été synonyme de dynastie royale, elle aussi dotée d’un ancêtre commun. L’Encyclopédie utilise le terme principalement dans ces trois acceptions, parlant aussi bien de race humaine que de race d’Abraham ou de race des Capétiens (L’Encyclopédie 1777 et 1778). Parallèlement, le XVIIIe siècle voit se répandre l’usage zoologique de la notion de race, employée pour désigner les variétés infra-spécifiques d’animaux, surtout des animaux domestiques, tels les chiens, les chevaux ou les bovins (Buffon 1749a et 1755). En même temps, les naturalistes étendent son application aux variétés de l’espèce humaine. On considère alors que les différences biologiques entre groupes humains géographiquement séparés sont solidaires de leurs différences culturelles, les unes et les autres engendrées par l’influence conjointe du sol, du climat et de la nourriture (Buffon 1749b). En accord avec la théorie humorale alors en vogue, on pense que le sol, le climat et la nourriture influencent les quatre humeurs physiologiques (bile jaune, sang, bile noire, pituite), dont l’interaction détermine le degré d’un tempérament (mélancolique, flegmatique, bileux, sanguin), lequel décide à son tour à la fois de l’anatomie des hommes et de leur caractère, mentalité, mœurs et organisation sociale (Greenwood 1984). Aucun consensus n’existait en revanche quant au nombre de races d’hommes, tantôt porté à plusieurs dizaines, tantôt réduit à trois et dont chacune était assimilée à la descendance d’un des trois fils de Noé. Les races humaines étaient disposées sur les échelons supérieurs de la Grande Échelle des Êtres, qui menait des formes animales les plus simples jusqu’à l’homme le plus perfectionné, identifié invariablement au Blanc. Le Noir, et plus particulièrement le Hottentot, occupait la limite inférieure de l’humanité, où il côtoyait l’Orang-outang placé au sommet du monde animal (Dictionnaire des sciences médicales, 1819, Sebastani 2013). Si la plupart des Européens du XVIIIe siècle croyaient à la supériorité des Blancs, tous n’en déduisaient pas les mêmes conclusions. Certains estimaient que les autres races pouvaient éventuellement acquérir la civilisation et devenir, avec le temps, à la fois égales aux Blancs et blanches de peau, blanchies sous l’effet de la civilisation. D’autres restaient convaincus que la supériorité des Blancs était un immuable fait de nature, ce qui condamnait les autres races, surtout les Noirs, à une éternelle soumission, faisant d’eux ce que Aristote avait appelé les esclaves par nature. Les débats raciologiques du XIXe siècle consacrèrent l’opposition plus ancienne entre le monogénisme et le polygénisme (Blanckaert 1981). Les monogénistes clamaient qu’il n’y a qu’une seule espèce humaine, différenciée à partir d’un type originel ; les polygénistes soutenaient qu’il existe depuis toujours plusieurs espèces humaines invariables, pourvues de propriétés spécifiques, aussi bien biologiques que mentales. La théorie darwinienne (1859) n’a modifié que modestement les grandes lignes de ce débat : les degrés de l’Échelle des Êtres seront désormais considérés comme les étapes consécutives de l’évolution, tandis que les races inférieures se verront identifiées aux races moins évoluées. Les polygénistes darwiniens pouvaient renoncer à l’axiome de l’invariabilité des races dans la très longue durée préhistorique, mais ils s’accordaient avec les monogénistes darwiniens à établir une hiérarchie linéaire des races selon leurs formes anatomiques, auxquelles on croyait pouvoir associer une gradation de facultés morales, intellectuelles et civilisatrices, tenues pour héréditaires et difficilement modifiables dans la courte durée historique. Dès la fin du XVIIIe siècle, des mesures anthropométriques variées ont commencé à être proposées, dans l’espoir de quantifier le degré d’avancement moral et mental des races à partir d’indices anatomiques : ce fut l’un des fondements de l’anthropologie physique du XIXe siècle. La théorie darwinienne de la sélection naturelle a contribué à légitimer la vieille idée de la lutte des races pour la survie. On s’est mis à redouter que les races inférieures, réputées plus fertiles, n’en viennent à bout des races supérieures. Le XIXe siècle fut particulièrement marqué par la hantise du mélange racial, censé conduire à la contamination de la « substance germinative » des races supérieures et à leur dégénérescence consécutive. Dans la première moitié du XXe siècle, l’idéologie nazie offrit l’un des aboutissements extrêmes de cette conception. On y trouve une combinaison de nombreuses composantes des théories raciologiques antérieures : une classification raciale rigide, la hiérarchisation des races en supérieures et inférieures, la conviction que les différences anatomiques correspondent aux différences culturelles, l’idée d’une inégalité morale, intellectuelle et civilisatrice des races, la crainte d’une dégénérescence raciale par le métissage qui altère le « sang » de la race supérieure, la croyance qu’une menace pèse sur la race supérieure du fait de la fertilité plus grande des races inférieures, la doctrine de la lutte entre les races comme force motrice du progrès. L’idéologie nazie fut une sinistre synthèse d’au moins deux siècles de développement de la pensée raciale. Lorsque la Deuxième Guerre prit fin, l’Occident tenta de faire le procès à son héritage intellectuel. L’UNESCO exprima une conviction alors inédite en inscrivant dans sa constitution l’idée selon laquelle les atrocités de la récente guerre avaient été rendues possibles par la croyance à l’inégalité des races. Pour rendre impossibles de nouveaux Auschwitz, on décida alors de faire disparaître la notion de races humaines, source présumée de l’horreur suprême. Dans leur déclaration de 1950, les experts de l’UNESCO affirmèrent l’unité fondamentale de l’espèce humaine et reléguèrent la diversité biologique des hommes à un second plan, en tant qu’épiphénomène de divers mécanismes évolutifs de différentiation. La Déclaration de l’UNESCO portait les marques de la toute récente théorie synthétique de l’évolution, dont les principes ramenaient la « race » à un résultat éphémère de la circulation des gènes entre les populations, seules entités réellement observables (UNESCO 1950, Stoczkowski 2008). La conjonction du contexte politique et de l’émergence de la génétique des populations conduisit, à partir des années 1950, à l’abandon progressif de la notion de race, surtout en sciences sociales. Les humanités multiples des théories raciologiques se muèrent en l’Homme universel de l’UNESCO. Pourtant, la génétique des populations n’a pas tenu les promesses dont on l’avait initialement investie en espérant que la recherche allait démontrer l’inexistence des races humaines, ce qui devait invalider toute possibilité de rabattre les différences de culture sur les différences de nature, selon le subterfuge séculaire qui avait maintes fois servi à justifier les inégalités, les discriminations et les oppressions. N’étaient pas moindres les attentes suscitées ensuite par l’exploration du génome humain : elle devait porter le coup de grâce au concept de race et aux préjugés que ce concept implique. En juin 2000, lors des célébrations qui marquèrent la publication de la première esquisse de la carte du génome humain, J. Craig Venter, directeur de l’entreprise de recherche génétique Celera, répéta que « la notion de race n’a aucun fondement génétique ni scientifique » (Marantz Henig 2004). Aujourd’hui, les résultats de la recherche sur le génome humain semblent moins univoques (Stoczkowski 2006). Il est certes réconfortant de savoir qu’aucun doute ne subsiste sur l’unité génétique de l’espèce humaine. Pourtant, après une première période consacrée à la description des similitudes génétiques, les travaux actuels s’orientent de plus en plus vers l’exploration de la diversité de notre espèce. Plusieurs études publiées récemment tendent à démontrer que des données génétiques permettent bel et bien de faire la distinction entre les individus originaires d’Europe, d’Afrique et d’Extrême-Orient, c’est-à-dire entre les populations traditionnellement réparties par la pensée ordinaire entre les trois grandes « races » : blanche, noire et jaune (Bamshad et al. 2003, Rosenberg et al.,2002, Watkins et al. 2003). Ces travaux dérangent et inquiètent. Ils dérangent car on s’attendait à ce que la génétique rende définitivement illégitime toute classification biologique des humains. C’est le contraire qui semble advenir sous nos yeux. Au lieu de prouver que l’ordre du phénotype, privilégié par la pensée ordinaire, s’écarte de l’ordre du génotype étudié par la science, les travaux récents suggèrent que certaines classifications « raciales » – pour autant qu’elles soient fondées non sur la seule morphologie, mais plutôt sur l’origine géographique – peuvent refléter approximativement une partie de la diversité humaine établie par la génétique moderne (Bamshad et al. 2003; Rosenberg et al. 2002; Watkins et al. 2003). Ces travaux inquiètent aussi, car nul n’ignore que l’étude des différences entre les hommes peut fournir des arguments à ceux qui veulent diviser l’humanité, porter les distinctions à l’absolu, les juger scandaleuses et insupportables. Les généticiens ne manquent pas de souligner que les groupements formés à partir de leurs modèles diffèrent des anciennes catégories raciales, puisque les écarts entre les classes génétiques sont statistiques, relatifs, mouvants, soumis aux vicissitudes de l’histoire faite non seulement de séparations, mais aussi de migrations et de croisements. Il n’en demeure pas moins que le risque existe que les résultats de ces travaux nourrissent à nouveau le phantasme de divergences insurmontables inscrites dans le corps des humains. Les controverses sur la classification infra-spécifique des humains sont loin d’être closes. Quelles que soient les conclusions qui remporteront finalement le consensus de la communauté scientifique, il est probable que la pensée antiraciste soit confrontée dans un avenir proche à une nouvelle légitimité scientifique des classements des humains à partir de critères biologiques, cette fois dans un contexte social où l’aspiration à l’égalité ne passe plus par l’effacement des différences biologiques mais, au contraire, par leur revendication de la part des dominés. Après l’expérience du nazisme, dont l’intérêt exacerbé pour les différences biologiques déboucha sur l’abomination de la Shoah, on était enclin à considérer que toute théorie de la différence biologique devait nécessairement conduire au racisme. On en est moins sûr de nos jours, en observant que les minorités auparavant opprimées cherchent à adosser leur combat contre les inégalités à une théorie de la différence biologique (Oak Ridge National Laboratory). Hier, désireux d’expier le péché de racisme, l’homme blanc fit appel à la science pour rendre insignifiantes les différences biologiques entre les humains ; aujourd’hui, réclamant le droit à l’égalité, l’homme de couleur emploie la science pour donner aux différences biologiques une signification nouvelle. Cette résurgence de l’intérêt de la recherche pour la diversité de l’espèce humaine, en dépit du danger bien réel d’un détournement idéologique de ses résultats, encore très provisoires, peut devenir un antidote contre les spéculations naïves sur la race, qui ne manqueront pas de foisonner dans la culture populaire tant que les chercheurs seront incapables d’expliquer pourquoi les hommes, appartenant tous à la même espèce biologique, n’ont pas pour autant tous la même apparence.
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Kilani, Mondher. "Culture." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.121.

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Abstract:
La culture, mot ancien, a une longue histoire et pour les anthropologues, qui n’ont pas envie de l’abandonner, elle garde tout son potentiel heuristique. Du verbe latin colere (cultiver, habiter, coloniser), la culture a immédiatement montré une remarquable versatilité sémantique. Comme Cicéron (106-43 av. J.-C.) l’avait dit, il n’y a pas seulement la culture des champs, il y a aussi la cultura animi : c’est-à-dire la philosophie. Cultura animi est une expression que l’on retrouve également au début de la modernité, chez le philosophe anglais Francis Bacon (1561-1626). Elle devient ensuite « culture de la raison » chez René Descartes (1596-1650) et chez Emmanuel Kant (1724-1804). Mais au XVIIIe siècle, nous assistons à un autre passage, lorsque la culture, en plus des champs, de l’âme et de la raison humaine, commence à s’appliquer également aux coutumes, aux mœurs, aux usages sociaux, comme cela est parfaitement clair chez des auteurs tels que François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), et Johann Gottfried Herder (1744-1803). Nous pourrions nous demander pourquoi ces auteurs ne se sont pas contentés de continuer à utiliser les termes désormais testés de coutumes et de mœurs. Pourquoi ont-ils voulu ajouter la notion de culture? Qu’est-ce que cette notion offrait de plus? Autrement dit, quelle est la différence entre culture et coutume? Dans l’usage de Voltaire et de Herder, la culture est presque toujours singulière, alors que les coutumes sont très souvent plurielles. La culture a donc pour effet d’unifier les coutumes dans un concept unique, en surmontant leur pluralité désordonnée et désorientante : les coutumes sont nombreuses, variables, souvent divergentes et contradictoires (les coutumes d’une population ou d’une période historique s’opposent aux coutumes d’autres sociétés et d’autres périodes), alors que la culture désigne une capacité, une dimension, un niveau unificateur. Dans son Essai sur les mœurs (1756), Voltaire a clairement distingué le plan de la « nature », dont dépend l’unité du genre humain, de celui de la « culture », où les coutumes sont produites avec toute leur variété : « ainsi le fonds est partout le même », tandis que « la culture produit des fruits divers », et les fruits sont précisément les coutumes. Comme on peut le constater, il ne s’agit pas uniquement d’opposer l’uniformité d’une part (la nature) et l’hétérogénéité d’autre part (les coutumes). En regroupant les coutumes, Voltaire suggère également une relation selon laquelle le « fonds » est le terrain biologique, celui de la nature humaine, tandis que la culture indique le traitement de ce terrain et, en même temps, les fruits qui en découlent. Tant qu’on ne parle que de coutumes, on se contente de constater la pluralité et l’hétérogénéité des « fruits ». En introduisant le terme culture, ces fruits sont rassemblés dans une catégorie qui les inclut tous et qui contribue à leur donner un sens, bien au-delà de leur apparente étrangeté et bizarrerie : bien qu’étranges et bizarres, ils sont en réalité le produit d’une activité appliquée au terrain commun à toutes les sociétés humaines. Partout, les êtres humains travaillent et transforment l’environnement dans lequel ils vivent, mais ils travaillent, transforment et cultivent aussi la nature dont ils sont faits. Appliquée aux coutumes, la culture est donc à la fois ce travail continu et les produits qui en découlent. En d’autres termes, nous ne pouvons plus nous contenter d’être frappés par l’étrangeté des coutumes et les attribuer à une condition d’ignorance et aux superstitions : si les coutumes sont une culture, elles doivent être rapportées à un travail effectué partout, mais dont les résultats sont sans aucun doute étranges et hétérogènes. Il s’agit en tout cas d’un travail auquel chaque société est dédiée dans n’importe quel coin du monde. Nous ne voulons pas proposer ici une histoire du concept de culture. Mais après avoir mentionné l’innovation du concept de culture datant du XVIIIe siècle – c’est-à-dire le passage du sens philosophique (cultura animi ou culture de la raison) à un sens anthropologique (coutumes en tant que culture) –, on ne peut oublier que quelques décennies après l’Essai sur les mœurs (1756) de Voltaire, Johann Gottfried Herder, dans son Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit (1784-1791), fournit une définition de la culture digne d’être valorisée et soutenue par l’anthropologie deux siècles plus tard. Herder ne se limite pas à étendre la culture (Kultur) bien au-delà de l’Europe des Lumières, au-delà des sociétés de l’écriture (même les habitants de la Terre de Feu « ont des langages et des concepts, des techniques et des arts qu’ils ont appris, comme nous les avons appris nous-mêmes et, par conséquent, eux aussi sont vraiment inculturés »), mais il cherche le sens profond du travail incessant de la Kultur (1991). Pourquoi, partout, aux quatre coins du monde, les humains se consacrent-ils constamment à la formation de leur corps et de leur esprit (Bildung)? La réponse de Herder est dans le concept de l’homme en tant qu’être biologiquement défectueux (Mängelwesen), en tant qu’être qui a besoin de la culture pour se compléter : le but de la culture est précisément de fournir, selon différentes conditions historiques, géographiques et sociales, une quelque forme d’humanité. Selon Herder, la culture est « cette seconde genèse de l’homme qui dure toute sa vie » (1991). La culture est la somme des tentatives, des efforts et des moyens par lesquels les êtres humains « de toutes les conditions et de toutes les sociétés », s’efforcent d’imaginer et de construire leur propre humanité, de quelque manière qu’elle soit comprise (1991). La culture est l’activité anthropo-poïétique continue à laquelle les êtres humains ne peuvent échapper. Tel est, par exemple, le propre du rituel qui réalise la deuxième naissance, la véritable, celle de l’acteur/actrice social/e, comme dans les rites d’initiation ou la construction des rapports sociaux de sexe. La culture correspond aux formes d’humanité que les acteurs sociaux ne cessent de produire. Le but que Herder pensait poursuivre était de rassembler les différentes formes d’humanité en une seule connaissance généralisante, une « chaîne de cultures » qui, du coin du monde qu’est l’Europe des Lumières « s’étend jusqu’au bout de la terre » (1991). On peut soutenir que dans les quelques décennies de la seconde moitié du XVIIIe siècle, on avait déjà posé les bases d’un type de connaissance auquel on allait donner plus tard le nom d’anthropologie culturelle. Parmi ces prémisses, il y avait le nouveau sens du terme culture. Cependant, il faut attendre plus d’un siècle pour que ceux qui allaient être appelés anthropologues reprennent ce concept et en fassent le fondement d’une nouvelle science. La « science de la culture » est en fait le titre du chapitre I de Primitive Culture (1871) d’Edward Burnett Tylor, chapitre qui commence par la définition de la culture connue de tous les anthropologues : « Le mot culture ou civilisation, pris dans son sens ethnographique le plus étendu, désigne ce tout complexe comprenant à la fois les sciences, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes et les autres facultés et habitudes acquises par l’homme dans l’état social (Tylor1920). » Dans cette définition, les points suivants peuvent être soulignés : premièrement, la culture est un instrument qui s’applique de manière ethnographique à toute société humaine; deuxièmement, elle intègre une pluralité d’aspects, y compris les coutumes, de manière à former un « ensemble complexe »; troisièmement, les contenus de cet ensemble sont acquis non par des moyens naturels, mais par des relations sociales. Dans cette définition, la distinction – déjà présente chez Voltaire – entre le plan de la nature et le plan de la culture est implicite; mais à présent, le regard se porte avant tout sur la structure interne de la culture, sur les éléments qui la composent et sur la nécessité d’ancrer la culture, détachée de la nature, au niveau de la société. Il initie un processus de formation et de définition d’un savoir qui, grâce au nouveau concept de culture, revendique sa propre autonomie. La première fonction de la culture est en fait de faire voir le territoire réservé à la nouvelle science : un vaste espace qui coïncide avec tous les groupes humains, des communautés les plus restreintes et les plus secrètes aux sociétés qui ont dominé le monde au cours des derniers siècles. Mais jusqu’à quel point ce concept est-il fiable, solide et permanent, de sorte qu’il puisse servir de fondement au nouveau savoir anthropologique? On pourrait dire que les anthropologues se distinguent les uns des autres sur la base des stratégies qu’ils adoptent pour rendre le concept de culture plus fiable, pour le renforcer en le couplant avec d’autres concepts, ou, au contraire, pour s’en éloigner en se réfugiant derrière d’autres notions ou d’autres points de vue considérés plus sûrs. La culture a été un concept novateur et prometteur, mais elle s’est aussi révélée perfide et dérangeante. On doit réfléchir aux deux dimensions de la culture auxquelles nous avons déjà fait allusion: le travail continu et les produits qui en découlent. Les anthropologues ont longtemps privilégié les produits, à commencer par les objets matériels, artistiques ou artisanaux : les vitrines des musées, avec leur signification en matière de description et de classification, ont suggéré un moyen de représenter les cultures, et cela même lorsque les anthropologues se sont détachés des musées pour étudier les groupes humains en « plein air », directement sur le terrain. Quelles étaient, dans ce contexte, les coutumes, sinon les « produits » de la culture sur le plan comportemental et mental? Et lorsque la notion de coutume a commencé à décliner, entraînant avec elle le sens d’un savoir dépassé, la notion de modèle – les modèles de culture – a dominé la scène. Saisir des modèles dans n’importe quel domaine de la vie sociale – de la parenté à la politique, de la religion au droit, de l’économie à l’art, etc. – ne correspondait-il pas à une stratégie visant à construire, dans un but descriptif et analytique, quelque chose de solide, de répétitif et de socialement répandu, bref, un système capable de se reproduire dans le temps? Ce faisant, on continuait à privilégier les produits avec leur continuité et leur lisibilité au détriment du travail continu et obscur de la culture, de son flux presque insaisissable et imprévisible. Nous pensons par exemple à la quantité incroyable et chaotique de gestes, mots, idées, émotions qui se succèdent, se chevauchent, se croisent et se mélangent dans chaque moment de la vie individuelle et collective. Le sentiment que les produits toujours statiques et achevés de la culture priment sur sa partie la plus significative et la plus dynamique (une sorte de matière ou d’énergie obscure), devient un facteur de frustration et de perturbation pour l’entreprise anthropologique. À cet égard, les anthropologues ont adopté plusieurs voies de sortie, notamment : la tendance à réifier la culture, ce qui lui confère une solidité presque ontologique (c’est le cas d’Alfred L. Kroeber 1952); l’intention de réduire sa portée et de l’ancrer ainsi dans une réalité plus cohérente et permanente, telle que pourrait être la structure sociale dans ses diverses articulations (Alfred Radcliffe-Brown 1968 et plus largement l’anthropologie sociale); la tentative de capturer dans les manifestations apparemment plus libres et arbitraires de la culture, que peuvent être les mythes, l’action de structures mentales d’un ordre psycho-biologique (Claude Lévi-Strauss 1958 et 1973 et plus largement le structuralisme). Plus récemment, la méfiance envers la culture a pris la forme même de son refus, souvent motivé par une clef politique. Comment continuer à s’appuyer sur la culture, si elle assume désormais le rôle de discrimination autrefois confié à la race? Plus la culture devient un terme d’usage social et politique, identifié ou mélangé à celui d’identité et se substituant à celui de race, plus des anthropologues ont décrété son caractère fallacieux et ont pensé à libérer la pensée anthropologique de cet instrument devenu trop dangereux et encombrant. Lila Abu-Lughod écrit en 1991 un essai intitulé Against Culture et les critiques du concept de culture refont surface dans le texte d’Adam Kuper, Culture, 1998 et 1999. Mais si l’anthropologie doit se priver de ce concept, par quoi le remplacera-t-elle? Est-il suffisant de se contenter de « pratiques » et de « discours » qu’Abu-Lughod a puisés chez Michel Foucault (1966)? C’est une chose de critiquer certains usages de la notion de culture, tels que ceux qui tendent à la confondre avec l’identité, c’en est une autre d’accepter le défi que ce concept présente à la fois par son caractère fluide et manipulable, et par les expansions fertiles dont il est capable. Par « pratique » et « discours », réussirons-nous, par exemple, à suivre l’expansion de la culture vers l’étude du comportement animal et à réaliser que nous ne pouvons plus restreindre la « science de la culture » dans les limites de l’humanité (Lestel 2003)? Presque dans le sens opposé, la culture jette également les bases de la recherche ethnographique au sein des communautés scientifiques, une enquête absolument décisive pour une anthropologie qui veut se présenter comme une étude du monde contemporain (Latour et Woolgar 1979). Et quel autre concept que celui de culture pourrait indiquer de manière appropriée le « tout complexe » (complex whole) de la culture globale (Hamilton 2016)? Qu’est-ce que l’Anthropocène, sinon une vaste et immense culture qui, au lieu d’être circonscrite aux limites de l’humanité, est devenue une nouvelle ère géologique (Zalasiewicz et al. 2017)? Bref, la « science de la culture », formulée en 1871 par Edward Tylor, se développe énormément aujourd’hui : la culture est l’utilisation de la brindille comme outil de capture des termites par le chimpanzé, de même qu’elle correspond aux robots qui assistent les malades, aux satellites artificiels qui tournent autour de la Terre ou aux sondes envoyées dans le plus profond des espaces cosmiques. Ces expansions de la culture sont sans aucun doute des sources de désorientation. Au lieu de se retirer et de renoncer à la culture, les anthropologues culturels devraient accepter ce grand défi épistémologique, en poursuivant les ramifications de cette notion ancienne, mais encore vitale, dynamique et troublante.
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Singleton, Michael. "Culte des ancêtres." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.092.

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Abstract:
Les plus observateurs de la première génération de missionnaires, de militaires et de marchands européens à avoir sillonné l’Afrique des villages avaient souvent remarqué qu’à proximité de la maisonnée tôt le matin leur vénérable hôte versait dans un tesson de canari, parfois logé à l’intérieur d’un modeste édicule, un peu de bière ou y laissait un morceau de viande tout en s’adressant respectueusement à un interlocuteur invisible. La plupart de ces ethnographes amateurs de la première heure ont automatiquement conclu qu’il s’agissait d’un rite d’offrande sacrificielle accompli par un prêtre sur l’autel d’un petit temple où étaient localisés des esprits d’ancêtres (qu’on distinguait des purs esprits ancestraux). A leurs yeux judéo-chrétiens et gréco-latins, ce culte répondait à une religiosité primitive axée autour de la croyance dans la survie (immatérielle) des âmes (immortelles) qui, implorées en prière par les vivants, pouvaient, grâce à Dieu, venir en aide aux leurs. The medium is the message En inventoriant et analysant ainsi le phénomène en des termes sacrés on ne pouvait pas tomber plus mal ou loin d’une plaque phénoménologique qu’en l’absence in situ de la dichotomie occidentale entre le naturel et le surnaturel, on ne saurait même pas décrire comme « profane ». Emportés par des préjugés ethnocentriques peu problématisés, même des anthropologues occidentaux ou occidentalisés (mais y en a-t-il d’autres ?), ont désigné comme « le culte religieux des esprits ancestraux » une philosophie et pratique indigènes qui, au ras des pâquerettes phénoménologiques, ne représentaient que l’expression conceptuelle et cérémonielle des rapports intergénérationnels tels que vécus dans un certain mode historique de (re)production agricole. Préprogrammés par leur héritage chrétien, même s’ils n’y croyaient plus trop, les premiers observateurs occidentaux de la scène africaine se sont sentis obligés d’y localiser une sphère du sacré et du religieux bien distincte d’autres domaines clôturés par leur culture d’origine dont, entre autres, l’économique, le social ou le politique. Je parle des seuls Européens à l’affut savant et non sectaire des traits univoques d’une religiosité universelle qu’ils estimaient relever d’une nature religieuse censée être commune à tous les hommes. Car il faut passer sous le silence qu’ils méritent les Occidentaux qui, en laïques rabiques ou croyants fondamentalistes traitaient ce qu’ils voyaient de stupidités sauvages voire de superstitions sataniques. Néanmoins, faisons écho du meilleur des ethnographes ecclésiastiques qui ont cru bon de voir dans le phénomène des relents soit d’une Révélation Primitive (Uroffenbarung) soit des jalons vers la vraie Foi. Car en filigrane dans le mânisme (un terme savant renvoyant aux mânes des foyers romains) ils pensaient pouvoir lire la croyance en le monothéisme et en l’immortalité individuelle ainsi que le pendant de l’intercession médiatrice entre les Saints voire des Ames du Purgatoire et Dieu – autant de dogmes du XIXe siècle auxquels désormais peu de Chrétiens critiques souscrivent et qui, de toute évidence ethnographique n’avaient aucun équivalent indigène. L’anthropologie n’est rien si ce n’est une topologie : à chaque lieu (topos) sa logique et son langage. Or, d’un point de vue topographique, le lieu du phénomène qui nous préoccupe n’est ni religieux ni théologique dans le sens occidental de ces termes, mais tout simplement et fondamentalement gérontologique (ce qui ne veut pas dire « gériatrique » !). En outre, son langage et sa logique relèvent foncièrement de facteurs chronologiques. A partir des années 1950, je me suis retrouvé en Afrique venant du premier Monde à subir les conséquences sociétales d’un renversement radical de vapeur chronologique. Depuis l’avènement de la Modernité occidentale les acquis d’un Passé censé absolument parfait avaient perdu leur portée paradigmatique pour être remplacés par l’espoir d’inédits à venir – porté par les résultats prometteurs d’une croissance exponentielle de la maitrise technoscientifique des choses. Au Nord les jeunes prenant toujours davantage de place et de pouvoir, les vieillissants deviennent vite redondants et les vieux non seulement subissent une crise d’identité mais font problème sociétal. C’est dire que dans le premier village africain où en 1969 je me suis trouvé en « prêtre paysan » chez les WaKonongo de la Tanzanie profonde j’avais d’abord eu mal à encaisser la déférence obséquieuse des jeunes et des femmes à l’égard de ce qui me paraissait la prépotence prétentieuse des vieux. Les aînés non seulement occupaient le devant de la scène mais se mettaient en avant. Toujours écoutés avec respect et jamais ouvertement contredits lors des palabres villageois, ils étaient aussi les premiers et les mieux servis lors des repas et des beuveries. Un exemple parmi mille : en haranguant les jeunes mariés lors de leurs noces il n’était jamais question de leur bonheur mais de leurs devoirs à l’égard de leurs vieux parents. Mais j’allais vite me rendre compte que sans le savoir-faire matériel, le bon sens moral et la sagesse « métaphysique » des aînés, nous les jeunes et les femmes de notre village vaguement socialiste (ujamaa) nous ne serions pas en sortis vivants. Les vieux savaient où se trouvaient les bonnes terres et où se terrait le gibier ; ils avaient vécu les joies et les peines de la vie lignagère (des naissances et des funérailles, des bonnes et des mauvaises récoltes, des périodes paisibles mais aussi des événements stressants) et, sur le point de (re)partir au village ancestral tout proche (de rejoindre le Ciel pour y contempler Dieu pour l’Eternité il n’avait jamais été question !) ils étaient bien placés pour négocier un bon prix pour l’usufruit des ressources vitales (la pluie et le gibier, la fertilité des champs et la fécondité des femmes) avec leurs nus propriétaires ancestraux. En un mot : plus on vieillit dans ce genre de lieu villageois, plus grandit son utilité publique. Si de gérontocratie il s’agit c’est à base d’un rapport d’autorité reconnu volontiers comme réciproquement rentable puisque dans l’intérêt darwinien de la survie collective et aucunement pour euphémiser une relation de pouvoir injustement aliénant. La dichotomie entre dominant et dominé(e) est l’exception à la règle d’une vie humaine normalement faite d’asymétries non seulement acceptées mais acceptables aux intéressé(e)s. Les WaKonongo ne rendaient pas un culte à leurs ancêtres, ils survivaient en fonction d’un Passé (personnifié ou « fait personne » dans les ainés et les aïeux) qui avait fait ses preuves. Pour être on ne saurait plus clair : entre offrir respectueusement les premières calebasses de bière aux seniors présents à une fête pour qu’ils ne rouspètent pas et verser quelques gouttes du même breuvage dans un tesson pour amadouer un ancêtre mal luné et fauteur de troubles et qu’on a fait revenir du village ancestral pour l’avoir à portée de main, n’existe qu’une différence de degré formel et aucunement de nature fondamentale. Dans les deux cas il s’agit d’un seul et même rapport intergénérationnel s’exprimant de manière quelque peu cérémonieuse par des gestes de simple politesse conventionnelle et aucunement d’une relation qui de purement profane se transformerait en un rite religieux et profondément sacré. Pour un topologue, le non-lieu est tout aussi éloquent que le lieu. Dans leurs modestes bandes, les Pygmées vivent entièrement dans le présent et dans l’intergénérationnel acceptent tout au plus de profiter des compétences effectives d’un des leurs. Il ne faut pas s’étonner qu’on n’ait trouvé chez eux la moindre trace d’un quelconque « culte des ancêtres ». Cultivant sur brûlis, allant toujours de l’avant de clairière abandonnée en clairière défrichée les WaKonongo, voyageant légers en d’authentiques nomades « oubliaient » leurs morts derrière eux là où des villageois sédentaires (à commencer par les premiers de l’Anatolie) les avaient toujours lourdement à demeure (ensevelis parfois dans le sous-sol des maisons). Le passage d’un lieu à un lieu tout autre parle aussi. Quand le savoir commence à passer sérieusement à la génération montante celle-ci revendique sa part du pouvoir et de l’avoir monopolisés jusqu’alors par la sortante. En l’absence d’un système de sécurité sociale dépassant la solidarité intergénérationnelle du lignage cette transition transforme souvent la portée intégratrice de la gérontocratie en une structure pathogène. Aigris et inquiets par cette évolution, les vieux que j’ai connu au milieu des années 1980 dans des villages congolais, de bons et utiles « sorciers » s’étaient métamorphosés en vampires anthophages. Dans des contextes urbains des pays où l’Etat est faible et la Famille par nécessité forte, l’enracinement empirique du phénomène bien visible au point zéro du petit village d’agriculteurs sédentaires, se trouve parfois masqué par des expressions fascinantes (tels que, justement, les ancêtres superbement masqués que j’ai côtoyé chez les Yoruba du Nigeria) ou à l’occasion folkloriques – je pense aux Grecs qui vont pique-niquer d’un dimanche sur les tombes familiales ou aux vieillards que j’ai vu en Ethiopie terminant leur vie au milieu des monuments aux morts des cimetières. Mais la raison d’être du phénomène reste familial et ne relève pas (du moins pas dans sa version initiale) d’une rationalité qui serait centrée « religieusement » sur des prétendues réalités onto-théologiques qui auraient pour nom Dieu, les esprits, les âmes. Enfin, sur fond d’une description réaliste mais globale du religieux, deux schémas pourraient nous aider à bien situer l’identité intentionnelle des différents interlocuteurs ancestraux. En partant du latin ligare ou (re)lier, le religieux en tant que le fait de se retrouver bien obligé d’interagir avec des interlocuteurs autres que purement humains (selon le vécu et le conçu local de l’humain), a lieu entre l’a-religieux du non rapport (donnant-donnant) ou du rapport à sens unique (le don pur et simple) et l’irréligieux (le « Non ! » - entre autre du libéralisme contractuel - à tout rapport qui ne me rapporte pas tout). Si le gabarit des interlocuteurs aussi bien humains que supra-humains varie c’est que la taille des enjeux dont ils sont l’expression symbolique (« sacramentaires » serait mieux puisqu’une efficacité ex opere operato y est engagée) va du local au global. Quand le réel est intra-lignager (maladie d’enfants, infertilité des femmes dans le clan) la solution symbolique sera négociée avec l’un ou l’autre aïeul tenu pour responsable. Par contre, quand le signifié (sécheresse, pandémie) affecte indistinctement tous les membres de la communauté, le remède doit être trouvé auprès des personnifications plus conséquentes. Ces phénomènes faits tout simplement « personnes » (i.e. dotés du strict minimum en termes de compréhension et de volonté requis pour interagir) avaient été identifiés autrefois avec le « dieu de la pluie » ou « l’esprit de la variole » mais mal puisque les épaisseurs ethnographiques parlaient ni de religion ou de théologie ni d’opposition entre matière et esprit, corps et âme, Terre et Ciel. Une communauté villageoise est fondamentalement faite de groupes lignagers – représentés par les triangles. En cas de malheurs imprévus (en religiosité « primitive » il est rarement question de bonheur attendu !) l’aîné du clan devinera qui en est responsable (un sorcier, un ancêtre ou « dieu » - nom de code personnalisé pour la malchance inexplicable). Il prendra ensuite les dispositions s’imposent –le cas échéant relocalisant à domicile un aïeul mauvais coucheur. Leurs ancêtres n’étant pas concernés, les patriarches de lignages voisins se montreront tout au plus sympathiques. La ligne du milieu représente le pouvoir ou mieux l’autorité du conseil informel des notables. Si, en haut de la pyramide, le chef figure en pointillé c’est qu’il n’a aucun rôle proprement politique mais fonctionne comme médiateur entre les villageois et les nus propriétaires ancestraux en vue de l’usufruit collectif de leurs ressources vitales (en particulier la pluie). En invoquant ses ancêtres, il remédiera aussi à des problèmes affectant tout le monde (la sécheresse, une épidémie, des querelles claniques, menace ennemi). En partant de l’étymologie ligare ou « lier » j’entends par « être religieux » le fait de se (re)trouver obligé en commun à interagir de manière cérémonielle mais asymétrique, avec des interlocuteurs à l’identité plus qu’humain (tel que défini selon la logique locale), afin de satisfaire des intérêts réciproques et pas d’alimenter la curiosité intellectuelle, alors la spirale représente le réseau des rapports proprement religieux. Dans ce sens on peut penser que les vivants villageois se comportent « religieusement » avec les morts vivants du lignage ou de l’ensemble ethnique. Autour de la ligne médiane ont lieu les relations entre hommes, elles aussi à la limite religieuses – délimitées, à droite, par l’a-religieux de l’étranger vite devenu l’ennemi à qui on ne doit rien et qui peut tout nous prendre, et, à gauche, par l’irréligieux de l’adversaire du dedans tel que le sorcier parmi les vôtres qui vous en veut à mort. En bas, il y a le monde dit par l’Occident, animal, végétal et minéral mais qui fait partie intégrante de la religion animiste. En haut se trouve un premier cercle d’interlocuteurs religieux ceux impliqués dans des affaires claniques. Plus haut, constellant l’ultime horizon religieux, on rencontre des interlocuteurs personnifiant des enjeux globaux – la pluie, le gibier, des pandémies… Logiquement, puisqu’elle n’est pas négociable, les Africains ont localisé hors toute réciprocité religieuse, une figure des plus insaisissables – de nouveau mal décrit comme deus otiosus puisqu’elle n’a rien de théologique et n’est pas tant inoccupé que peu préoccupé par le sort humain. Trois diapositives illustrent les trois types d’interlocuteurs : 1. Des édicules pour fixer à côté de la maisonnée des ancêtres lignagers et faciliter les échanges intéressés avec eux ; 2. Un tombeau royal associé grâce à la houe cérémoniale à la pluie ; 3. Un « temple » à la croisée des chemins en brousse où siège le Seigneur de la Forêt et les Animaux.
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