Zerbini, Micol. "Impact des métaux radioactifs sur les écosystèmes marins : spéciation in vivo et mécanismes moléculaires de leur accumulation par les algues brunes." Electronic Thesis or Diss., Université Côte d'Azur, 2025. http://www.theses.fr/2025COAZ5013.
Abstract:
Les déchets radioactifs, principalement issus de l'industrie nucléaire et des essais d'armes, ont entraîné une contamination environnementale importante. Les océans, couvrant 70 % de la surface terrestre, sont le principal réservoir de polluants, y compris des radionucléides, menaçant la vie marine et la santé humaine. L'étude des mécanismes biochimiques à l'origine de l'accumulation de ces éléments reste complexe, en particulier chez des organismes écologiquement pertinents comme les algues brunes, souvent utilisées comme bioindicateurs. Cette thèse étudie l'accumulation de radionucléides dans Ascophyllum nodosum, une macro-algue brune choisie pour sa pertinence écologique et sa capacité à bioaccumuler les ions métalliques. L'étude cible l'uranium (actinide naturel), l'américium (élément anthropogénique) et l'europium, (analogue chimique de l'américium). Trois questions clés sont abordées : comment ces radionucléides sont-ils bioaccumulés, où sont-ils localisés et quelles biomolécules sont responsables de leur accumulation. Une approche mécanistique multi-échelle, aux niveaux macroscopique, cellulaire et moléculaire a été développée, combinant des études biocinétiques, de l'imagerie et des analyses de spéciation. Une étude biocinétique de l'accumulation et du relargage des radionucléides par l'algue a été effectuée au moyen d'expériences de contamination avec des concentrations allant de 10-4 M pour l'U (VI), 10-7 M pour l'Eu (III), à 10-12 M pour l'Am (III). Pour l'uranium, les études de contamination ont révélé une bioaccumulation active dans les algues vivantes avec une compartimentalisation entre les tissus : les réceptacles (organes reproducteurs) ont montré la plus forte accumulation d'uranium (Facteur de Concentration - CF ~ 49), tandis que les branches et le thalle n'en ont retenu que des quantités minimes. Pour l'américium et l'europium, l'étude biocinétique a révélé des tendances cohérentes, confirmant que l'europium peut être utilisé dans ce contexte comme un analogue de l'américium. Contrairement à l'uranium, l'europium a présenté une accumulation homogène entre les tissus des algues (CF~1100). À l'échelle microscopique, des outils d'imagerie avancés ont été utilisés pour cartographier la distribution de l'uranium dans les tissus d'algues. Une absorption superficielle a été observée dans le thalle, les branches et les réceptacles mâles, tandis que des zones localisées à forte concentration d'uranium ont été observées dans les cellules d'œufs des conceptacles femelles. À l'échelle moléculaire, les études de spéciation par spectroscopie d'absorption des rayons X (XAS) ont montré que l'uranium forme des complexes uranyle-alginate dans les branches de l'algue et des complexes uranyle-phosphates (pseudo-autunite) dans les réceptacles mâles, qui probablement se forment sous l'influence des bactéries de surface. Dans les réceptacles femelles, l'uranium semble être chélaté par des protéines phosphorylées, ce qui met en évidence des mécanismes de séquestration distincts selon le sexe. Pour l'europium et, par extension, l'américium, les analyses de spéciation ont identifié des complexes europium-carboxylate, indiquant les polysaccharides comme potentiels agents chélateurs dans les tissus des algues. Cette thèse contribue à approfondir notre compréhension du comportement des radionucléides dans les écosystèmes marins et offre un aperçu des mécanismes de bioaccumulation mis en œuvre par les macro-algues brunes. Les résultats mettent en lumière des applications potentielles pour la surveillance et la remédiation de la pollution par les métaux radioactifs<br>Legacy radioactive waste, primarily from the early development of the nuclear industry and weapon test, has resulted in significant environmental contamination. Oceans, covering 70% of Earth's surface, serve as the primary reservoir for pollutants, including metallic radionuclides, which pose a threat for both marine organisms and human health. Studies on the biochemical mechanisms driving the accumulation of radioelements remain limited and underexplored, particularly in ecologically relevant organisms such as brown algae, which are widely used as biomonitoring species. This thesis investigates the accumulation of radionuclides in Ascophyllum nodosum, a brown macroalga selected for its ecological relevance and its ability to bioaccumulate metal ions. The study focuses on uranium, a naturally occurring actinide, americium, an anthropogenic derived element and europium, used as a chemical surrogate for americium. This work addresses three key questions: how radionuclides are bioaccumulated, where they are localized within the alga and which biomolecules are responsible for their uptake. A multi-scale mechanistic approach at the macroscopic, cellular and molecular levels was developed, combining biokinetic studies, imaging, and speciation analyses. A biokinetic study of radionuclide accumulation and release by the alga was conducted through contamination experiments with concentrations ranging from 10-4 M for U(VI), 10-7 M for Eu (III), to 10-12 M for Am (III). For uranium, contamination studies revealed active bioaccumulation in living algae, with compartmentalization across tissues. Receptacles (reproductive organs) exhibited the highest uranium accumulation (Concentration Factor - CF ~ 49), while branches and thallus retained minimal amounts. For americium and europium, the biokinetic study revealed consistent trends, confirming that europium can be used in this context as an analogue for americium. Unlike uranium, europium showed homogeneous accumulation across algal tissues (CF ~1100). At the microscopic scale, advanced imaging tools were used to map uranium distribution within algal tissues. Superficial absorption was observed in the thallus, branches and male receptacles, while localized areas of high uranium concentration were detected in the egg cells of female conceptacles.At the molecular scale, speciation studies using X-ray Absorption Spectroscopy (XAS) revealed that uranium forms uranyl-alginate complexes in the branches and uranyl-phosphate complexes (pseudo-autunite) in the male receptacles, likely influenced by surface bacteria. In female receptacles, uranium appears to be chelated by phosphorylated proteins, highlighting distinct gender-specific sequestration mechanisms. For europium and, by extension, americium, speciation analyses identified europium-carboxylate complexes, suggesting that polysaccharides may act as potential chelating agents in algal tissues.This thesis enhances our understanding of radionuclide behavior in marine ecosystems and provides insights into the bioaccumulation mechanisms employed by brown macroalgae. The findings highlight potential applications for monitoring and remediating pollution by radioactive metals