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Journal articles on the topic 'Sciences sociales – Méthodologie – États-Unis'

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1

Bowen, Norman. "Profession et pouvoir en sciences sociales aux États-Unis." L Homme et la société 97, no. 3 (1990): 83–101. http://dx.doi.org/10.3406/homso.1990.2490.

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2

Dubreuil, Benoît. "L’individualisme de Jon Elster : une position méthodologique ou ontologique1 ?" Étude critique 37, no. 2 (January 11, 2011): 509–26. http://dx.doi.org/10.7202/045198ar.

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Abstract:
En épistémologie des sciences sociales, Jon Elster est connu pour sa défense de l’individualisme méthodologique et sa critique des explications de haut niveau. Cette note critique la plus récente formulation de sa position (Explaining Social Behavior, Cambridge University Press, 2007). D’une part, nous montrons que les problèmes relatifs aux explications au niveau agrégé s’appliquent également aux explications en termes de mécanismes psychologiques, privilégiées par Elster. Si les mécanismes psychologiques contribuent à l’explication en sciences sociales, ce n’est pas parce qu’ils font explicitement référence à des états intentionnels, mais parce qu’ils rendent mieux compte que les autres hypothèses de ce qui fait la différence entre deux faits ou événements. D’autre part, nous soutenons que l’individualisme ne doit pas servir d’idéal régulateur dans la recherche en sciences sociales. Si l’explication des comportements individuels est souvent essentielle pour produire une bonne explication, il existe des situations où elle est susceptible de nuire à la qualité de celle-ci en introduisant des éléments inadéquats.
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3

Wright, Gavin. "Les Fondements Historiques de la Domination Economique Américaine." Annales. Histoire, Sciences Sociales 53, no. 3 (June 1998): 537–67. http://dx.doi.org/10.3406/ahess.1998.279684.

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Abstract:
La prééminence économique des États-Unis est l'un des traits marquants de l'histoire mondiale du 20e siècle. La domination américaine a été si nette et si évidente qu'elle semble souvent ne requérir aucune explication. L'historien Paul Kennedy écrit quant à lui, dans son étude très appréciée, The Rise and the Fall of the Great Powers:Les États-Unis semblaient posséder tous les avantages économiques dont certaines autres puissances détenaient une partie, mais ils ne comptaient aucun des handicaps de celles-ci… A la fin de la guerre de Sécession, les États-Unis ont pu exploiter, pour se transformer à une cadence stupefiante, les nombreux avantages dont ils étaient dotés: riches etendues cultivables, importantes quantites de matieres premieres, et possibilite de developper ces ressources grace a revolution particulierement heureuse de la technologie moderne (rail, machine a vapeur, equipement minier); faibles contraintes sociales ou geographiques ; absence de menace etrangere importante ; flux d'investissements etrangers et, progressivement, nationaux... Etant donne ces avantages, tout le processus de developpement etait virtuellement inévitable. C'est-à-dire que seule une opiniatre betise humaine, une guerre civile presque incessante ou une catastrophe naturelle auraient pu hypothequer cette expansion ou dissuader des millions d'immigrants de traverser l'Atlantique pour obtenir leur part d'or et grossir la main-d'œuvre.
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Beaudoin, Josée, and Chantale Mailhot. "Mieux comprendre la gestion de l’innovation : le cas d’un centre de liaison et de transfert en sciences sociales au Québec." Notes de recherche 13 (June 22, 2009): 147–54. http://dx.doi.org/10.7202/037511ar.

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Abstract:
Résumé Les recherches sur les partenariats entreprise-université reposent souvent sur l’étude de cas exemplaires aux États-Unis en haute technologie. Il apparaît intéressant d’investiguer ces relations de coopération dans des contextes différents de celui des Etats-Unis. Dans les petits pays, l’innovation implique souvent que la coopération entre des acteurs multiples est nécessaire pour que soient appropriées et mobilisées les connaissances scientifiques dans le champ économique. Dans cet article, nous examinerons comment a été organisée et géré, par un centre de liaison et de transfert québécois, un projet de recherche impliquant des acteurs de plusieurs milieux. L’examen des leçons tirées de l’expérience d’un centre de liaison et de transfert montre que les partenariats peuvent appuyer le changement social, mais que la recherche en collaboration nécessite l’instauration de nouveaux outils et dispositifs institutionnels.
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Renisio, Yann. "Faire science. Le « durcissement » des sciences sociales par la National Science Foundation (États-Unis, 1945-1957)." Revue d'histoire des sciences humaines, no. 31 (November 20, 2017): 43–65. http://dx.doi.org/10.4000/rhsh.407.

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6

Green, Nancy L. "Religion et ethnicité De la comparaison spatiale et temporelle." Annales. Histoire, Sciences Sociales 57, no. 1 (February 2002): 127–44. http://dx.doi.org/10.3406/ahess.2002.280031.

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Abstract:
RésuméLes États-Unis et la France sont deux pays d’immigration qui parlent de leurs immigrés de façon différente. « Ethnicité » et « religion » sont devenues des catégories hautement médiatisées mais aussi utilisées en sciences sociales dans ces deux pays. L’Autre est perçu de manière différente dans ces deux sociétés mais, sans la comparaison, les catégories semblent n’être que de simples données explicatives. Comparer l’image de l’Autre dans deux pays permet de mieux questionner à la fois les catégories et la façon dont celles-ci sont déployées dans le temps et l’espace.
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Spenlehauer, Vincent. "L'ancrage de l'évaluation des politiques publiques dans les sciences sociales aux états unis : reconstruction d'un linéament intellectuel." Revue française d'administration publique 148, no. 4 (2013): 877. http://dx.doi.org/10.3917/rfap.148.0877.

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8

Lessard, Claude. "Le débat américain sur la certification des enseignants et le piège d’une politique éducative « evidence-based »." Dossier thématique 32, no. 1 (August 31, 2006): 31–52. http://dx.doi.org/10.7202/013475ar.

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Abstract:
Résumé Une démarche de type « evidence-based policy » implique que soient mis en place des dispositifs de compilation de la recherche existante, un concept et des indicateurs de qualité de la recherche, et une compréhension ou une interprétation de ce que la recherche « dit » ou ne « dit pas ». Dans le cas des sciences humaines et sociales, cela est loin d’être évident, non seulement à cause des médiations idéologiques, mais aussi à cause de la difficulté des consensus sur des indicateurs de qualité de la recherche et du caractère incertain et incomplet du savoir des sciences sociales. Le présent article analyse le vif débat, présentement en cours aux États-Unis, à propos de la certification des enseignants du primaire et du secondaire.
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Turner, James, and Eli Commins. "Le concept de science dans l’Amérique du XIXe siècle." Annales. Histoire, Sciences Sociales 57, no. 3 (June 2002): 753–72. http://dx.doi.org/10.1017/s0395264900034946.

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Abstract:
RésuméLes historiens des États-Unis présument que le mot «science», au XIXe siècle, signifiait, implicitement, les sciences naturelles, tout comme au XXe siècle. Il en résulte qu’ils attribuent les changements profonds dans la vie intellectuelle à l’importance grandissante des sciences naturelles. Une lecture plus attentive montre que «science», avant 1900, avait un sens plus large, comprenant les sciences humaines tout autant que les sciences naturelles. Cette reconsidération de la carte épistémologique de l’Amérique du XIXe siècle apporte un éclairage nouveau sur les traits déterminants de la vie intellectuelle des années post-1900, tels que l’essor des sciences sociales, la formation des universités consacrées à la recherche et l’origine de la modernité séculaire elle-même.
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Lamouroux, Christian. "Longue durée et profondeurs chronologiques." Annales. Histoire, Sciences Sociales 70, no. 02 (June 2015): 359–65. http://dx.doi.org/10.1353/ahs.2015.0018.

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Abstract:
Résumé Cette brève contribution vise à replacer l’article de David Armitage et Jo Guldi dans un contexte historiographique élargi à l’histoire de la Chine, puisque Fernand Braudel prit garde dès l’origine de lier sa perspective de la longue durée à l’étude renouvelée des aires culturelles. En abordant les champs de l’histoire sociale et économique et, au-delà, des sciences sociales, les spécialistes de la Chine, en Europe comme aux États-Unis, déconstruisirent la trop longue durée de l’histoire chinoise en mettant en lumière son dynamisme, étouffé par ce qui n’était jusque-là qu’une « civilisation ». Ce mouvement a favorisé une heureuse spécialisation qui peut aujourd’hui s’appuyer sur des big data, construites en particulier dans l’entourage immédiat des deux auteurs.
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Usman, S. O., O. M. Ajayi, O. Ebiekura, N. Egbonrelu, G. Ebhojie, and A. O. Ariyo. "Evidence of virological failure in patients on second-line anti-retroviral therapy in Southwestern Nigeria: An indication for HIV drug resistance testing." African Journal of Clinical and Experimental Microbiology 22, no. 3 (July 2, 2021): 415–19. http://dx.doi.org/10.4314/ajcem.v22i3.13.

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Abstract:
Background: In sub-Saharan Africa where genotypic anti-retroviral (ARV) drug resistance testing is rarely performed and poor adherence is blamed for the inability to achieve viral suppression and treatment failure, programmatic approaches to preventing and handling these are essential. This study was aimed at assessing the virological outcomes among HIV patients receiving second-line anti-retroviral therapy (ART) in Southwestern Nigeria.Methodology: This was a 5-year observational retrospective study of randomly selected people living with HIV (PLWHIV) who have been switched to second-line ART for at least six months before the commencement of the study in multiple comprehensive ART sites across the three levels of care, in Ondo and Ekiti States, Southwestern Nigeria, from January 2015 to December 2019. Quantitative viral load analysis was done using polymerase chain reaction (PCR) assay. Data were analyzed using the Statistical Package for Social Sciences (SPSS) version 24.0.Results: A total of 249 (71 males and 178 females) subjects eligible for the study were recruited using simple random sampling technique. The mean age (± SD) of the subjects was 44.21 ± 11.45 years. The mean number of years the patients have been on ART regimen was 7.92 ± 2.68 years. The mean number of years the patients were on first line ART regimen before being switched to second line was 4.27 ± 2.63 years. Patients with viral load <1000 RNA copies/ml (suppressed viral load) were 216 (86.7%) out of which 113 (45.4%) had viral load <20 RNA copies/ml while 33 (13.3%) had viral load >1000 RNA copies/ml (unsuppressed viral load or virological failure).Conclusion: About 13% of the patients on second line ART had unsuppressed viral load of more than 1000 RNA copies/ml indicating virological failure. Thus, critical factors such as poor adherence to ART and drug resistance chiefly contributing to virological failure have to be routinely checked. Keywords: suppression, ART, resistance, virological, failure, Nigeria French title: Preuve d'échec virologique chez les patients sous traitement antirétroviral de deuxième intention dans le sud-ouest du Nigeria: une indication pour le test de résistance aux médicaments contre le VIH Contexte: En Afrique subsaharienne, où les tests génotypiques de résistance aux antirétroviraux (ARV) sont rarement effectués et où une mauvaise observance est imputée à l'incapacité d'obtenir la suppression virale et l'échec du traitement, des approches programmatiques pour les prévenir et les gérer sont essentielles. Cette étude visait à évaluer les résultats virologiques chez les patients VIH recevant un traitement antirétroviral (TAR) de deuxième intention dans le sud-ouest du Nigeria. Méthodologie: Il s'agissait d'une étude rétrospective d'observation de 5 ans portant sur des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sélectionnées au hasard et passées à un TAR de deuxième intention pendant au moins six mois avant le début de l'étude dans plusieurs sites de TAR complets aux trois niveaux. de soins, dans les États d'Ondo et d'Ekiti, dans le sud-ouest du Nigéria, de janvier 2015 à décembre 2019. L'analyse quantitative de la charge virale a été effectuée à l'aide d'un test de réaction en chaîne par polymérase (PCR). Les données ont été analysées à l'aide du logiciel Paquet statistique pour les sciences sociales (SPSS) version 24.0. Résultats: Un total de 249 (71 hommes et 178 femmes) sujets éligibles à l'étude ont été recrutés à l'aide d'une technique d'échantillonnage aléatoire simple. L'âge moyen (± ET) des sujets était de 44,21±11,45 ans. Le nombre moyen d'années pendant lesquelles les patients ont été sous traitement antirétroviral était de 7,92±2,68 ans. Le nombre moyen d'années pendant lesquelles les patients étaient sous traitement antirétroviral de première ligne avant de passer en deuxième ligne était de 4,27 ± 2,63 ans. Les patients avec une charge virale <1000 copies d'ARN/ml (charge virale supprimée) étaient 216 (86,7%) dont 113 (45,4%) avaient une charge virale <20 copies d'ARN/ml tandis que 33 (13,3%) avaient une charge virale >1000 ARN copies/ml (charge virale non supprimée ou échec virologique). Conclusion: Environ 13 % des patients sous TAR de deuxième ligne avaient une charge virale non supprimée de plus de 1000 copies d'ARN/ml indiquant un échec virologique. Ainsi, les facteurs critiques tels qu'une mauvaise adhésion au TARV et la résistance aux médicaments contribuant principalement à l'échec virologique doivent être systématiquement vérifiés. Mots clés: suppression, TAR, résistance, virologique, échec, Nigeria
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Dodier, Nicolas. "Les figures du chef et le mouvement de l’histoire." Annales. Histoire, Sciences Sociales 69, no. 01 (March 2014): 155–66. http://dx.doi.org/10.1353/ahs.2014.0034.

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Abstract:
Résumé L’article discute l’ouvrage récent d’Yves Cohen, Le siècle des chefs. Il pointe tout d’abord la portée d’un ouvrage qui réussit, d’une manière très originale et extrêmement documentée, à identifier un mouvement historique central pour comprendre le XXe siècle : l’émergence et le développement, dans plusieurs pays simultanément (Allemagne, États-Unis, France, Union soviétique), d’une « préoccupation collective » pour la figure du chef. L’article dis- cute ensuite les apports et les limites d’une approche qui identifie, derrière la variété des formules élaborées pour répondre à cette préoccupation collective, une nouvelle forme de pouvoir, au sens foucaldien du terme. L’article revient enfin sur la pragmatique du commandement développée dans l’ouvrage, et précise les perspectives ainsi ouvertes au carrefour de l’histoire et des autres sciences sociales.
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BLUME, Stuart S. "D’une perspective « extrinsèque » en sociologie de la science." Sociologie et sociétés 7, no. 1 (September 30, 2002): 9–28. http://dx.doi.org/10.7202/001074ar.

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Abstract:
Résumé L'auteur critique d'abord la perspective qui a prévalu jusqu'à aujourd'hui chez les sociologues Américains des sciences et plus particulièrement chez R. K. Merton et ses étudiants qui est de considérer les sciences comme un vaste sous-système social autonome : un certain nombre d'évidences empiriques (correspondance entre valeurs et normes de la science et valeurs politiques, base " particulariste " du système de récompenses, rôles politico-scientifiques des scientifiques des pays développés, politisation et syndicalisation des scientifiques, etc) montrent en effet que la prétention à l'autonomie est par trop inappropriée et ne peut se justifier à la lumière de ce que nous connaissons aujourd'hui. Il n'est donc pas possible au sociologue des sciences, principalement lorsqu'il étudie la science aux États-Unis ou dans d'autres pays occidentaux, d'ignorer l'influence des facteurs sociaux extrinsèques : son objectif premier est d'explorer les fonctions sociales comparables et changeantes de la science et de l'homme de science.
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LECAVALIER, Guy. "Les jeux de simulation dans l’enseignement de la sociologie." Sociologie et sociétés 3, no. 2 (September 30, 2002): 259–74. http://dx.doi.org/10.7202/001422ar.

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Abstract:
Résumé Les jeux de simulation ne sont pas en soi des nouveautés. Ils existent depuis longtemps et ont été utilisés par la plupart des gouvernements pour entraîner leurs militaires et faire des prédictions. Ce n'est cependant que depuis la Deuxième Guerre mondiale que les simulations ont commencé à se développer en sciences sociales et leur introduction à l'enseignement est fort récente. C'est aux États-Unis que cet intérêt pour les jeux à contexte simulé s'est d'abord et surtout répandu. Des chercheurs européens - en particulier d'Angleterre et de Norvège - et israéliens prennent aussi une part active dans l'élaboration des jeux de simulation. Comme le milieu francophone n'a pas encore été tellement touché par cette approche, ce texte, en plus d'être un examen du potentiel des jeux dans l'enseignement de la sociologie au niveau collégial et universitaire, examine l'état actuel des connaissances en ce domaine.
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Frieden, Marie-Cécile, Nils Graber, and Meriem M’zoughi. "Introduction." Emulations - Revue de sciences sociales, no. 27 (March 8, 2019): 7–14. http://dx.doi.org/10.14428/emulations.027.01.

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Abstract:
« Maladies chroniques » et « Suds » sont des termes rarement associés mais qui constituent le cœur des réflexions menées au sein de ce numéro thématique. Si la catégorie de maladie chronique connaît un essor aux États-Unis puis en Europe occidentale au cours du XXe siècle, elle n’est que faiblement mobilisée dans le champ de la santé mondiale. Renvoyant à la « victoire » de la médecine occidentale sur les maladies infectieuses, l’expansion des maladies chroniques est perçue comme la conséquence de l’industrialisation et des progrès socioéconomiques. Une abondante littérature en sciences sociales, notamment en sociologie, s’est développée au « Nord » à partir des années 1970 pour aborder la trajectoire des patients atteints de maladies au long cours. Leur prise en charge requiert de multiples formes d’adaptations des comportements individuels et des dispositifs institutionnels, ce qui tranche avec le modèle thérapeutique des maladies aigües – diagnostic, traitement, guérison.
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Diprete, Thomas A. "Trajectoires de niveau de vie des ménages et trajectoires de mobilité professionnelle : les écarts entre pays vont-ils dans le même sens ?" Sociologie et sociétés 35, no. 1 (June 15, 2004): 49–64. http://dx.doi.org/10.7202/008510ar.

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Abstract:
RésuméUn désaccord persiste chez les sociologues quant à savoir si la famille ou l’individu constitue l’« unité » théoriquement appropriée pour la recherche sur la stratification sociale, mais les deux parties sont généralement d’accord pour faire de la profession l’indicateur de la position sociale. Toutefois, à cause de différences entre les pays en ce qui concerne la présence des femmes sur le marché du travail, la stabilité des heures de travail, la stabilité des ménages ainsi que les politiques fiscales et sociales, les analyses comparatives de la mobilité professionnelle peuvent ne pas décrire adéquatement les écarts d’un pays à l’autre quant à la mobilité du niveau de vie des ménages au cours de leur trajectoire de vie. Des études sur la mobilité du niveau de vie aux États-Unis, en Allemagne et en Suède montrent qu’il y a entre ces pays une plus grande similitude que ne le laissent voir les études sur la mobilité professionnelle des hommes.
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Ouédraogo, Arouna P. "De la Secte Religieuse à L'Utopie Philanthropique: Genèse sociale du végétarisme occidental." Annales. Histoire, Sciences Sociales 55, no. 4 (August 2000): 825–43. http://dx.doi.org/10.3406/ahess.2000.279882.

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Abstract:
RésuméLoin d'être une philosophie homogène et cohérente, le végétarisme, entendu comme théorie et pratique d'une alimentation végétale, est un terme commode mais inexact. Appellation polémique, il constitue en fait un point de ralliement. Renvoyant à des courants de pensée différents, les végétarismes donnent lieu à des pratiques sanitaires et sociales differenciées. Les arguments varient historiquement en relation étroite avec les formations politiques et ideologiques auxquelles ils sont associés. Cet article, qui dresse la genèse sociale du végétarisme occidental, montre en l'occurrence que la secte religieuse en est le principal invariant, au moins à ses origines : de la fin du xvIIe siècle à la première moitié du xixe siécle environ, la diffusion du végétarisme en Angleterre, puis aux États-Unis, est motivée par le souci d'élever les âmes individuelles afin d'améliorer la société. La laïcisation du végétarisme, consécutive à la formation de la Société végétarienne anglaise en 1847, va de pair avec la sécularisation progressive de ses promoteurs, de plus en plus soucieux d'agir sur la santé physique des individus, comme moyen d'élargir la base sociale du végétarisme et de réformer la société.
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Beaud, Jean-Pierre. "Notes critiques sur l’histoire de la collecte de données statistiques." Notes critiques, no. 19 (December 11, 2008): 107–17. http://dx.doi.org/10.7202/040684ar.

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Abstract:
Résumé Alors que les appareils statistiques de France, de Grande-Bretagne et des États-Unis ont fait l'objet d'études souvent très fouillées, Statistique Canada et ses prédécesseurs n'ont pas vraiment jusqu'ici retenu l'attention des spécialistes des sciences sociales. Et pourtant l'expérience canadienne en matière de collecte de données statistiques est loin de n'être qu'un décalque des expériences américaine et britannique (pour ne prendre que celles qui, a priori, pouvaient fortement l'influencer). Un ouvrage comme Pour une histoire de la statistique, véritable encyclopédie consacrée à la production de l'information statistique en France et dans quelques pays d'Europe, devrait, du fait des très riches analyses qu'il renferme, susciter tout particulièrement l'intérêt des politologues d'ici. Des thèmes comme celui du lien entre construction de l'État et développement des instruments d'enquête, ou comme celui des rapports entre administration statistique et recensés, appartiennent sans contexte au champ de la science politique.
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CAMIC, Charles. "Notes historiques sur l’apport de Parsons." Sociologie et sociétés 21, no. 1 (September 30, 2002): 11–23. http://dx.doi.org/10.7202/001115ar.

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Abstract:
Résumé Cet article réévalue l'opinion fort répandue selon laquelle The Structure of Social Action a représenté une orientation révolutionnaire par rapport aux tendances qui prévalaient en sciences sociales aux États-Unis dans les années 1920 et 1930. Cette époque est censée marquer l'apogée de la méthode scientifique positivo-empiriste, de l'approche behavioriste et d'une vision utilitaire de l'ordre social. Une analyse du contexte intellectuel de cette époque nous conduit à douter de cette affirmation et met en lumière, chez les contemporains de Parsons, la prédominance d'une méthode scientifique analytico-réaliste, d'une conception volontariste de l'action sociale perçue comme un processus de moyens et de fins, ainsi que des préoccupations soulevées par le problème de l'ordre social et le rôle joué par les normes dans sa solution. Une telle analyse laisse entrevoir que Parsons, en s'appropriant les recherches de Durkheim et de Weber, ne tournait pas le dos aux questions qui préoccupaient les intellectuels américains, mais qu'au contraire il faisait progresser l'étude de ces questions.
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Cura, Enriqueta Camps I. "Population turnover and the family cycle: the migration flows in a Catalan town during the nineteenth century." Continuity and Change 7, no. 2 (August 1992): 225–45. http://dx.doi.org/10.1017/s0268416000001582.

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Abstract:
Cet article a l'intention d'offrir des conclusions pour les mouvements migratoires qui menèrent à la création de villes industrielles. On y étudie quatre aspects spécifiques de ce processus: les aires de recrutement pour une population urbaine, les étapes du processus migratoire et l'influence exercée par les structures familiales et par le cycle familial sur la décision d'émigrer ou non. La méthodologie utilisée ici permet d'abord de suivre les routes choisies par les migrants dans une région à forte mobilité et de proposer, de plus, des éclaircissements en fonction des états intermédiaires entre travail rural et travail urbain. Elle permet également l'analyse des rapports entre le cycle familial et la possession de biens et le type de migration. Cet article affirme qu'en Catalogne les migrations internes au 19ème siècle sont le résultat d'une stratégic d'adaptation rendue nécessaire par les changements dus à la transition au capitalisme industriel.
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Paquin, Magali. "La communication politique." Canadian Journal of Political Science 39, no. 1 (March 2006): 191–93. http://dx.doi.org/10.1017/s0008423906269993.

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Abstract:
La communication politique, Jacques Gerstlé, Paris : Éditions Dalloz/Armand Colin, 2004, (coll. Compact civis), 297 pages.Le domaine de la communication politique évolue très rapidement sur le plan de la pratique comme de la recherche. À cet égard, l'ouvrage de Jacques Gerstlé brosse un tableau de synthèse exhaustif et actuel des fondements théoriques, des techniques et des pratiques en communication politique. Il s'appuie sur des recherches et des exemples récents provenant surtout de France et des États-Unis, ce qui peut être pertinent du point de vue comparatif, mais risque de réduire l'intérêt des chercheurs canadiens pour l'ouvrage. De nombreux tableaux, figures et statistiques témoignent de la place accordée à l'analyse empirique et quantitative. Il s'agit à notre avis d'un livre excellent dont le point fort réside dans la diversité des connaissances exposées, la systématicité de la présentation et l'actualité des exemples. Il sera utile aux politologues et, plus généralement, aux chercheurs en sciences sociales ou en communication et journalisme, de même qu'aux praticiens et aux étudiants désireux de saisir les multiples approches et phénomènes de la communication politique.
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Nadeau1, France, Philippe Mongeon, and Vincent Larivière. "Les influences disciplinaires de la criminologie (1991-2014)." Criminologie 51, no. 1 (May 9, 2018): 17–53. http://dx.doi.org/10.7202/1045307ar.

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Abstract:
Au cours de son histoire, la criminologie a été influencée par de nombreuses disciplines. Elle est d’abord marquée, au début du xxe siècle, par la sociologie positiviste aux États-Unis et par la psychiatrie en Grande-Bretagne, avant d’être fortement influencée par des courants critiques issus de la sociologie. Puis, à partir des années 1990, elle s’ouvre à nouveau aux perspectives de différentes disciplines. Basée sur les références citées par un ensemble de revues de criminologie principalement de langue anglaise, cette étude analyse la place qu’y ont occupée les différentes disciplines entre 1991 et 2014. Il en ressort que les articles de criminologie sont de plus en plus interdisciplinaires, avec 65 % des articles de 2014 citant plus de trois disciplines. Au sein de ces articles, la proportion des références occupée par la psychologie est en progression, au détriment des références faites aux sciences sociales et au droit. Lorsqu’on examine les références citées par les revues et l’affiliation de leurs auteurs, on observe que 42 % des revues étudiées ont un profil interdisciplinaire alors que 22 % s’inscrivent dans une perspective sociocriminologique, 22 % sont centrées sur la psychologie et 4 % sur le droit. L’analyse du réseau de citations de ces revues montre enfin que les revues centrales de la discipline ont des influences disciplinaires variées : des revues ancrées dans la criminologie et les sciences sociales y côtoient des revues interdisciplinaires ainsi que des publications centrées sur la psychologie.
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HOHENBERG, PAUL M. "Les origines de la révolution industrielle aux états-Unis. By Pierre Gervais. Paris: Les éditions de l'école des Hautes études en Sciences Sociales, 2004. Pp. 347. 30€." Journal of Economic History 65, no. 1 (March 2005): 275–77. http://dx.doi.org/10.1017/s0022050705270109.

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Bouffard1, Léandre, and Micheline Dubé. "L’inégalité de revenus : un « virus » qui affecte la santé mentale et le bonheur." Mosaïque 38, no. 2 (March 21, 2014): 215–33. http://dx.doi.org/10.7202/1023997ar.

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Abstract:
L’objectif du présent texte est de démontrer les effets de l’inégalité de revenus sur la santé mentale et le bonheur dans les pays riches. La première section fait état du niveau élevé d’inégalité de revenus aux États-Unis et, à un degré moindre, dans les autres pays riches. Les résultats présentés dans la seconde partie font voir des corrélations positives de l’inégalité de revenus avec la maladie mentale, avec un indice de consommation de drogues et avec un indice composite de 10 problèmes psychosociaux. De plus, il existe une corrélation négative entre l’inégalité de revenus et un indice de bien-être des enfants mis au point par l’UNICEF. La troisième partie aborde l’association négative élevée entre l’inégalité de revenus et le bonheur, concrétisée ici par la satisfaction de vivre, dans les pays riches. De nombreux arguments appuient l’idée de la causalité selon laquelle l’inégalité de revenus est une source importante des problèmes psychosociaux, comme un « virus » qui affecte le bien-être de toute la population. Enfin, les praticiens des sciences humaines sont invités à s’impliquer dans l’élaboration des politiques sociales, dans les efforts d’éducation pour contrer les coûts de l’inégalité et dans des programmes susceptibles de favoriser une santé mentale « florissante ».
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Palys, Ted, and John Lowman. "Protecting Research Confidentiality : Towards a Research-Participant Shield Law." Canadian journal of law and society 21, no. 1 (April 2006): 163–85. http://dx.doi.org/10.1353/jls.2006.0040.

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Abstract:
RésuméLa protection de la confidentialité des recherches est un principe intégral de toutes les sciences sociales, ainsi que des codes d'éthique de l'humanité. Mais que se passerait-il si une juridiction exigerait l'accès à des informations confidentielles sur des recherches, tant dans le cas de litiges au civil, que pour des affaires criminelles? Au Canada, seules les informations provenant des recherches de Statistiques Canada jouissent de ce privilège relatif à la preuve—une juridiction ne peut exiger une divulgation. Tous les autres chercheurs devront faire appel à la common law afin de protéger des recherches confidentielles. Il leur appartiendrait, pour chaque cas, d'apporter la preuve de la nécessité de garder confidentielle toute information sur ces recherches, avec le risque malheureux qu'une juridiction ordonne leur divulgation. Cet article décrit cinq problèmes découlant de l'état du droit. Les protections juridiques de la confidentialité de la recherche ont encore beaucoup de chemin à parcourir avant de résoudre ces problèmes. Mais comment se présenteront ces protections? Qui aura à les gérer? La deuxième partie de cet article examine les protections législatives des privilèges relatifs à la preuve, y compris la Loi sur les statistiques, et la Loi canadienne sur la preuve, ainsi que les «certificats de confidentialité» (pour certains types de recherches en santé) et les «certificats de vie privée» (pour certaines enquêtes criminelles) des États-Unis, en vue d'établir des critères permettant l'établissement d'une loi protégeant la recherche canadienne.
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Houde, Nicolas. "Après la Grande Guerre : Comment les Amérindiens des États-Unis sont devenus patriotes (1917-1947), de Thomas Grillot, Paris, Éditions de l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), 2014, 262 p." Politique et Sociétés 34, no. 2 (2015): 114. http://dx.doi.org/10.7202/1032512ar.

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De la Mora-De la Mora, Gabriela. "Policentrismo y su relevancia para el análisis socioterritorial: Características, enfoques y dimensiones analíticas." Regions and Cohesion 7, no. 1 (March 1, 2017): 69–86. http://dx.doi.org/10.3167/reco.2017.070106.

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Abstract:
[full article is in Spanish]EnglishThis article seeks to contribute to the understanding of polycentric systems in socio-territorial contexts, and its link with modern governance, in which multiple social actors interact at different scales and levels. The concept of polycentrism, its dimensions, predominant approaches and assumptions on which its use is based in the socio-territorial analysis is discussed. The text highlights two of the most influential approaches in the theoretical–methodological development of polycentric systems: the European, key in territorial and regional development; and the American, focused on the analysis of institutional development and socio-ecosystem governance. Assumptions of the polycentric systems are highlighted in order to solve integrally socio-territorial problems from multilevel, multiscale and multiactor interactions. Finally, its relation with modern governance is analyzed and it is concluded that it is important to continue the study of polycentric systems.SpanishEste es un artículo que busca contribuir a la comprensión de los sistemas policéntricos en contextos socio-territoriales, y su vínculo con la gobernanza moderna, en la que múltiples actores sociales interactúan a distintas escalas y en distintos niveles. Se discute el concepto de policentrismo, sus dimensiones, enfoques predominantes y supuestos sobre los que se funda su uso en el análisis socio-territorial. El texto subraya dos de los enfoques más infl uyentes en el desarrollo teórico–metodológico de los sistemas policéntricos: el europeo, clave en el desarrollo territorial y regional; y el estadounidense, centrado en el análisis del desarrollo institucional y la gobernanza de los socio-ecosistemas. También se destacan los supuestos de los sistemas policéntricos a fin de resolver integralmente problemas socio-territoriales a partir de interacciones multinivel, multiescala y multiactor. Finalmente se analiza su relación con la gobernanza moderna y se concluye que es importante continuar el estudio de los sistemas policéntricos.FrenchCet article à caractère théorique cherche à contribuer à la compréhension des systèmes polycentriques dans des contextes socio-territoriaux et de leurs liens avec la gouvernance moderne, au sein de laquelle de multiples acteurs sociaux entrent en interaction à diff érentes échelles et à divers niveaux. Ainsi, il discute le concept de polycentrisme, ses dimensions, ses approches dominantes et les suppositions sur lesquelles il fonde son usage pour une analyse socio-territoriale. Le texte souligne deux des approches les plus infl uentes dans le développement théorico- méthodologique des systèmes polycentriques : l’Européenne, qui est une clef pour appréhender le développement territorial et régional et celle des États-Unis centrée sur l’analyse du développement institutionnel et de la gouvernance socio-écosystémiques. De plus sont mises en évidence les suppositions générales des systèmes polycentriques dans le but de souligner de manière intégrale des problèmes socio-territoriaux à partir des interactions multiniveau, multiéchelle et multiacteur. Finalement la relation avec la gouvernance moderne est analysée et permet de conclure autour de l’importance de continuer l’étude des systèmes polycentriques et de leurs liens avec la gouvernance en tant qu’approche novatrice face à la complexité actuelle des relations socio-territoriales.
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Vinck, Dominique. "Science(s)." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.025.

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Abstract:
Les sciences désignent à la fois une série d'activités productrices de connaissances, plus ou moins différenciées d'autres activités sociales, et le résultat de ces activités (descriptions et énoncés de découvertes ou de lois décrivant ou prédisant des phénomènes, théories, méthodes de travail, savoir-faire incorporés, normes de comportement des scientifiques). Pour l'anthropologue, elles sont à la fois un objet de recherche et un cadrage (institutionnel, méthodologique et cognitif) de son travail, ce qui l'engage aussi dans une inévitable réflexivité. Du point de vue des sciences sociales, la science a été appréhendée (tradition mertonienne) comme une institution sociale distincte et exemplaire, dont la finalité est la production de connaissances rationnelles certifiées par les pairs. L'institution se caractérise par une structure normative qui régit le comportement des scientifiques telles que : universalisme, communalisme, désintéressement et scepticisme organisé. Les scientifiques qui agissent conformément à ces normes sont rationnels et humbles, capables de soumettre leurs productions à l’évaluation critique de leurs pairs, d’évaluer sans à priori le travail d’autrui et de s’auto-contrôler. Le respect de ces normes dépend de systèmes de communication (publication dans les revues scientifiques en particulier) et de gratification (nomination, distinction, obtention de fonds) dont l'analyse permet d'expliquer certains phénomènes de stratification au sein de la "communauté" scientifique. Cette approche a toutefois suscité de nombreux débats notamment quant à ce que représentent vraiment ces normes. Des contre-normes (p.ex. « garder le secret ») seraient aussi explicatives des comportements des scientifiques que les normes identifiées par Merton. Par ailleurs, dans leurs discussions internes, les scientifiques mobilisent autant les normes que les contre-normes pour défendre leur position ou affaiblir celle d’un collègue. Et surtout, ces normes seraient de nature idéologique et politique, utilisées par les scientifiques pour légitimer l’autonomie des sciences vis-à-vis du reste de la société, en particulier dans un contexte de montée en puissance de régimes autoritaires menaçant les scientifiques dans différentes régions du monde, comme ce fut le cas au cours du XXe siècle. Dans ce contexte, Merton (1973) a traité l'institution scientifique comme un modèle de démocratie des esprits, à l’abri des influences politiques. Toutefois, mobilisées au profit du développement technico-économique et de l’action publique (parfois militaire), les sciences constituent des sources de pouvoir, notamment en faisant autorité. Les questions de l'orientation et de la mobilisation des sciences fait dès lors l'objet de débats politiques récurrents. Elles soulèvent des questions de légitimité dans la société (sciences au service du progrès, de l'industrie, du prestige des Nations, de l'exploitation de la nature vs de projets de libération ou de résolution des problèmes auxquels le monde est confronté) tandis que leur spécificité a fait l’objet de nombreux débats chez les philosophes. Dans les relations Nords-Suds, elle est parfois traitée comme un enjeu des relations entre pays hégémoniques et non-hégémoniques ou en terme de centre-périphérie. Plus généralement, sa légitimité est questionnée vis-à-vis d'autres savoirs, locaux et indigènes notamment. De même, la fragmentation interne des sciences (prolifération de sous-spécialisations) a conduit les Nations Unies (convention de Rio de 1992) à demander qu'un effort d'intégration soit accompli car les problèmes auxquels sont confrontées les sociétés ont besoin d'une approche globale et non émiettée. Les dynamiques internes des sciences ont également été analysées de diverses autres façons : comme système d’échange de dons (Hagstrom 1965), comme système d’échange capitaliste et de lutte compétitive pour l’accumulation d’un capital symbolique (Bourdieu 1976), comme système politique où chacun tend à développer son domaine en gagnant de la crédibilité, convertible en ressources permettant de poursuivre (Latour, Woolgar 1988). Les relations entre scientifiques, voir aussi avec des non-scientifiques (industriels, médias, gouvernements, mouvements citoyens, communautés paysannes, etc.), constituent des réseaux sociaux dont les caractéristiques (taille, homogénéité / hétérogénéité, structure) expliquent les sciences en tant que phénomène social plus ou moins articulé à d'autres activités des sociétés. Depuis les années 1970, des chercheurs en sciences sociales (anthropologie, sociologie, histoire) ont investi l’étude des sciences en s’inspirant notamment des travaux de l’historien Kuhn (1957) (paradigme) et de l'anthropologie avec pour prétention de rendre compte des contenus (Sociology of Scientific Knowledge, SSK) et des pratiques scientifiques. Les sciences apparurent alors sous un nouveau jour. Les sciences sociales ne se cantonnent dès lors plus à l’examen des conditions sociales de possibilité de la science mais tentent d'expliquer aussi les productions scientifiques (données, théories, concepts) à partir de facteurs sociaux ou à partir des pratiques sociotechniques concrètes. Elles mettent en évidence la flexibilité interprétative des énoncés scientifiques (ni la nature, ni la méthode, ni la logique n’impose de vérité unique aux chercheurs) qui conduit à prendre en compte aussi d'autres facteurs explicatifs, notamment les rapports de forces, les mouvements de société, les traditions de pensée, les savoirs tacites, la nature du rapport au monde et à la nature, et les savoir-faire hérités. Du côté de la sociologie et de l'histoire, des auteurs vont rendre compte de l’action scientifique comme d'une rivalité entre scientifiques pour produire des énoncés de connaissances et les imposer aux autres. Ces scientifiques étant liés à des groupes sociaux, les intérêts de ces derniers orienteraient en partie le choix des objets de recherche, des approches et, par conséquent, les productions scientifiques. Les controverses entre chercheurs conduiraient ceux-ci à renforcer la robustesse de leurs affirmations et constitueraient ainsi un moteur des dynamiques scientifiques. Ces approches conduisent aussi à symétriser les analyses portant sur la constitution des savoirs scientifiques et celles portant sur les autres formes de savoirs, de systèmes de pensées ou de croyances. Des chercheurs britanniques (Bloor 1976 ; Collins 1985) prônent alors des principes de causalité, d'impartialité, de symétrie et de réflexivité dans l'étude des sciences. “Connaissances vraies” et “croyances fausses” devraient être expliquées par les mêmes registres de causalité (relations causales entre des variables sociologiques et contenus de connaissance, production négociée de connaissances consensuelles et clôture des controverses, analyse du discours). A la fin des années 1970, des chercheurs commencent à s’intéresser aux pratiques scientifiques concrètes. Ils observent les processus d’ajustement locaux et contingents et décodent les savoirs tacites incorporés dans les individus, instruments et formes d’organisation. Leurs études rendent compte de la production des faits, des données, des énoncés et des accords entre chercheurs, de l’articulation entre éléments hétérogènes, de la construction collective et négociée des publications. Adoptant des postures héritées de l'anthropologie, ils décrivent les processus de fabrication et de stabilisation des énoncés scientifiques en séjournant longuement au sein de laboratoires où se produisent des savoirs scientifiques. Ainsi, Latour, de retour d'une enquête en Afrique, débarque dans un laboratoire de biochimie réputé ; il cherche à y étudier “la pensée scientifique” en train de se faire et rend compte de l'importance des pratiques d'inscription. Il publie Laboratory Life. The Social Construction of Scientific Facts en 1979 (Latour, Woolgar, 1988). Knorr-Cetina (1981), en Allemagne, Lynch (1985), aux États-Unis, mobilisent l’ethnométhodologie et montrent les productions scientifiques comme des accomplissements pratiques situés. D’autres chercheurs héritiers de l’école pragmatique américaine et de l’interactionnisme symbolique de Chicago rendent aussi compte des productions scientifiques en rendant compte des perspectives des acteurs en présence. L’anthropologue Traweek (1988) étudie le monde des physiciens des particules, de même que d'autres le feront d'autres laboratoires (p.ex. Houdart 2013) ou de lieux de fabrication de connaissances technologiques (Downey 1998 ; Vinck 1999). Soucieux de rendre compte de l'intrication des sciences dans la société, notamment via les processus d'innovation, des chercheurs (Callon 1986 ; Latour 1989) conçoivent une approche (théorie de l’acteur-réseau, analyse des processus de traduction et de construction de réseaux sociotechniques) devant permettre de rendre compte des sciences et techniques en évitant les dichotomies héritées (nature/culture, sujet/objet, notamment). Ils ouvrent ainsi la réflexion sur une nouvelle anthropologie des connaissances.
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Auger, Reginald, and Allison Bain. "Anthropologie et archéologie." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.030.

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Les parcours sinueux qu’ont suivis l’anthropologie et l’archéologie en Amérique du Nord depuis une cinquantaine d’années démontrent des intérêts convergents pour la connaissance et l’explication du comportement humain et cela avec des méthodes de recherche de plus en plus divergentes. L’anthropologie qui a émergé des milieux intellectuels aux États-Unis au XIXe siècle avait pour origine l’intérêt pour la compréhension des populations autochtones de l’Amérique; de cet intérêt pour l’humain, se sont développés des outils pour comprendre le comportement qui se cachait derrière le geste posé. Dès le début, l’anthropologue s’intéressait aux comportements et l’archéologue documentait les traces du geste posé. De cette proximité entre l’anthropologie et l’archéologie qui s’est concrétisée par la création du Bureau of American Ethnology à la fin du XIXe siècle, il était naturel de placer la formation en archéologie au sein de départements d’anthropologie dans les universités aux États-Unis et au Canada. Malgré l’apparence initiale d’un champ unifié et d’un terrain partagé entre l’anthropologie et l’archéologie, la pratique s’est transformée pour devenir tout autre au fil des ans. Au milieu du XXe siècle, l’archéologie commence à remettre en question sa relation avec les interprétations fonctionnalistes des anthropologues (Trigger 2006 : 363-372). La première figure à souligner le problème de l’inéquation entre les résultats de la recherche archéologique et la théorie en anthropologie fut Walter Taylor (1948) dans son livre A Study of Archaeology. Taylor, le relativiste, exposa son penchant pour le particularisme historique dans une approche qu’il identifie comme étant conjonctive; pour ce chercheur iconoclaste, l’historiographie comptait pour beaucoup. L’approche conjonctive consistait à établir des corrélations entre différents types de données dans des contextes historiques et culturels spécifiques afin de faire le pont entre des particularités historiques (les collections archéologiques) et des données anthropologiques. La méthodologie qu’il proposait impliquait la vérification d’hypothèses par l’analyse de la composition et de la structure des collections archéologiques. L’objectif central de cette approche visait à mettre de l’avant des études contextuelles détaillées qui permettraient d’adapter des hypothèses générales sur la culture à des données spécifiques. Dans sa formulation de l’approche conjonctive en archéologie et la vérification d’hypothèses, Taylor reconnaissait qu’une réflexion critique était nécessaire puisque l'archéologue travaillait dans le présent. En dépit de la richesse des collections archéologiques et constatant le danger qui planait sur l’archéologie si nous avions continué à publier des listes d’attributs de nos objets au lieu d’interpréter la culture matérielle comme étant la trace du comportement humain, dans un geste de médiation entre l’anthropologie et l’archéologie, Binford (1962) publiait son article portant le titre Archaeology as Anthropology. Comme il le signale dans son introduction son article qui faisait suite à un ouvrage venant d’être publié par Willey et Phillips (1958) où l’on mentionne clairement que l’archéologie américaine « c’est de l’anthropologie ou rien du tout ». Ce geste d’éclat dans une période charnière de l’enseignement de l’archéologie dans les universités nord-américaines allait donner naissance à un nouveau paradigme que l’on appela la New Archaeology aussi connue sous le nom d’archéologie processuelle. Un tel changement de paradigme venait en contradiction avec les pratiques européennes en matière d’archéologie préhistorique, notamment celles de l’École de Bordeaux et de François Bordes, son membre le plus influent, qui avait réussi à imposer sa vision sur le sens de la variabilité des outils en pierre du paléolithique moyen (Bordes 1961; 1984). Dans sa thèse de doctorat intitulée The Bordes-Binford Debate: Transatlantic Interpretive Traditions in Paleolithic Archaeology, Melissa C. Wargo (2009) présente une analyse en profondeur des modes de pensée qui diffèrent entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Essentiellement, le raisonnement traditionnel voulait que l’apparition d’une nouvelle culture archéologique (de nouveaux types) puisse signifier la manifestation d’un nouveau groupe de personnes, un groupe ethnique détectable avec les outils de l’archéologie. C’est ce que nous apprenions à la lecture des travaux de François Bordes sur les changements technologiques observés au paléolithique moyen. Lorsque Binford est parvenu à étudier les mêmes collections, il proposa des interprétations toutes autres. Ainsi, alors que pour Bordes, des outils différents représentent des groupes différents; si l’ensemble de l’assemblage ne peut être attribué à un groupe avoisinant, peut-être alors que certains éléments peuvent l’être. Et si de tels parallèles peuvent être établis, l’approche de Bordes a pour corollaire que c’est là le lieu d’origine de la population à l’étude et que nous serions en présence d’une diffusion de traits culturels à partir de la migration d’un groupe ethnique. Pour Binford, la différence dans la composition des assemblages devrait plutôt être interprétée comme étant le résultat d’adaptations; pour ce chercheur, les assemblages archéologiques sont des coffres d’outils adaptés pour une fonction particulière. Nonobstant la grande quantité de statistiques accumulées, Binford, de son propre aveu, admit qu’il fut incapable d’expliquer ce qu’elles signifiaient. En d’autres mots, il avait beaucoup d’information sur le présent mais ne pouvait l’expliquer par manque d’analogie avec le passé. En dépit de ces différences d’opinion, l’utilité de la typologie de Bordes réside dans le fait qu’elle fournissait un langage descriptif; cette typologie a cependant été par la suite rejetée par certains chercheurs qui considéraient que la définition des types de François Bordes était inadéquate parce que trop subjective. Pire encore, Bordes a été accusé d’incorporer dans ses interprétations des hypothèses non vérifiées sur les capacités cognitives des hominidés durant le paléolithique moyen. De nos jours, nos analyses de la technologie visent à remplacer cette approche typologique de Bordes par une méthode s’appuyant sur la combinaison d’attributs dont la description porte davantage sur le comportement. De toute évidence, le débat entre le promoteur de la New Archaeology et la figure de proue de l’archéologie française et son approche taxonomique en pierre a permis de mettre en évidence un malaise profond sur la façon dont le passé devrait être interprété. Ce débat est aussi emblématique de traditions scientifiques différentes entre l’Europe et l’Amérique du Nord. C’est dans ce contexte intellectuel que sont nés des départements d’anthropologie associant l’anthropologie culturelle, l’anthropologie biologique, la linguistique et l’archéologie. Ces quatre champs sont apparus à des moments bien précis de l’histoire des universités nord-américaines mais de nos jours, la réalité de l’anthropologie est devenue beaucoup plus complexe (Bruner 2010). Un étudiant en archéologie peut avoir des besoins de formation en géographie, en histoire, en géologie, en botanique, en biologie, en ethnohistoire, en systèmes d’information géographique, en informatique, etc. alors qu’un étudiant en anthropologie pour atteindre un niveau de compétence élevé pourrait avoir besoin de formation en histoire, en science politique, en sociologie, en art, en littérature, en théorie critique, etc. Malgré que les besoins aient grandement changé depuis la création des départements d’anthropologie, les structures académiques sont demeurées statiques. La protection des départements d’anthropologie dans leur configuration actuelle des quatre champs relève le plus souvent des politiques universitaires. Ainsi, même si les professeurs étaient d’accord qu’il serait intellectuellement plus profitable de scinder ces gros départements, la question de diviser les départements d’anthropologie en unités plus petites qui feraient la promotion de l’interdisciplinarité dans les sciences humaines et sociales n’est pas envisagée dans la plupart des universités nord-américaines (Smith 2011). Au milieu de cette tourmente, se sont développés un certain nombre de départements et de programmes d’archéologie en Amérique du Nord. De là est née une discipline émancipée du joug des structures trop rigides et se donnant un ensemble de méthodes de recherche qui lui étaient propres. La trajectoire conceptuelle empruntée par ceux-ci a permis de remonter au-delà du geste et de la parole en retenant une classe cohérente de concepts explicatifs développés, certes en anthropologie, mais raffinés et adaptés au contact de l’archéologie et d’autres disciplines en sciences humaine et sociales et sciences de la nature. Cette indépendance intellectuelle de l’anthropologie s’est notamment affirmée par des collaborations entre l’archéologie et la philosophie des sciences (Kelly et Hanen 1988; Salmon 1982; Wylie 2002; Wylie et Chapman 2015). La croissance de l’intérêt pour les explications processuelles des données archéologiques chez plusieurs archéologues nord-américains fut motivée par le fait que les néo-évolutionistes en anthropologie mettaient trop l'accent sur les régularités dans les cultures. Les concepts utilisés en archéologie processuelle exerçaient une influence significative sur notre discipline et l’adoption de cette approche théorique était d’autant plus attrayante car les variables proposées se présentaient comme des causes majeures de changements culturels et relativement accessibles à partir des vestiges archéologiques. Cette approche s'intensifia et donna de nouvelles directions aux tendances déjà présentes en archéologie préhistorique. Dans ce changement de paradigme qui donna naissance au courant de la Nouvelle Archéologie en Amérique du Nord et à un moindre degré au Royaume-Uni, l’accent était placé sur la vérification d’hypothèses sur les processus culturels comme outils d’explication du passé. De la position qu’elle occupait comme l’un des quatre sous-champs de l’anthropologie ou encore, de celle de servante de l’histoire, l’archéologie est devenue l’un des plus vastes champs du monde académique (Sabloff 2008 : 28). En plus d’avoir trouvé son ancrage théorique dans les sciences sociales et humaines, l’archéologie, attirée par les techniques et méthodes fraie régulièrement avec les sciences physiques et les sciences de la nature. En se donnant ses propres méthodes de collecte et d’analyse pour l’examen de cultures distinctes et en poursuivant avec des comparaisons interculturelles, la discipline cherchait à mieux comprendre les cultures qui se sont développées à travers le temps et l’espace. Puisque l’objet d’étude de l’archéologie porte sur les traces de groupes humains dans leur environnement naturel et leur univers social, les questions qu’elle se pose sont fondamentales à l’histoire de l’humanité et pour répondre à de telles questions elle s’est dotée de méthodologies d’enquête qui lui sont propres. L’utilisation d’équipements sophistiqués pour déterminer la composition chimique des résidus lipidiques incrustés sur un outil en pierre taillée ou encore, les recherches sur la composition physico-chimique de la pâte d’une céramique sont des techniques visant à répondre à des questions d’ordre anthropologique. Le quand et le comment du passé sont relativement faciles à identifier alors que pour découvrir le pourquoi l’archéologue fait souvent appel à l’analogie ethnographique, une méthodologie issue de l’insatisfaction des archéologues à l’endroit des travaux en anthropologie culturelle (David et Kramer 2001). Une autre méthodologie est celle de l’archéologie expérimentale qui s’intéresse à la fabrication et à l’usage des outils (Tringham 1978), méthode similaires à celle de l’ethnoarchéologie. L’expérimentation à partir d’outils fabriqués par le chercheur et les banques de données provenant d’expérimentations contrôlées servent alors d’éléments de comparaison pour interpréter la forme des assemblages archéologiques (Chabot et al. 2014) est au centre de la méthode préconissée. Le développement de l’ethnoarchéologie durant les années 1970 aurait inspiré Binford (1981) lorsqu’il mit de l’avant l’utilisation de théories de niveau intermédiaire pour établir un lien entre ses données archéologiques et les théories de niveau supérieur sur le comportement. Sa décision semble avoir reposé sur les développements de l’approche ethnoarchéologique et ses propres terrains ethnoarchéologiques chez les Nunamiut de l’Alaska (Binford 1978). D’autres orientations théoriques ont vu le jour au cours des années 1960–1970 et ont fait la distinction entre différentes approches matérialistes par rapport à des schémas évolutionnistes antérieurs. Par exemple, Leslie White (1975) adopta une forme de déterminisme technologique très étroit qui reflétait une croyance en la technologie comme source de progrès social. Julian Steward (1955) envisagea un déterminisme écologique moins restrictif alors que Marvin Harris (1968) y voyait un déterminisme économique encore plus large. Pour ces quelques positivistes le rôle que l’archéologie se devait de jouer était d’expliquer la culture matérielle du passé. Quant à l’archéologue Lewis Binford (1987), il soutenait que l’étude des relations entre le comportement humain et la culture matérielle ne devrait pas être le rôle central de l’archéologie puisque selon lui, les données ne contiendraient aucune information directe sur les relations entre le comportement humain et la culture matérielle. Dorénavant, les données archéologiques se devaient d’être comprises par elles-mêmes, sans avoir recours à des analogies ethnographiques. Cette dernière approche voulait clairement établir de la distance entre l’archéologie, l’anthropologie culturelle, l’ethnologie et peut-être les sciences sociales en général ; son mérite était peut-être, justement, d’éviter les réductionnismes et les analogies rapides entre explications anthropologiques et assemblages archéologiques. Dans la même veine, d’autres remises en question sont apparues durant les années 1980 avec les travaux d’Ian Hodder (1982; 1985) sur la validité des certitudes positivistes qui avaient été le fonds théorique et empirique des adeptes de la New Archaeology. Depuis cette réflexion sur l’essence même de l’archéologie, Hodder a reconnu qu’une position critique est fondamentale face à l’objet d’étude; naquit alors le courant théorique post-processuel en archéologie. Dans son cheminement pour découvrir la signification des vestiges qu’elle étudie, l’archéologie post-processuelle s’appuie sur des études détaillées permettant d’adapter des hypothèses générales sur la culture à des données spécifiques en exploitant la diversité des sources; cette direction du courant post-processuel en archéologie porte le nom d’archéologie contextuelle. Comme tout changement de paradigme apporte avec lui son lot de détracteurs, l’archéologie post-processuelle a été immédiatement accusée d’une trop grande subjectivité interprétative voire, de déconstructionisme. Les autres orientations placées sous le label archéologie post-processuelle incluent : le structuralisme, le néo-marxisme, l’archéologie cognitive, la phénoménologie, et d’autres encore Ainsi l’individu, l’agent ou l’acteur et son intentionnalité devrait être au centre des interprétations dans la théorie post-processuelle. Nous pouvons conclure que l’examen de la relation entre l’anthropologie et l’archéologie en Amérique du Nord a permis de constater que, depuis ses débuts, l’archéologie dans cette région du monde a vécu une liaison relativement tumultueuse avec l’anthropologie. Cette condition, souvent problématique, a vu naître, au Canada d’abord, des groupuscules d’archéologues avec des intérêts divergents qui se sont distanciés des paradigmes qui dominaient les départements d’anthropologie pour former des départements d’archéologie ou des programmes d’archéologie autonomes des programmes d’anthropologie. Sur les chemins empruntés ces nouveaux départements sont entrés en relation avec les départements de sciences naturelles, notamment, la géographie, avec laquelle les archéologues ont partagé un ensemble de concepts et de méthodes. Il en a résulté un enseignement de l’archéologie nettement interdisciplinaire et faisant appel à des méthodes quantitatives pour comprendre la culture matérielle dans son environnement naturel et expliquer son milieu culturel à partir de concepts empruntés aussi bien aux sciences humaines qu’aux sciences naturelles.
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Calame, Claude. "Individu." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.015.

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Abstract:
La notion de l’individu comme être humain doué d’un corps propre et d’une identité singulière est née de la notion de sujet. C’est en effet autour de ce concept très occidental que s’est développée l’idée d’un être agissant de manière autonome et réflexive. Mais ce sujet constitué en « soi », en self, est aussi un sujet qui agit, un sujet pratique, engagé dans le monde extérieur selon une volonté et selon des motivations qui lui seraient propres. Un sujet donc non plus en tant que sub-jectum comme l’indique l’étymologie du mot ; non plus un sujet « soumis » à différents pouvoirs d’ordre politique et religieux, mais un sujet qui, au siècle des Lumières, avec la contestation de la royauté absolue et la critique de la hiérarchie catholique, devient un être de raison, constitué en droit (Taylor 1989). Désormais un sujet libre, un sujet libre de penser et libre d’agir comme il l’entend, un sujet dont les libertés sont fondées sur un certain nombre de droits, également partagés. Mais qu’en est-il dans la réalité de nos sociétés contemporaines, convaincues que démocratie et libéralisme économique vont de pair, convaincues aussi qu’elles sont les seules aptes à défendre les droits de l’homme et de l’individu dans leur universalité face à d’autres formes sociales, passant pour plus traditionnelles ? Envisagée du point de vue sociologique, la question a longtemps été de savoir qui, de l’individu ou de la société, est premier par rapport à l’autre. On le sait – pour Émile Durkheim la société ne saurait être considérée comme la somme des individus qui la composent, des individus donnés comme entités premières, dans leurs différents états de conscience. Du « holisme méthodologique » (le tout n’est pas réductible aux parties qui le composent) on est passé au « relationalisme méthodologique » : société et individus sont à comprendre dans des relations qui correspondent à des rapports de réciprocité. Le social et le collectif ne sauraient donc être envisagés comme les simples résultantes des actions et pratiques des individus (comme le laisse entendre l’« individualisme méthodologique »). Entre les individus-atomes (êtres indivis) et l’ensemble social auquel ils sont forcément intégrés, il y a interdépendance, interaction ; il y a « co-construction » des uns par l’autre, et vice versa. L’opposition toute théorique entre l’individuel et le collectif doit donc être dépassée (Corcuff 2007 ; Corcuff, Le Bart, de Singly 2010). Avant la guerre de 39-45, le sociologue et philosophe allemand Norbert Elias s’était déjà interrogé sur la nature de l’homme vivant dans ce qu’il appelait « la société des individus ». Les relations réciproques des individus les uns avec les autres constitueraient la condition même de l’existence humaine ; elles représenteraient l’une des bases de la condition d’être humain. Dès lors la vie sociale et l’appartenance à une société étaient données comme une disposition fondamentale, inscrite dans l’être social de l’homme. Pour Elias (1991), ce n’est que tardivement et épisodiquement, surtout à partir de la Renaissance, que serait apparue la conscience d’un « moi » pourvu d’une intériorité ; cette conscience nouvelle aurait alors entraîné, dans une perspective à vrai dire européocentrée, une « prédominance de l’identité du moi sur l’identité du nous ». Si les hommes en tant qu’individus sont bien interdépendants, la notion même d’individu est ancrée dans l’idée de la constitution d’un « moi » ; elle est fondée dans l’idée de sujet. C’est sur un constat analogue qu’est fondée la distinction tracée par l’anthropologue Louis Dumont (1983) entre sociétés holistes et société individualistes. D’un côté donc, dans les sociétés traditionnelles, un homo hierarchicus dont l’identité est définie par la place qu’il occupe dans l’ensemble social avec ses statuts et ses hiérarchies ; de l’autre un homo aequalis, promu dans les sociétés modernes par l’égalité instituée entre des individus considérés comme autonomes. Mais cette opposition se double d’un autre contraste. D’une part l’homme hors du monde : le modèle en est celui du renonçant indien qui se soustrait au réseau des liens sociaux pour se trouver face à lui-même, dans sa singularité ; d’autre part l’homme dans le monde : tel l’homme moderne, cet homme intra-mondain réalise son identité individuelle au sein de la société ; son individualité est posée comme une valeur et un but. Ainsi on assisterait en Occident à la naissance de l’individu moderne en particulier par la transition calviniste vers un « individu-dans-le-monde » mais pour y accomplir la volonté du dieu unique des chrétiens, puis par le passage à l’Individu de la première « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », libéré de la tutelle de l’Église au nom de la liberté de conscience exercée dans une société égalitaire. Or c’est précisément de la notion de liberté que sont nés tous les malentendus entretenus par une pensée économiste préoccupée de fait par la seule liberté du marché. En effet les libertés fondamentales assises sur les droits partagés qui constituent l’individu abstrait ont été transformées en des libertés individuelles qui permettraient à chacune et chacun de se développer concrètement selon ses capacités propres. Dans cette mesure, l’individualité est assimilée à la sphère privée ; et les droits égaux qui assurent des devoirs réciproques sont réduits aux droits de la personne dans sa singularité (Flahaut 2006), dans la concurrence entre les individus soumis à la marchandisation (Calame 2008). L’extraordinaire développement des sciences humaines dans les années soixante du siècle dernier a pu sembler sonner le glas du sujet occidental en tant que monade autonome, consciente et réflexive. À vrai dire, les différentes sciences de l’homme ont plutôt contribué à en approfondir les multiples dimensions. Du côté de la psychanalyse le sujet dans son psychisme s’est révélé se situer à l’intersection des pulsions animées par son corps propre et du refoulé accumulé dans l’expérience de son enfance au sein de la famille nucléaire. À l’anthropologue structuraliste ce même inconscient est apparu comme fondé, au-delà des différences culturelles, dans les structures universelles de l’esprit humain. Dans le débat entre individualisme et holisme méthodologiques, les sociologues n’ont pas manqué de subordonner l’individu aux relations sociales, insérant son existence dans les réseaux contraignants que tissent ces rapports souvent asymétriques. Et les linguistes se sont interrogés sur l’existence d’une grammaire universelle qui traverserait les langues et qui serait à la base de la compétence verbale de tout être humain. Ainsi l’atome-individu abstrait est désormais soumis aux déterminations psychiques, sociales, économiques, culturelles, verbales et bientôt neuronales qui découlent de sa constitution organique et psychique ainsi que son environnement « naturel » et social. Dans les différentes perspectives ouvertes par les sciences sociales, le sujet-individu est donc bien à saisir étymologiquement comme sub-jectum ; en tant que tel, il s’avère constamment soumis à des processus de subjectivation qui dépendent largement de son entourage matériel, familial, social et culturel. Loin d’entraver une autonomie morale et intellectuelle censée asseoir l’individu philosophique dans une liberté fondée sur la conscience de soi, ces paramètres d’ordre aussi bien organique que symbolique contribuent au contraire à l’enrichissement identitaire constant des individus singuliers. Cette fabrication est rendue indispensable par l’extraordinaire plasticité neuronale constitutive de l’être humain, en particulier dans ses manières de se représenter le monde social et l’écologie qui le déterminent et dans les modes de son action sur cet environnement humain et matériel. En se fondant sur les résultats relativement récents d’une part de la paléo-anthropologie, d’autre part de la neurologie, quelques anthropologues contemporains sont allés plus loin. Dans son incomplétude, l’homme ne saurait se développer, ni en tant que genre humain, ni en tant qu’individu, si l’organisation sociale et la culture n’étaient pas là pour activer et réaliser ses capacités neuronales ; la nature cérébrale de l’homme se révélerait ainsi dans son extraordinaire plasticité, une plasticité qui implique la contrainte (Ansermet, Magistretti 2004). Autant du point de vue phylogénétique du développement du genre humain qu’en ce qui concerne l’essence organique de l’homme avec son développement individuel, tout se passe en somme comme si la nature présupposait la culture, voire comme si, pour l’être humain, la culture précédait en quelque sorte la nature (cf. Dortier 2004). En effet, en anthropologie culturelle et sociale, la tendance traditionnelle est d’envisager la culture, de même qu’à l’époque du Romantisme allemand, comme le moyen de combler le vide laissé par la nature incomplète de l’homme. Ainsi Geertz (1973): « En résumé, nous sommes des animaux incomplets ou inachevés et nous nous complétons ou nous nous parachevons nous-mêmes par le biais de la culture ». Par le biais de pratiques d’ordre technique et symbolique où l’activité de la communication verbale joue un rôle essentiel, l’homme se constitue lui-même dans son identité affective et réfléchie ; il se construit en interaction obligée avec les différents cercles communautaires qui contribuent à sa fabrication, en interaction avec leurs différentes conventions et traditions qu’à son tour il adopte. Ce processus d’« anthropopoiésis » se poursuit pendant toute sa carrière d’être humain mortel. L’individu se fabrique à la fois par les autres et pour les autres, avec des spécificités individuelles et des processus de subjectivation qui engendrent des transformations dynamiques, mais aussi des affrontements et des conflits (Affergan et al. 2003). D’un point de vue anthropologique, l’identité complexe de chacun de nous repose donc sur une dialectique subtile entre d’une part la nécessaire fabrication sociale et culturelle de l’homme par ses proches et d’autre part le développement de la singularité de l’individu, avec son autonomie partagée entre identité-idem et identité-ipse (Ricœur 1990). L’épanouissement de l’individu en personne avec sa réflexivité critique dépend, dans l’interaction notamment discursive, des différents réseaux de sociabilité auxquels il appartient dans sa vie intellectuelle et pratique ; son émancipation repose sur les différents statuts que lui confère son action sociale, entre travail, cercle familial, activités culturelles, etc. Sans doute une identité personnelle épanouie est-elle la résultante du croisement pratique de plusieurs niveaux identitaires collectifs, d’ordre également ethnique et culturel (Galissot, Kilani, Rivera 2000). Dans cette mesure l’identité individuelle doit sans doute être garantie en situation postmoderne par une série de droits, mais aussi de devoirs.
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Ros, Soveacha. "Learning to Become Lifelong Global Citizens." Comparative and International Education 39, no. 1 (April 1, 2010). http://dx.doi.org/10.5206/cie-eci.v39i1.9146.

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Abstract:
This study examines transition practices of four international male graduate students from Cambodia pursuing social science degrees at Northern Illinois University (NIU). An interview guide was designed and grounded in three questions: (1) How do informants describe their academic and social experiences during their first year at NIU?; (2) What adaptation resources do they have at their disposal (i.e. on NIU campus, in DeKalb and neighbouring communities, social networks in Cambodia and America)? How do these resources help them to adjust; (3) How do they view themselves as international students at NIU? And, how does this view play a role in their adaptation process? The analysis is drawn upon four individual in-depth interviews. Two informants have been at NIU since August 2006 referred to as Senior 1 and Senior 2. The other two participants have been at NIU since August 2007and are referred to as Junior 1 and Junior 2. Excerpts of critical markers accumulated from interviews are employed to emphasize key themes in the data. Implications for teaching and learning in multicultural education context and literature dealing with similar groups of students from South East Asia are also discussed. Le but de cet article est d’examiner les pratiques d’adaptation de quatre étudiants internationaux de troisième cycle, originaires du Cambodge et qui étudient à la faculté de Sciences de l’Université d’ Illinois du Nord (UIN). Nous avons mis en place un guide pour les interviews où nous les avons interrogés sur les trois questions suivantes: (1) Comment nos informateurs décrivent-ils leurs expériences académiques et sociales pendant leur première année à UIN ? ; (2) À quelles ressources d’adaptation ont-ils accès (par exemple sur le campus de l’UIN, à DeKalb et dans le voisinage, dans leurs réseaux de relations sociales au Cambodge et aux États-Unis) ? Comment ces ressources leurs servent-elles à s’adapter ? ; (3) Comment se perçoivent-ils eux-mêmes en tant qu’étudiants internationaux à UIN ? Et quel rôle joue cette perception dans leur processus d’adaptation ? Cette analyse puise dans les interviews de ces quatre individus. Deux informateurs sont à la UIN depuis août 2006. Nous nous réfèrerons à eux avec les mots anglais Senior 1 et Senior 2. Les autres deux participants sont à la UIN depuis août 2007. Nous nous réfèrerons à eux avec les mots anglais Junior 1 et Junior 2. Nous utiliserons des références critiques de quelques extraits des interviews afin de mettre l’accent sur des thèmes clés dans les données. Pour conclure, nous examinerons les implications pour l’enseignement et l’apprentissage dans des contextes éducatifs multi culturaux et analyserons les résultats d’autres recherches avec des groupes d’étudiants similaires, originaires de l’Asie du Sud Est.
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Sliwinski, Alicia. "Globalisation." Anthropen, 2018. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.084.

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Abstract:
Le concept de globalisation désigne l’interconnexion et l’interdépendance accrues de toute une gamme de relations sociales à l’échelle planétaire recouvrant d’importantes dimensions politiques, économiques, culturelles, environnementales et subjectives. Depuis les années 1980, la globalisation est devenue un discours dominant pour décrire la mise en place d’une nouvelle condition planétaire. Si nul ne nie que la globalisation soit un processus, la période historique qu’elle est censée marquer a fait l’objet de maints débats, aussi bien en anthropologie que dans les autres sciences sociales. Pour certains, la globalisation prend son essor au 19ème siècle avec les bouleversements liés au colonialisme, les avancées technologiques en matière de transport et de communication et l’expansion sans précédent des échanges commerciaux. Pour d’autres, la globalisation réalise la consolidation d’un système capitalisme mondial ou d’une « économie-monde » qui s’organise au 16ème siècle avec la division internationale du travail. Que des parties éloignées de la planète soient reliées entre elles ne date certes pas d’hier : les empires hellénique, romain et mongol ou encore la route de la soie montrent bien que les relations « transnationales » existent depuis longtemps. Cette discussion largement débattue a opposé le camp des « sceptiques » à celui des « globalisants » quant à la nouveauté du phénomène. Notons qu’en français deux termes existent pour désigner l’intensification et la multiplication des connexions et des réseaux reliant différentes parties du monde jadis nettement plus isolées les unes des autres : mondialisation et globalisation. Parfois ils sont utilisés en tant que synonymes, mais il y a lieu d’apprécier la nuance que leur distinction permet (Abélès 2008). La notion de mondialisation insisterait davantage sur les continuités historiques entre le passé et notre contemporanéité – sur le devenir-monde –, alors que la globalisation signale les discontinuités et les ruptures qui permettent d’affirmer que quelque chose de déterminant est apparu à la fin du 20ème siècle dans notre expérience du monde. Il y a au moins trois facteurs décisifs à cet égard : l’essor d’une économie de marché globale, l’ascension de l’Internet et des technologies de communication dans nos vies quotidiennes et l’apparition de mouvements et de politiques identitaires, plus ou moins violents, et parfois clairement orientés contre la globalisation. La phase actuelle de la globalisation est généralement associée à la doctrine du néolibéralisme, mais il ne faut pas les confondre. Le néolibéralisme caractérise le décloisonnement et la réorganisation des champs politiques et économiques dans le but de réduire les obstacles au commerce mondial. Les mesures macroéconomiques du Consensus de Washington introduites dans les années 1980 – telles que la libéralisation du commerce, la déréglementation de l’économie, la privatisation des entreprises nationales et la réduction des dépenses publiques et des impôts –, ont été mises en place pour favoriser le libre-échange entre les États. Avec la chute du bloc communiste qui annonçait, selon certains, « la fin de l’histoire » (Fukuyama 1992) et la preuve que les démocraties libérales étaient les plus aptes à assurer la croissance d’une économie avancée, la globalisation néolibérale a pris son envol. Au cœur de l’idéologie néolibérale siège la croyance que moins il y a d’entraves à une économie de marché globale, plus les pays seront prospères. De fait, la globalisation va grossir la sphère d’influence d’entités supranationales sur les États modifiant leur rapport au territoire et le contrôle de leurs économies nationales. Le triumvirat de la Banque Mondiale, du Fonds Monétaire International et de l’Organisation mondiale du commerce y a joué un rôle clé, mais ces organisations ont également fait l’objet d’intenses critiques et de mobilisations populaires pour avoir creusé le fossé entre les riches et les pauvres. En matière d’économie politique, la globalisation néolibérale a libéré le capital de ses lieux de production : le capitalisme du nouveau millénaire n’est plus caractérisé par la valeur du travail, mais plutôt par la consommation, la délocalisation et la circulation sans précédent de flux financiers transnationaux, souvent spéculatifs, générant la concentration d’immenses fortunes, mais aussi de nouvelles formes d’exclusion et de dépossession. Parmi les gagnants, soulignons l’essor fulgurant des compagnies technologiques. De fait, le « numérique » exerce une influence considérable dans les nouvelles grammaires culturelles, symboliques et identitaires. Il est couramment entendu que c’est le rapport au temps et à l’espace que la globalisation a profondément altéré. Selon David Harvey (1989), la globalisation exprime la compression de l’espace et du temps, accélérant les processus économiques et sociaux. Elle a créé de nouvelles configurations sociales et technologiques ayant radicalement réduit le temps des échanges et des déplacements. Depuis, l’espace ne cesse de se réduire et le temps de s’accélérer. Pour Anthony Giddens (1990), il s’agit davantage d’un élargissement de l’expérience vécue de ces catégories, et de leur séparation, si bien que la globalisation implique le désenclavement (disembedding) des relations sociales de leurs contextes locaux. Ici, la globalisation prolonge et affermit le processus d’individualisation de la société entamé au 19ème siècle. Un troisième penseur de la globalisation parmi les plus cités est Manuel Castells (1998) qui a avancé l’idée de la société en réseau. Cette nouvelle société réticulaire, informationnelle et globale, est issue de la révolution technologique ayant profondément transformé les modes d’organisation économique, les modalités du travail (et leur contenu), ainsi que les pratiques sociales reliées au temps et à l’espace. À partir de ces thèses notoires, nous pouvons identifier quelques paramètres pour mieux cerner la globalisation : le mouvement accru du capital, des personnes, des marchandises, des images et des idées ; l’intensification des réseaux qui relient différentes parties du globe ; l’élargissement et la déterritorialisation de pratiques sociales, culturelles, politiques et économiques au-delà des frontières ; enfin l’imbrication du local au global, et vice versa, dans nos expériences vécues du monde. Ces dynamiques restent pertinentes, mais nous aurions tort de croire que la globalisation est un phénomène total et achevé. La société en réseau n’est pas uniformément distribuée et la géographie de la globalisation expose combien cette dernière encourage la concentration des activités économiques, politiques et culturelles dans quelques grands centres et mégapoles. Si d’un côté la globalisation tend à homogénéiser les cultures quand les contextes locaux assimilent des produits culturels importés – on a parlé de l’américanisation, de la McDonaldisation et de l’aplatissement du monde –, elle entraine tout autant des formes de fragmentation et de recomposition des identités ethniques et culturelles. De vifs débats ont cherché à déterminer si la globalisation produisait plus de standardisation ou de diversité, d’intégration ou de désintégration, et si ces processus s’avéraient avantageux ou non. Les questions d’échelle sont importantes et les anthropologues ont adopté des approches plurielles pour éviter les interprétations qui ont « tendance à se produire dans l’espace raréfié de la méta-histoire et des généralités abstraites » (Barber et Lem 2004). Jonathan Friedman (2008) envisage la globalisation sous l’angle de la modernité, entendue comme le champ culturel du capitalisme commercial. La globalisation s’articule alors au développement d’un ethos cosmopolitique dont l’essor continue d’infléchir la « forme sociale du monde » (Agier 2013). Les analyses anthropologiques ont mis l’accent sur les flux et les disjonctions que la globalisation entraine (Appadurai 1996), les nouveaux assemblages politiques, technologies et éthiques (Ong et Colier 2005), l’hybridité et la créolisation (Hannerz 1987), la circulation des marchandises et des valeurs dans les contextes non hégémoniques de la « globalisation-par-le-bas » (Ribeiro 2012; Haugerud et al. 2001), la création de « non-lieux » caractéristiques de la surmodernité (Augé 1992), ou les frictions que les nouvelles articulations entre le local et le global entrainent (Tsing 2005). Par ailleurs, la globalisation a eu des répercussions sur les méthodologies de l’anthropologie : on assiste à une plus grande réflexivité dans la pratique de terrain qui devient lui-même multisites (Marcus 1995). Il s’agit également de révéler les liens entre le micro et le macro et ce qui y circule, s’y négocie ou se conteste. Toutefois, au niveau épistémologique la globalisation n’a pas la même valence que la notion de culture. Peut-on parler d’une culture globale et faire une ethnographie du global ? Marilyn Strathern (1995) notait que le global risquait d’être un concept autoréférentiel puisqu’il n’offre pas de point de vue sur le monde : il ne donne pas à voir les relations sociales qui sont rendues manifestes dans des ancrages locaux. Ces questions ne sont pas tranchées et renvoient à la portée herméneutique accordée au global en tant que contexte dans et par lequel la pratique anthropologique opère, en tant qu’objet bon à penser, sur lequel agir, et qui libère de nouveaux imaginaires. Le 21ème siècle maintenant bien entamé, force est de constater que la globalisation a creusé les inégalités entre les nations, les régions et les classes sociales. En 2017, plus de 80 % de la richesse mondiale a été empoché par 1 % de la population (Oxfam 2018). Ces rapports d’inégalité ne s’expriment pas uniquement en termes économiques, mais aussi selon le genre et le degré d’exposition au risque. Ils alimentent également des mouvements de paniques morales face à diverses sortes d’indésirables, qu’il s’agisse de pandémies, de terroristes, de migrants ou de réfugiés. Les politiques identitaires, exacerbées dans l’exutoire des réseaux sociaux, sont un corollaire qui polarise l’espace politique autant par le « haut » (quand les gouvernements promeuvent des nationalismes xénophobes) que par le « bas » (quand les minorités revendiquent la reconnaissance de leurs droits). Ces tensions profondes forcent à repenser le paradigme de l’État-nation dont la souveraineté affaiblie expose la désuétude d’un modèle d’exercice du pouvoir. L’utopie de la globalisation s’est essoufflée et d’autres concepts sont apparus, tels ceux de capitalocène et d’anthropocène pour accuser les maux engendrés par le capitalisme et l’impact délétère des activités humaines sur la planète. Comment infléchir les pathologies de la globalisation pour y remédier est sans doute l’enjeu principal de notre avenir commun.
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Caroline, Hervé. "Réconciliation." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.113.

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La réconciliation est une préoccupation contemporaine qui oriente les politiques et les actions des institutions et des individus dans certains contextes nationaux et internationaux. Les politiques de réconciliation se déploient à la suite d’épisodes traumatiques dans le but de rebâtir des relations de confiance et de respect entre des États et des individus ou des groupes brimés. Elles se développent également dans les démocraties modernes dans le but de réparer la relation entre certains groupes et engager les pays dans des processus de démocratisation et d’inclusion des différents groupes culturels, ethniques et sociaux. Souvent édictées comme des politiques nationales, elles s’implantent à travers des mesures concrètes dans les différents niveaux institutionnels de la société et orientent les discours dominants. La question de la réconciliation a reçu l’attention des chercheurs en sciences sociales, en droit, en science politique, en philosophie morale, mais également en littérature ou en théologie. Il s’agit d’un objet dont l’anthropologie s’est emparé récemment en montrant la diversité des contextes dans lesquels il se déploie, les rapports de pouvoir sous-jacents et les significations variées que les différents groupes sociaux lui assignent. La réconciliation, comme projet politique national, est souvent mise en place à la suite des travaux d’une Commission de vérité et réconciliation (CVR) visant à éclairer certains troubles politiques et restaurer la justice sociale ou un nouvel ordre démocratique dans une optique de justice réparatrice. La Commission nationale d’Argentine sur la disparition des personnes (1983) est considérée comme la première d’une longue série de commissions qui ont enquêté sur des situations de troubles politiques, de guerres civiles, de répressions politiques, de génocide. Plus d’une quarantaine de commissions ont été dénombrées depuis cette date (Richards et Wilson 2017 : 2), principalement en Afrique (Tunisie, Burundi, Côte d’Ivoire, Togo, etc.), dans les Amériques (Canada, Pérou, Brésil) ou encore en Asie (Timor oriental, Népal, etc.). Parmi les plus importantes, on compte la Commission nationale de vérité et de réconciliation du Chili (1990-1991) qui a documenté les circonstances des milliers de disparitions et de morts sous la dictature d’Augusto Pinochet et préparé le pays vers une transition démocratique. La Commission de vérité et de réconciliation d’Afrique du Sud (1996-1998) visait quant à elle à recenser toutes les violations des droits de l’homme commises dans le pays au cours des décennies précédentes et à mettre fin à l’apartheid. La plupart du temps, ces commissions sont le résultat de pressions exercées par des groupes d’activistes au sein d’un État, ou, comme c’est de plus en plus souvent le cas, de pressions exercées au niveau international par les organisations non gouvernementales ou d’autres mouvements politiques. Elles constituent des organismes indépendants des appareils judiciaires et leur objectif premier est d’enquêter sur les coupables et les victimes et d’émettre des recommandations en vue de restaurer la paix (Richards et Wilson 2017 : 2). Ces Commissions de vérité et réconciliation s’appuient sur des principes de droit international, mais certains auteurs y voient aussi la résurgence d’une éthique religieuse à travers l’importance donnée au concept de pardon, central dans plusieurs religions du Livre, comme l’Ancien Testament, le Nouveau Testament ou encore le Coran (Courtois 2005 : 2). Les anthropologues ont montré qu’en fonction des méthodologies utilisées lors des enquêtes, les discours sur la vérité peuvent varier. Ainsi, certaines histoires ou expériences sont rendues visibles tandis que d’autres sont oubliées (Buur 2000, Wilson 2003, Ross 2002). Au fil du temps, les CVR ont eu des mandats, des prérogatives et des applications différents. En témoigne la CVR du Canada qui avait pour but, non pas d’assurer la transition d’un pays autocratique vers une démocratie, mais de lever le voile sur les expériences de déracinement et de violence vécues par les peuples autochtones au sein des pensionnats. À l’image du travail de Susan Slyomovics (2005) sur la Commission du Maroc, les anthropologues ont analysé les programmes de réparation et de restitution mis en place par certaines commissions. Ils ont aussi montré que certains groupes sociaux restaient marginalisés, comme les femmes (Ross 2002). Theidon (2013), dans son travail sur la commission de vérité et réconciliation du Pérou, a montré de son côté que les CVR oublient souvent d’inclure des enquêtes ou des discussions sur la façon dont les violences politiques détruisent les relations familiales, les structures sociales ou les capacités de production économique de certains groupes. Les anthropologues permettent ainsi de mieux comprendre les perspectives des survivants face au travail et aux recommandations de ces commissions en documentant la diversité de leurs voies et de leurs expériences. Ils montrent que la réconciliation est avant tout un projet construit politiquement, socialement et culturellement. La réconciliation est un objectif central à la plupart des CVR, mais elle est un objectif qui la dépasse car elle est la plupart du temps mise en place une fois que la CVR a achevé ses travaux et émis ses recommandations. Les CVR ont en effet rarement l’autorité de mettre en place les recommandations qu’elles édictent. Les anthropologues Richards et Wilson (2017) présentent deux versions de la réconciliation en fonction des contextes nationaux : une version allégée (thin version) à travers laquelle les politiques nationales encouragent la coexistence pacifique entre des parties anciennement opposées ; et une version plus forte (thick version) lorsque des demandes de pardon sont exigées à ceux qui ont commis des crimes. Si la réconciliation suppose qu’un équilibre puisse être restauré, il n’en reste pas moins qu’elle se base sur une interprétation spécifique de l’histoire (Gade 2013) et qu’elle participe à la construction d’une mémoire individuelle, collective et nationale. Cette notion permet donc d’offrir un cadre souple aux élites qui prennent en charge le pouvoir après les périodes de troubles pour que celles-ci puissent (re)légitimer leur position et les institutions politiques, souvent héritières de ce passé qu’on cherche à dépasser (Richards et Wilson 2017 : 7). Ce discours sur la réconciliation vise ainsi à instiller des valeurs morales publiques et construire une nouvelle image commune de la nation. Selon Wilson, les CVR seraient des modèles promus par les élites politiques pour construire une nouvelle harmonie qui permettrait d’occuper la conscience populaire et la détourner des questions de rétribution et de compensation financière. Le nouvel ordre politique est présenté comme étant purifié, décontaminé et déconnecté avec l’ancien ordre autoritaire, une façon de construire une nouvelle vision de la communauté en inscrivant l’individu dans un nouveau discours national (Wilson 2003 : 370). La réconciliation, comme projet politique national, ne fait en effet pas toujours l’unanimité. Par exemple, elle est devenue une véritable préoccupation collective au Canada depuis la remise du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada en 2015, mais le sens donné à celle-ci varie. Même si le rapport de la CVRC prévient qu’il n’y a pas une vérité ou une vision de la réconciliation (CVRC 2015 : 14) et que pour les Autochtones, la réconciliation exige aussi une réconciliation avec le monde naturel (CVRC 2015 : 15), ce processus national est vivement critiqué par certains intellectuels autochtones, comme Taiaiake Alfred (2016), pour qui la réconciliation est un processus de « re-colonisation » qui occulte la dynamique coloniale encore à l’œuvre (Alfred 2011 : 8). Cette critique se retrouve dans d’autres contextes postcoloniaux, comme en Nouvelle-Zélande ou en Australie, où les excuses proférées par les gouvernements concernant les différentes formes d’injustice subies par les peuples autochtones oblitèrent les enjeux les plus cruciaux, à savoir la nécessité d’abolir les politiques coloniales et de faire avancer les projets d’autonomie politique des Autochtones (Johnson 2011 : 189). La réconciliation est constitutive de toute relation sociale et en ce sens elle peut être instrumentalisée au sein de discours visant à faire ou défaire les liens sociaux (Kingsolver 2013). C’est donc aussi là que se situe l’enjeu de la réconciliation, sur la capacité à s’entendre sur ce qu’est une bonne relation. Borneman définit la réconciliation comme un au-delà de la violence (departure from violence), c’est-à-dire comme un processus intersubjectif à travers lequel deux personnes ou deux groupes tentent de créer une nouvelle relation d’affinité, non plus marquée par la violence cyclique, mais par la confiance et l’attention réciproques ; cela étant possible seulement si les États instaurent des politiques de réparation et que la diversité des points de vue des personnes concernées par ces politiques est prise en compte (Borneman 2002 : 282, 300-301). En ce sens, une lecture anthropologique au sujet de la réconciliation permet de développer une réflexion critique sur la réconciliation en la considérant avant tout comme une préoccupation politique contemporaine dont il s’agit de saisir le contexte d’émergence et les articulations et comme un processus à travers lequel les individus tentent, à partir de leurs points de vue respectifs, de redéfinir les termes d’une nouvelle relation. La discipline anthropologique est en effet à même de mettre au jour les rapports de pouvoir inhérents aux processus de réconciliation, de révéler les significations culturelles sous-jacentes que les différents acteurs sociaux attribuent au pardon, à la réconciliation ou encore à ce qui constitue les bases d’une relation harmonieuse. L’anthropologie peut enfin lever le voile sur les dynamiques de réciprocité et de don/contre-don qui se déploient au travers de ces processus et ainsi décrypter les multiples dimensions qui participent à la fabrique des sociétés.
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Diasio, Nicoletta. "Frontière." Anthropen, 2016. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.033.

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Abstract:
L'anthropologie en tant que discipline scientifique s'est institutionnalisée de manière concomitante à l'affirmation de l'État-nation, aux entreprises coloniales et au souci politique de comprendre et gérer ces diversités censées menacer la cohésion sociale et la légitimité des institutions centrales: 'paysans', 'criminels', 'sauvages', 'indigènes' deviennent à la fois des objets de connaissance et de régulation. La question de la frontière s'est donc posée à double titre : à l'intérieur, dans la démarcation entre cultures savantes et cultures populaires, entre « modernité » et « survivances folkloriques », entre majorité et minorités, et à l'extérieur, dans le rapport aux sujets coloniaux. Toutes les anthropologies ont ainsi face au rapport « centre-périphérie », avec le souci de donner voix à des populations inécoutées, même si parfois cette opération a contribué à les constituer comme « autres ». Mais l'anthropologie a également contribué à montrer le caractère dynamique des frontières, leur épaisseur dense de toutes les potentialités du désordre, de l'informel (Van Gennep 1922; Douglas 1966; Turner 1969) et de la créativité culturelle (→) : en définissant les limites d'un système ou d'un monde, la frontière peut devenir le centre d'un autre. Une buffer-zone peut se constituer en État; dans les friches urbaines des quartiers, des sociabilités, des rituels inédits prennent forme; dans les frontières se donne à voir le caractère non essentialiste, négocié et performatif des identifications ethniques (Barth 1969). Le transnationalisme, la déterritorialisation, les flux de personnes, technologies, finances, imaginaires, marchandises accentuent ce processus et engendrent des réalités segmentées (Appadurai 1996): fractures et frontières dessinent des zones de contact (Pratt 1992) où le jeu des interactions produit aussi bien des pratiques et des imaginaires spécifiques, que des conflits et des relations de pouvoir. Par les frontières, le pouvoir se rend visible que ce soit par des stratégies de définition du centre, que par leur corollaire, la mise en marge et la création de discontinuités : « Une anthropologie des frontières analyse comment nations, groupes ethniques, religions, États et d'autres forces et institutions se rencontrent et négocient les conditions réciproques, dans un territoire où toutes les parties en cause s'attendent à rencontrer l'autre, un autre de toute manière construit par nous » (Donnan et Wilson, 1998 : 11). Pour les populations jadis colonisées, migrantes ou diasporiques, vivre la frontière, la porter en soi, constitue le jalon de stratégies identitaires et donne accès à un espace tiers (→) où on compose entre les enracinements à une patrie déterritorialisée et de nouvelles appartenances (Bhabha 1994; Pian 2009). Ce sujet qui se construit dans une situation de frontière n’est toutefois pas la prérogative de populations déplacées. Comme nous le rappelle Agier (2013), il constitue le soubassement d’une condition cosmopolite, au cœur de laquelle, la frontière devient l’espace, le temps et le rituel d’une relation. La frontière est centrale car elle nous rappelle concrètement qu’il n’y a pas de monde commun sans altérité : « pour l’anthropologie de la condition cosmopolite, il s’agit de transformer l’étranger global, invisible et fantomatique, celui que les politiques identitaires laissent sans voix, en une altérité proche et relative » (Agier 2013 : 206). Dans cette anthropologie qui déjoue le piège identitaire (Brubaker et Cooper 2000) et le refus de l’autre, connaissance et reconnaissance (→) vont ensemble. Cette liminarité féconde est au cœur d'une anthropologie non-hégémonique. Mais loin d'en constituer uniquement un objet d'étude, elle désigne également une posture épistémologique. Elle nous invite à déplacer le regard du centre aux marges des lieux de production intellectuelle, à en interroger la créativité, à analyser comment les frontières entre savoirs sont reformulées et comment elles sont mises en œuvre dans les pratiques de recherche. Ce décentrement interroge différents niveaux: un déplacement géographique qui implique une connaissance et une valorisation de ce qui se fait en-dehors des foyers conventionnels de production et de rayonnement scientifique de la discipline. Ces productions sont parfois peu connues en raison d'une difficile compréhension linguistique, à cause d'une rareté d'échanges liée à des contextes de répression politique, ou encore par l'accès difficile au système de l'édition. Un déplacement du regard en direction de ce qui est produit en-dehors des frontières des institutions universitaires et académiques, la professionnalisation de la discipline impliquant un essaimage des anthropologues dans les associations, dans les ONG, dans les entreprises, dans les administrations publiques. Comment, compte tenu des exigences de rigueur théorique et méthodologique de la discipline, ces productions en marge des centres de recherche institués, participent au renouvellement et à la revitalisation de l'ethnologie? Une anthropologie non hégémonique s'interroge également sur les sujets frontières de la discipline: elle est là où les limites bougent, là où une frontière en cache une autre, où les conflits éclatent, auprès d'interlocuteurs à qui le savoir officiel a longtemps nié la légitimité de parole et de subjectivité. Elle questionne une autre opération de bornage interne à sa constitution : une discipline ne se reconnaît pas uniquement pour ce qu'elle accepte à l'intérieur de ses frontières, mais aussi par ce qu'elle rejette et reformule. Ces processus d'inclusion, de purification et de catégorisation donnent lieu à des configurations spécifiques et constituent un analyseur des spécificités intellectuelles locales. Leur analyse permet aussi de s'interroger sur ces situations de croisement entre savoirs favorisant l'innovation scientifique. La tension entre anthropologies centrales et périphériques rejoint enfin la question de l'hégémonie dans les rapports entre sciences, avec tout ce que cela implique en termes de légitimité et de reconnaissance: ainsi l'opposition entre sciences 'dures' et 'molles', les paradigmes qui inspirent les dispositifs d'évaluation disciplinaire, les hégémonies linguistiques.
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Giordano, Christian. "Nation." Anthropen, 2017. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.048.

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Abstract:
La meilleure définition de la nation est sans doute celle que propose Benedict Anderson lorsqu’il parle de communauté politique imaginée (Anderson, 1983). Ce faisant Anderson met en doute la validité de certaines caractéristiques mystificatrices, quoique considérées comme objectives, attachées au concept de nation. Cette critique s’adresse à Ernest Gellner et à Eric J. Hobsbawn qui eux mettent en évidence l’invention et donc le caractère mystificateur attaché à l’idée de nation (Gellner, 1983, Hobsbawm and Ranger, 1983). La posture théorique spécifique qu’adoptent Gellner et Hobsbawn ne saurait surprendre, car le premier est issu d’un terreau philosophique et méthodologique de type néopositiviste, tandis que Hobsbawm est notoirement associé à un marxisme modéré. Anderson, avec son idée de nation comme communauté politique imaginée, se trouve être très proche des positions de type interprétatif. Il évoque de ce fait indirectement Max Weber selon lequel il est fondamental de reconstruire le sens que les acteurs eux-mêmes, en tant que membres d’une société, donnent à leur comportement. Lorsque Anderson définit la nation comme une communauté politique imaginée, il insiste sur le fait que les membres individuels de ces groupes sociaux, bien que ne se connaissant pas personnellement et que n’ayant fort probablement pas l’occasion de se rencontrer durant leur vie, partagent le même sentiment d’appartenance (Anderson, 1983: 15). La nation est imaginée comme une entité circonscrite et par conséquent démographiquement définie, même si ses frontières peuvent varier en fonction de circonstances historiques particulières. En fait une nation peut s’étendre ou se rétrécir du point de vue de son territoire comme c’est le cas de certaines nations d’Europe centrale et orientale (Hongrie, Roumanie, Bulgarie etc.). L’essentiel de ce caractère limité du point de vue structurel et démographique réside cependant dans le fait qu’aucune nation ne souhaite inclure l’humanité entière. En reprenant une réflexion de Max Weber, on peut remarquer que la nation est imaginée comme une communauté partiellement ouverte vers l’extérieur parce qu’il est inacceptable que n’importe quel membre du genre humain en fasse partie. La nation est en outre imaginée comme une communauté d’égaux, liés entre eux par d’étroites relations de fraternité et de parenté réelle, rituelle ou symbolique, même si cela ne correspond pas à la réalité socio-structurelle et à la dimension de la société. Car dans toute société nationale il existe d’évidentes inégalités sociales et des divisions entre couches, classes, castes ou milieux. Enfin la nation est imaginée comme étant souveraine, à savoir comme une communauté politiquement indépendante, même si ce n’est pas toujours le cas. De fait il existe encore aujourd’hui des nations sans État mais qui aspirent à l’indépendance et donc à se constituer en société souveraine pourvue d’un État propre. Le débat au sujet du rapport entre nation et nationalisme est encore vif. Anthony D. Smith pense que la nation précède le nationalisme et que ce dernier est la conséquence logique de l’émergence des nations même dans des époques fort lointaines (Smith, 1998). A cause de son point de vue, Smith s’est vu reprocher d’être primordialiste dans la mesure où il voit l’origine de la nation dans des temps archaïques. Gellner pour sa part a pris le contrepied de cette perspective, en mettant en évidence le fait que la nation est un phénomène social issu de la modernité occidentale, grâce aux inventions industrielles et en premier lieu grâce à l’imprimerie, mais également à son nouveau système économique capitaliste allant de pair avec l’émergence de classes entrepreneuriales à la recherche de nouvelles ressources primaires et de nouveaux marchés (Gellner 1983) Les nouveaux États-nations issus de ces mutations ont obtenu leur légitimité grâce à la rhétorique nationaliste. C’est donc le nationalisme qui génère l’idée de nation et non l’inverse, ainsi que le prétendent la majorité des auteurs de tendance primordialiste. Le nationalisme est l’instrument idéologique essentiel pour les nations sur lesquelles viennent se fonder les nouveaux États, en tant qu’institutions politiques de la modernité. Selon la thèse de Gellner, le nationalisme représente la formule politique nécessaire pour justifier l’exercice du pouvoir de la part des classes politiques dans les États-nations (Mosca 1966). L’organisation politique spécifique de la nation en tant que communauté imaginée est l’État-nation qui trouve sa source dans l’Europe de la fin du 18e siècle. Toutefois il serait faux de parler d’un modèle d’État-nation universel. On peut en effet distinguer deux types idéaux d’État-nation, à savoir le modèle français et le modèle allemand (Brubaker 1992). On a souvent observé que le modèle français de l’État-nation est fondé sur l’idée de nation politique. Selon cette vue l’État-nation serait le résultat d’un pacte politique, voire d’un contrat entre les citoyens de cet État-nation. C’est dans ce sens que Jules Renan a défini la nation et son organisation politique comme le résultat d’un plébiscite de tous les jours. Il s’agit de souligner par cette formule que la nation française et son État consistent en théorie en une communauté élective. Ce type d’État-nation est donc une patrie ouverte au sein de laquelle les différences religieuses et ethniques n’ont, du moins en théorie, aucune importance (Dumont 1991: 25). On sait bien que cette conception non ethnique de la nation, postulée par la Révolution française a été modifiée plusieurs fois jusqu’à présent. En fait les Constitutions de 1791 et 1793 garantissaient la citoyenneté à toute personne étrangère habitant la France et par conséquent il n’était pas nécessaire d’avoir acquis l’identité française. Autrement dit il était possible d’obtenir la citoyenneté sans avoir acquis auparavant la nationalité, à savoir avant d’adopter certains traits culturels particuliers et certains comportements passant pour typiquement français (Weil, 2002). La séquence citoyenneté-nationalité sera pourtant inversée déjà au 19e siècle avec l’introduction de certains prérequis culturels comme la connaissance de la langue nationale, sans compter l’adoption d’un style de vie considéré comme français. Bien qu’affaiblie par les diverses modifications du code de la nationalité dans les années quatre-vingt-dix (Loi Pasqua de 1993 et Loi Guigou de 1998), l’idée originale de citoyenneté n’a jamais vraiment été abandonnée jusqu’à maintenant. L’État français se fonde sur une conception subjective, voire individualiste de la nation en fonction de laquelle tout étranger habitant l’hexagone peut encore aujourd’hui devenir citoyen français grâce au processus d’assimilation. Les différences, les identités et les frontières ethnoculturelles ne sont jamais définitivement insurmontables. Du moins en théorie, tout être humain est intrinsèquement capable de devenir membre de la nation. Le revers de la médaille est que, en fait, l’État-nation français a toujours eu de grandes difficultés à reconnaître les minorités ethnoculturelles. Ces dernières furent systématiquement assimilées de force durant tout le 19e siècle et sont aujourd’hui encore ignorées. La conception allemande de la nation a été définie comme ethnique. Il en est issu un modèle d’État-nation fondé sur la généalogie et sur l’origine commune de ses citoyens. L’idée de nation et partant d’État-nation, a souvent été mise en relation avec le concept de Volk, en tant que peuple synonyme de nation. Toutefois durant le 18e siècle la notion de Volk ne possédait pas encore cette connotation ethnique qui, selon certains auteurs, devient « l’explosif le plus dangereux des temps modernes » (Finkielkraut, 1987: 56 ss.). L’ethnicisation du Volk a lieu au milieu du 19e siècle grâce à un important groupe d’intellectuels parmi lesquels il faut compter des politiciens, des artistes, des juristes, des philosophes, des historiens, des folkloristes etc. Cependant, la véritable transformation politico-légale intervient avec l’introduction d’un concept restrictif du jus sanguinis (Pierre-Caps 1995: 112). Le nationalisme radical de l’après Première Guerre mondiale a favorisé l’ethnicisation graduelle du modèle allemand qui a connu son apogée durant le national-socialisme avec les lois de Nürenberg dans lesquelles la racialisation du Volk et de l’État-nation allemand est légalisée. Cependant, après le Deuxième Guerre mondiale, dans l’Allemagne divisée, la République fédérale allemande (RFA) aussi bien que la République démocratique allemande (RDA) ont conservé les marques de la conception unitaire et ethnique du Volk et du jus sanguinis bien visibles, même après la réunification de 1990. Il est symptomatique à cet égard que les descendants d’Allemands « rentrés » de l’Europe orientale et de l’ex-URSS aient obtenu la nationalité, grâce à l’idée de Volk et de jus sanguinis, en un rien de temps, au contraire des millions d’immigrés, notamment d’origine turque, qui étaient confrontés aux plus grandes difficultés sur le chemin de l’acquisition de la nationalité allemande. On n’observe un léger assouplissement de l’ethnicisation qu’après 1999, principalement durant le gouvernement du chancelier social-démocrate Gehrard Schröder. Ce n’est cependant qu’aux enfants d’immigrés nés en Allemagne que les lois adoptées par ce gouvernement ont accordé certaines facilités pour obtenir la nationalité allemande Les deux prototypes cités ont inspiré de nombreux États-nations, européens ou non, ce qui en a fait des modèles de référence au niveau mondial. Le modèle français comme le modèle allemand poursuivent tous les deux le projet d’une nation cherchant à se procurer une organisation politique - l’État-nation - capable de garantir une homogénéité culturelle qui, à son tour, garantit la stabilité politique. La différence se trouve dans les deux manières de procéder pour y parvenir. Le modèle français, étant fondé sur le caractère subjectif et individualiste de la nation, rend accessible à l’étranger, du moins en principe, la voie de l’acculturation et par conséquent de sa pleine intégration et inclusion dans la communauté nationale grâce notamment à l’institution du jus soli. Le modèle allemand en revanche, est fondé sur le caractère objectif et collectif de la nation, selon une vision essentialiste et très rigide de l’appartenance ethnique, soumise au jus sanguinis. L’appartenance à la nation allemande comporte, du fait qu’elle est extrêmement restrictive, une forte tendance à l’exclusion de qui ne possède pas les requis ethniques. Les deux modèles ont tous deux connu depuis toujours de grandes difficultés à reconnaître la diversité culturelle, et ils présentent par conséquent une certaine incompatibilité avec la pluriethnicité et la multiculturalité. Cela n’est pas surprenant puisque les deux modèles se proposent de réaliser le projet d’une nation, d’un État souverain, d’un territoire monoethnique. Pour un tel projet la diversité ethnico-culturelle est forcément dysfonctionnelle. Dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix du siècle passé, dans le cadre d’une globalisation galopante, plus apparente d’ailleurs que réelle, et avec l’ouverture des frontières qui suivit la chute de l’Union soviétique, de nombreux auteurs bien connus, en sciences sociales comme en anthropologie, pensaient que l’idée de nation appartenait davantage au passé qu’au présent ou au futur. On croyait que les sociétés étaient devenues transnationales, à savoir qu’elles deviendraient plus fluides, ou comme le remarquait le philosophe Zygmunt Bauman, qu’elles allaient proprement se liquéfier (Bauman 2000) C’est la notion de transnationalisme qui apparaît le plus souvent pour indiquer la capacité personnelle ou collective de dépasser les barrières culturelles et les frontières nationales et de passer d’une appartenance et d’une identité à l’autre avec la plus grande facilité. Ceux qui adoptent l’approche du transnationalisme considèrent ainsi la société comme un œcoumène global dans lequel les individus aux identités devenues désormais nomades, vivent et interagissent dans des milieux cosmopolites (ceux que l’on appelle les ethnoscapes) marqués par l’hybridation et la créolisation culturelle (Appadurai 1996). Cependant, cette vision suggestive et optimiste, inhérente à l’utilisation du préfixe trans, ne semble adéquate que pour l’analyse de certains groupes minoritaires au statut social élevé, comme par exemple certaines élites migrantes dîtes aussi expats (managers allemands à Tokyo, opérateurs financiers américains à Hong Kong, correspondants de presse au Moyen-Orient, spécialistes en informatique indiens à la Silicon Valley, etc.). Vouloir étendre à la société globale cet aspect spécifique de la complexité culturelle, voire même lui donner une orientation normative, serait entreprendre une nouvelle et dangereuse réification de la vision utopique du métissage universel. En fait, la réalité est bien différente de ce scénario global si optimiste. Les guerres en ex-Yougoslavie ont mis en évidence déjà dans les années quatre-vingt-dix du siècle dernier que l’idée de nation était encore importante et que la fin de l’histoire évoquée par Francis Fukuyama (Fukuyama 1992), comme réalisation d’une unique société globale sans différences nationales, était bien loin de la réalité. A vrai dire les deux premières décennies du vingt-et-unième siècle ont vu, surtout en Europe, le retour inattendu de la nation avec la montée des mouvements régionalistes d’une part et du populisme nationaliste d’autre part, ce que l’on peut interpréter comme deux expressions et stratégies de la résistance contre certaines conséquences des processus de globalisation. Les premiers ont réinterprété le concept de nation pour des revendications régionales à l’intérieur d’entités pluriculturelles de vieille date (Catalogne et Ecosse s’opposant respectivement à l’Espagne et à la Grande Bretagne). Les seconds utilisent en revanche le concept de nation pour mobiliser la population contre les immigrants et les réfugiés, ces derniers étant considérés par les mouvements populistes comme une menace contre l’intégrité nationale.
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Goodale, Mark. "Droits humains." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.093.

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Abstract:
En tant que sous-domaine émergeant de l'anthropologie sociale et culturelle, l'anthropologie des droits humains a contribué à la théorie et à la méthodologie de diverses manières. Il a également apporté des contributions en dehors de la discipline puisque les juristes internationaux, les responsables politiques et les représentants du gouvernement se réfèrent à l'anthropologie des droits humains comme source d'informations et d'idées au sujet des droits humains dans les documents politiques, les rapports aux agences gouvernementales et dans les principaux discours publics (voir par ex. Higgins 2012, 2013). Culture En tant que catégorie d'organisation de la différence, la culture était dès le départ problématique pour les droits humains. Dans sa Déclaration sur les droits de l'homme de 1947, Melville Herskovits craignait que la diversité et la richesse culturelles ne soient incompatibles avec les droits humains, en affirmant des modèles transculturels de croyances et de pratiques normatives contredisant les preuves anthropologiques et en menaçant d'ignorer la culture au sein de l'économie politique de l'ordre de l’après-guerre. En dépit de ces préoccupations, la diversité culturelle n'a pas été affectée par la promulgation de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948. Ceci, en grande partie, est dû à l'influence plus large des droits humains, sans parler de la transformation globale imaginée par Herskovits, qui a immédiatement été bloquée par la Guerre froide. Même Eleanor Roosevelt a reconnu que le projet des droits humains prendrait des années, voire des décennies, et que les modèles culturels ne commenceraient à changer que lorsque ce qu'elle appelait une «vigne curieuse» prendra racine puis se répandra dans des lieux où « les gouvernements ne l’attendent pas » (cité dans Korey 1998). Au moment où ce genre de changement à grande échelle a commencé, les anthropologues des droits humains ont observé que l'impact sur la culture défiait la dichotomie entre particularisme et universalisme et que la culture elle-même facilitait la transnationalisation des normes des droits humains. Dans le volume novateur Culture and Rights (« Culture et Droits ») (2001), les anthropologues qui se sont penchés sur une décennie de recherche ethnographique après la fin de la Guerre froide ont remarqué deux phénomènes clés à l'œuvre. Dans la première, les pratiques culturelles et les modes de compréhension normatifs existants ont servi de mécanismes à ce que Sally Engle Merry (2006a) décrira plus tard comme la «vernacularisation», à savoir l’application de normes internationales des droits humains de plus en plus hégémoniques dans des formes de pratique éthique et politique ancrées dans le particulier. Et dans la seconde, les spécialistes de Culture et Droits ont décrit et théorisé l'émergence d'une culture transnationale des droits humains. Ici, un compte rendu anthropologique de la culture s'est avéré utile pour comprendre la formation de nouvelles catégories d'action collective au sein des agences internationales, des ONG transnationales et des mouvements politiques et sociaux façonnés par les logiques des droits humains. Dans les deux cas, l'utilisation par les anthropologues du concept de culture pour comprendre la pratique des droits humains a évolué à contre-courant de la théorie anthropologique et sociale, sceptique sur l'utilité analytique de la culture face à l'hybridation supposée de la mondialisation. Pouvoir Les droits humains, comme Burke aurait pu le dire, agissant à travers les gens, c'est du pouvoir; et «les gens prévenants, avant qu'ils ne se déclarent, observeront l'usage qui est fait du pouvoir; et surtout d'éprouver quelque chose comme l’exercice d’un nouveau pouvoir sur des personnes nouvelles, dont les principes, les colères et les dispositions ont peu ou pas d'expérience »(Burke 1919 [1790]: 7, souligné par l’auteur). Les anthropologues des droits humains ont été très attentifs à un autre problème initialement identifié par Herskovits: la manière dont un projet global de droits humains crée des tensions accrues au sein des conflits d’intérêts existants en éliminant toutes formes alternatives de changement social et de résolution des conflits. Bien sûr, du point de vue des défenseurs des droits humains, c'est un pouvoir exercé pour le bien; en effet, comme l'expriment avec force les traités internationaux comme la CEDAW, le projet des droits humains d'après-guerre exige le changement, le remplacement, voire la suppression des modes de pratique culturelle qui restent inexplicables et donc illégitimes. Comme le stipule l'article 5 souvent cité par le CEDAW, les États parties à la charte internationale des droits des femmes doivent «modifier les comportements sociaux et culturels des hommes et des femmes en vue d'éliminer les préjugés et autres pratiques coutumières» qui sont basées sur les théories locales de l'inégalité de genre. Mais, comme l'ont montré les anthropologues, les droits humains tendent souvent à mettre entre guillemets et à marginaliser les autres logiques culturelles de justice sociale, de développement, de transformation des conflits et d'éthique publique. Et cette extension du pouvoir peut avoir des conséquences inattendues. L'un des exemples les plus complets de la façon dont les anthropologues ont exploré les implications du pouvoir imprévisible des droits humains est l'ethnographie du développement de Harri Englund (2006) au Malawi. Comme il l'explique, le concept des droits humains a été officiellement traduit dans la langue locale avec une phrase qui signifiait «la liberté avec laquelle on est né» (2006: 51). Au fil du temps, les gens ont mis l'accent sur la liberté de contester les normes culturelles existantes en matière de mode, d'obéissance dans les écoles publiques et de comportement sexuel, plutôt que sur les conditions structurelles économiques et politiques qui renforçaient un héritage d'inégalité et de corruption publique. Le résultat, selon Englund, fut que les Malawiens finissaient par être «privés de la traduction». Le discours sur les droits humains a saturé tous les aspects de la vie publique au Malawi, comme le voulaient les fonctionnaires et les travailleurs humanitaires transnationaux. Mais puisque les droits humains étaient mal traduits dans une langue vernaculaire locale, ils ont été transformés au point d'être méconnaissables, ce qui a empêché leur utilisation comme langage d'un changement social pourtant nécessaire. Épistémologie Quand Herskovits affirmait que l'anthropologie n'était pas capable de faire des affirmations définitives sur les droits humains universels parce qu'elle était une «science de l'humanité» et ne s'intéressait donc qu'aux questions empiriques du comportement humain exprimées par des «modèles de culture», il ne pouvait prévoir les innovations épistémologiques dans la discipline qui élargiraient ses objets de connaissance et transformeraient ses domaines d'investigation. Cela ne veut toutefois pas dire que, dans les décennies qui ont suivi, les anthropologues ont écarté les premiers arguments de Herskovits pour confronter les problèmes ontologiques et philosophiques fondamentaux qui restaient essentiels aux droits humains. Une grande partie du travail intellectuel consacré aux droits humains restait dans des sphères telles que les études juridiques critiques, la théorie politique et la philosophie morale. Au contraire, les anthropologues ont utilisé la recherche ethnographique pour étayer de manière subversive l'élargissement des bases sur lesquelles les questions fondamentales morales et théoriques des droits humains pouvaient être posées et résolues. Ceci, à son tour, a eu des implications importantes pour l'épistémologie des droits humains, en particulier dans l'après-Guerre froide, lorsque le discours sur les droits humains s'est de plus en plus intégré dans les pratiques juridiques, politiques et sociales. Les anthropologues ont très tôt observé que les idées sur les droits humains étaient fondamentales dans leur mise en pratique. Les acteurs sociaux, souvent pris dans des moments de crise ou de dislocation, n'ont jamais été capables d'exploiter simplement les droits humains ou de corrompre leurs imaginaires de justice comme s'il s'agissait d'une boîte à outils normative attendant d'être ouverte. Au lieu de cela, les logiques de défense des droits humains exigeaient autant de considération de soi que de changement social; les gens étaient invités, encouragés, obligés de se repenser en tant que citoyens d'un univers moral différent. La théorisation éthique en termes de cet univers moral souvent radicalement différent est devenue une forme distincte de pratique sociale et l'anthropologue est devenu à la fois témoin et participant de cette transformation dans le cadre de la rencontre ethnographique (voir Goodale 2006). Ce qui en résulta fut un enregistrement ethnographique de modèles de droits humains innovants et potentiellement transformateurs, profondément ancrés dans les circonstances de leur création. Le meilleur exemple que nous ayons d'un compte rendu local des droits humains parfaitement articulé est l'ethnographie de Shannon Speed ??sur les conséquences de la rébellion zapatiste au Chiapas (2007). Pendant et après la violence, des organisations internationales et transnationales de défense des droits humains ont envahi la région du Chiapas. Ceux qui défendent les droits des peuples autochtones en tant que droits humains ont été particulièrement influents dans la façon dont la résistance zapatiste s’est exprimée. Les leaders politiques indigènes ont formé des «conseils de bonne gouvernance» dans lesquels les idées sur les droits humains ont été longuement débattues, remaniées et ensuite utilisées pour représenter les valeurs morales zapatistes en tant qu'action politique zapatiste enracinée. Plaidoyer transnational Les réseaux transnationaux des droits humains qui ont émergé après la fin de la Guerre froide ont fait ce qu'Eleanor Roosevelt attendait d'eux: ils ont défié la souveraineté de l'Etat et ont permis de créer de nouvelles sphères publiques à la fois translocales et ancrées dans les sites de contestation intime. Des chercheurs comme Annelise Riles (2000) ont étudié ces réseaux de l'intérieur et ont contribué à la compréhension plus large des assemblages mondiaux qui modifiaient l'ontologie des relations sociales à une époque de transformation économique géopolitique et mondiale. Mais les anthropologues ont également montré à quel point les réseaux de défense des droits humains sont façonnés par les économies politiques des conflits locaux de manière à changer leur valence normative et à les rendre incapables de remplir leur mandat plus large de changement social et de transformation morale. Par exemple, l'ethnographie de longue durée de Winifred Tate (2007) du conflit historique entre l'État colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) montre comment les défenseurs des droits humains luttent pour traduire la langue et les logiques morales des droits humains universels en une catégorie instrumentale de l'action pouvant répondre aux défis du traumatisme historique, des récits multiples et ambigus de la culpabilité pour les atrocités commises, de l'héritage de la violence structurelle, et des modèles durables d'inégalité économique ayant des racines dans la période coloniale. Et l'étude de Sally Engle Merry (2006b) sur les institutions qui surveillent la conformité nationale à la CEDAW illustre en détail la façon dont les défenseurs des droits humains doivent eux-mêmes naviguer entre des cultures multiples de défense et de résistance. Les représentants des ministères nationaux des droits humains se trouvent souvent obligés de défendre à la fois le respect d'un traité international des droits humains et l'intégrité et la légitimité des pratiques culturelles qui semblent violer ce même traité. Néanmoins, ces dichotomies n'annulent pas la portée du droit international des droits humains dans les conflits nationaux et locaux. Au contraire, comme le souligne Merry, elles reflètent la façon dont la pratique des droits humains crée ses propres catégories d'identités et de pouvoirs contestés avec des implications incertaines pour la défense transnationale des droits humains et la promotion du patrimoine national(-iste). Critique et engagement Enfin, l'anthropologie des droits humains, peut-être plus que d'autres orientations académiques s’intéressant aux droits humains, se heurte avec difficultés au dilemme de développer un compte rendu rigoureux et ethnographique des droits humains qui soit à la fois critique et éthiquement conforme aux conditions de vulnérabilité qui mènent aux abus et à l’exploitation. Cette tension s'est exprimée de différentes manières pour chaque anthropologue. Certains (comme Winifred Tate et Shannon Speed, par exemple) ont commencé leur carrière en tant qu'activistes des droits humains avant de faire de la recherche et de mener une réflexion ethnographique sur les processus sociaux et politiques pour lesquels ils s’étaient engagés. Mais la tension entre la critique et l'engagement, le scepticisme et le plaidoyer, et la résistance et l'engagement, n'est pas seulement un défi pour les anthropologues des droits humains. Comme l'a démontré la recherche ethnographique, c'est un fait social et moral fondamental pour la pratique des droits humains elle-même. Ceci en partie parce que la théorie de la pratique sociale et du changement politique que propose les droits humains exige une forme d'autoréflexion et d'auto-constitution destinée à semer le doute sur les pratiques culturelles existantes, sur les théories populaires de l’individu, et sur les hiérarchies du pouvoir. Pourtant, la transition de l'ancien à l’actuel devenu tout à coup illégitime au nouveau et maintenant soudainement authentique est lourde de dérapage moral et de conséquences imprévues. Un exemple récent d'ethnographie de la pratique des droits humains est l'étude de Lori Allen (2013), portant sur le rôle du discours sur les droits humains dans la politique de résistance palestinienne à l'occupation israélienne de la Cisjordanie. Bien que le langage des droits humains ait été utilisé dès la fin des années 1970 en Palestine comme stratégie rhétorique populaire pour défendre les victimes de l'occupation auprès d'une audience internationale, un cercle professionnel d'activistes et d'ONG finit par restreindre l'utilisation des droits humains dans des espaces sociaux et politiques étroitement contrôlés. Dans le même temps, l'ensemble des griefs palestiniens sont restés sans réponse pendant des décennies, comme la violation des droits humains continuelle, l'incapacité à obtenir l'indépendance politique et à influencer favorablement l'opinion politique en Israël. Le résultat fut que les Palestiniens en vinrent à considérer les droits humains avec cynisme et même suspicion. Mais plutôt que de rejeter entièrement les droits humains, ils ont formulé une critique organique des droits humains dans un discours critique et émancipateur plus large promouvant l'autonomie palestinienne, l'anti-impérialisme et l’activisme associatif (par opposition à l'interventionnisme). Après des décennies d'engagement pour les droits humains dans l'histoire de la lutte palestinienne contre l'occupation, les militants ont pu s'approprier ou rejeter les logiques et les attentes des droits humains avec un haut degré de conscience contextuelle et de réalisme politique. Orientations futures L'anthropologie des droits humains est maintenant bien établie en tant que domaine de recherche distinct et source de théorie anthropologique. Sur le plan institutionnel, les universitaires et les étudiants diplômés qui travaillent dans le domaine de l'anthropologie des droits humains viennent généralement, mais pas exclusivement, des rangs de l'anthropologie juridique et politique. Parce que les droits humains sont devenus un mode de plus en plus omniprésent du monde contemporain, les anthropologues rencontrent des traces de cette influence à travers un large éventail de pratiques culturelles, de mouvements politiques et de projets moraux. Cela ne veut cependant pas dire que le statut des droits humains n'est pas contesté, bien au contraire. Alors que la période liminaire de l'après-Guerre froide cède la place à la redifférenciation culturelle, à l'établissement de nouvelles hiérarchies et au rétrécissement des espaces d'expérimentation politique et sociale, les droits humains continueront à bousculer les formes alternatives de pratiques morales et de constitution personnelle et collective. Alors que le projet des droits humains d'après-guerre mûrit en se transformant en processus presque banal de réforme constitutionnelle, de bonne gouvernance et de restructuration économique néo-libérale, son potentiel de catalyseur de transformation radicale et de bouleversement moral diminuera probablement. L'anthropologie des droits humains deviendra moins l'étude d'un discours politique et moral à une époque de transition souvent vertigineuse et de possibilités apparemment illimitées, que celle d'un universalisme séculaire contemporain établi parmi une foule de perspectives concurrentes.
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Monika, Salzbrunn. "Migration." Anthropen, 2017. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.059.

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Abstract:
En anthropologie, la migration, du mot latin migratio, signifie en principe un déplacement physique d’un être humain (migration humaine), bien que des déplacements non-humains soient aussi qualifiés de migrations (migration animale, migration de plantes, migration de planètes etc.). Suite à la généralisation de l’État-nation comme forme d’organisation politique au 19e siècle, on distingue surtout la migration transnationale (qui implique le déplacement d’au moins une frontière nationale) et la migration interne (à l’intérieur de frontières étatiques). Par ailleurs, ces migrations peuvent prendre la forme d’une migration pendulaire (mouvement de va-et-vient), circulaire (mouvement en cercle), saisonnière (migration de travail influencé par les saisons agricoles) ou durable, menant à une installation et une naturalisation. Parmi les causes, on a longtemps souligné les migrations de travail alors que les cas de migrations climatiques et forcées augmentent de façon significative : migrations imposées par le contexte, notamment politique, par exemple pendant une guerre civile ou encore déplacements engendrés par des changements climatiques comme une sècheresse ou l’avancement du désert dans la zone du Sahel. Le tourisme est parfois considéré comme une forme volontaire de migration à courte durée. Jusqu’à présent, peu de travaux lient les réflexions sur les migrations avec celles sur la mobilité (Ortar, Salzbrunn et Stock, à paraître). Certaines recherches sur l’ethnicité (Barth 1999 [1969]) et la transnationalisation ainsi que de nouvelles catégories statistiques développées au niveau gouvernemental témoignent du fait que certaines personnes peuvent être considérées ou perçues comme migrant-e-s sans avoir jamais effectué un déplacement physique au-delà des frontières nationales de leur pays de naissance. Ainsi, aux Pays-Bas et en Belgique, dans le discours politique, on distingue parfois autochtones (grec, littéralement terre d’ici) et allochtones (grec, littéralement terre d’ailleurs). Au Pays-Bas, on entend par allochtone une personne qui y réside et dont au moins un parent est né à l’étranger. Ce terme était destiné à remplacer le terme « immigré », mais il continue à renvoyer des résidents (voire des citoyens) à (une partie de) leur origine. Le terme allemand « Migrationshintergrund » (littéralement background migratoire) pose le même problème. L’anthropologie s’intéresse de facto dès l’émergence de la discipline aux migrations, notamment dans l’étude de sociétés pastorales (en focalisant les déplacements des éleveurs et de leurs troupeaux) ou dans l’analyse des processus d’urbanisation (suite à la migration du monde rural vers les villes). En revanche, l’anthropologie des migrations et de la transnationalisation n’émergent que dans les années 1990 en tant que champ portant explicitement ce nom – d’abord dans le monde anglophone (Glick Schiller N., Basch L. et C. Blanc Szanton 1992, Hannerz U. 1996), et ensuite dans le monde francophone (Raulin A., D. Cuche et L. Kuczynski 2009 Revue Européenne des Migrations internationales, 2009, no. 25, vol. 3), germanophone (Pries L. 1996), italophone (Riccio 2014), hispanophone, lusophone etc.. La traite des esclaves et les déportations de millions de personnes d’Afrique Sub-Saharienne vers l’Europe et les Amériques, qui ont commencé au 17e siècle et duré jusqu’en 1920, ont été étudiées dans le cadre de l’anthropologie marxiste (Meillassoux 1986) puis par des historiens comme Olivier Pétré-Grenouilleau (2004) ou encore par Tidiane N’Diaye (2008), ce dernier ayant mis l’accent sur la longue et intense implication de commerçants arabes dans la traite négrière. La violente « mission civilisatrice » ou campagne de conquête coloniale a très souvent été accompagnée d’une mission de conversion au christianisme, ce qui a fait l’objet de publications en anthropologie depuis une trentaine d’années sous l’impulsion de Jean et John Comaroff (1991) aux Etats-Unis, et plus récemment en France (Prudhomme 2005). Selon les contextes régionaux, l’une ou l’autre forme de migration a été étudiée de manière prépondérante. En Chine, les migrations internes, notamment du monde rural vers les villes, concernent presque autant de personnes dans l’absolu (229,8 millions en 2009 selon l’Organisation internationale du Travail) que les migrant-e-s transnationaux dans le monde entier (243,7 millions en 2015 selon les Nations Unies/UN International Migration Report). Le pourcentage de ces derniers par rapport à la population mondiale s’élève à environ trois pour cent, ce qui semble en décalage avec la forte attention médiatique accordée aux migrant-e-s transnationaux en général et aux réfugiés en particulier. En effet, la très grande majorité des déplacé-e-s dans le monde reste à l’intérieur des frontières d’un État-nation (Withol de Wenden C., Benoît-Guyod M. 2016), faute de moyens financiers, logistiques ou juridiques (passeport, visa). La majorité des réfugiés politiques ou climatiques reste à l’intérieur des frontières nationales ou dans un des pays voisins. Ainsi, selon l’UNHCR/ l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés, sur les 65,3 millions de personnes déplacées de force, 40,8 millions étaient des déplacé-e-s internes et seulement 3,2 millions des demandeur-e-s d’asile en 2015. L’urbanisation croissante qui s’opère dans le monde suscite une augmentation de la migration de travail, notamment en Chine. Dans cet État, le système d’enregistrement et d’état-civil (hukou) limite l’accès aux services sociaux (santé, école, etc.) à la commune de naissance : un changement de résidence est soumis à des conditions restrictives, ce qui engendre une perte de droits élémentaires pour des dizaines de millions de migrants ruraux ne possédant pas de permis de résidence (Jijiao 2013). En France, jusqu’au tournant culturel (qui marque une bifurcation de la focale de la recherche vers les appartenances culturelles et religieuses des personnes étudiées) dans les années 1990, les sciences sociales des migrations, notamment la sociologie des migrations, ont surtout étudié les conditions et rapports de travail, les inégalités sociales ou encore la politique du logement et les inégalités spatiales (Salzbrunn 2015), conduisant ainsi à une très forte focalisation sur les rapports de classe et sur les conditions de vie des immigré-e-s des anciennes colonies. La migration des personnes hautement qualifiées n’a en revanche été que peu étudiée. Après la chute du mur de Berlin, les « appartenances multiples » (concept central de l’ouvrage de Yuval-Davis, Viethen et Kannabiran 2006), notamment religieuses (Capone 2010), ont été privilégiées comme objet de recherche. Cette tendance, accompagnée par un climat politique de plus en plus xénophobe dans certains pays européens, a parfois pointé vers une « ethnicisation » de la religion (Tersigni, Vincent et Willems, à paraître). Le glissement de perception d’une population de la catégorie des « travailleurs immigrés » ou « Gastarbeiter » (littéralement « travailleurs invités ») vers celle de « musulmans » s’inscrit dans un processus d’altérisation, sous-entendant dans les deux cas qu’il s’agit d’un groupe homogène marqué par les mêmes caractéristiques, et ignorant de ce fait la « diversité au sein de la diversité » (Vertovec 2010), notamment les différences en termes de niveau de formation, de genre, d’âge, de statut juridique, de préférence sexuelle, du rapport aux discours et pratiques religieux etc. Beaucoup d’études se sont ainsi focalisées sur des groupes fondés sur le critère d’une nationalité ou d’une citoyenneté commune, ce qui a été critiqué comme relevant d’un « nationalisme méthodologique » (Glick Schiller et Caglar 2011). Même le nouveau champ de recherches consacré aux espaces sociaux transnationaux (Basch, Glick Schiller et Szanton Blanc 1992 ; Salzbrunn 2016) a parfois été (auto-)critiqué pour la reproduction des frontières nationales à travers une optique transnationale. Ont alors émergé des réflexions sur une relocalisation de la migration (Glick Schiller et Caglar 2011) et sur l’enracinement spatial de la migration dans des espaces sociaux translocaux (Salzbrunn 2011). Bien que la moitié de la population migratoire soit féminine, les aspects de genre n’ont été étudiés que très tardivement (Morokvasic-Müller 1984), d’abord dans un contexte de regroupement ou de liens familiaux maintenus pendant la migration (Delcroix 2001 ; Kofman 2004 ; Kofman et Raghuram 2014), puis dans celui des approches féministes du développement (Verschuur et Reysoo 2005), de la migration du travail et des frontières genrées (Nouvelles Questions Féministes 26, 2007). En effet, les dynamiques internationales dans la division du travail engendrent une chaîne globale des soins (« global care chain ») qui repose essentiellement sur les femmes, que ce soit dans le domaine médical, de la pédiatrie ou des soins aux personnes âgées. La réflexion sur la division internationale du travail reproductif a été entreprise par Rhacel Parrenas (2000) et développée par Arlie Hochschild (2000). On peut obtenir une vue d’ensemble des projets européens consacrés au genre et à la migration, voir les résultats du projet européen GEMMA. Enhancing Evidence Based Policy-Making in Gender and Migration : http://gemmaproject.seminabit.com/whatis.aspx En anthropologie politique, l’évolution de systèmes politiques sous l’impact d’une migration de retour, a été étudiée dans un contexte postcolonial (von Weichs 2013). De manière générale, les réflexions menées dans un contexte études postcoloniales de ce type n’ont été entreprises que tardivement en France, et ce souvent dans une optique très critique, voire hostile à ces débats (L’Homme 156, 2000). Parmi les autres sujets traités actuellement en anthropologie des migrations se trouvent les inégalités sociales et spatiales, les dynamiques religieuses transnationales (Argyriadis et al. 2012), les réfugiés et leurs moyens d’expressions politiques et artistiques (Salzbrunn 2014) ou musicales (Civilisations 67, 2018 ; Salzbrunn, Souiah et Mastrangelo 2015). Enfin, le développement conceptuel du phénomène de transnationalisation ou des espaces sociaux translocaux, voire le retour à la « localisation de la migration » (titre de l’ouvrage de Glick Schiller et Caglar 2011) sont des réponses constructives à la question : Comment étudier les migrations dans des sociétés super-diverses (Vertovec 2011) sans réifier leurs appartenances ?
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Vibert, Stephane. "Tradition et modernité." Anthropen, 2018. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.081.

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Abstract:
« Tradition » et « modernité » sont longtemps apparues, pour les sciences sociales et le sens commun, non seulement comme des notions relatives, initialement définies l’une par rapport à l’autre dans un rapport d’exclusivité mutuelle, mais plus encore, comme des qualificatifs désignant de véritables régimes d’humanité – sociétés traditionnelles et modernes. Pourtant, de l’intérieur même du champ anthropologique, de nombreuses critiques se sont régulièrement élevées à l’encontre de ce découpage trop schématique, appelant à davantage de réflexivité quant à l’usage de ces catégories englobantes. En effet, durant une majeure partie de son existence, l’anthropologie a été associée à l’étude des sociétés « primitives », ou « traditionnelles », alors que la description des sociétés « civilisées », ou « modernes », était dévolue à la sociologie. Cette distinction épousait de fait l’auto-compréhension des sociétés occidentales, dont la reconstruction évolutionniste de l’histoire de l’humanité présentait celle-ci selon une succession linéaire et nécessaire de stades indiquant les progrès de l’esprit humain, manifestes tant au niveau de l’organisation sociale, de la connaissance des phénomènes, de la morale personnelle que des réalisations matérielles et techniques. Aussi, dès la rencontre effective avec des sociétés aux langues, mœurs, croyances ou activités dissemblables, l’intérêt pour l’altérité comme différence s’est trouvé en tension avec une volonté de classification abstraite, selon une philosophie de l’histoire élaborée à partir des catégories intellectuelles propres à la trajectoire occidentale. Cela passe notamment, à partir des 18éme-19èmes siècles, par une auto-identification à la Raison universelle, seule apte à circonscrire le savoir « vrai » sur la réalité physique ou sociale, à distance de tous les préjugés enfermant l’humain dans la coutume, l’ignorance et la superstition. De cette configuration culturelle particulière (dite « post-traditionnelle »), nouveau mode de représentation du monde et de l’Homme apparu à la Renaissance et aboutissant aux Lumières, découleront tant un ensemble de processus socio-politiques définissant la « modernité » (développement scientifique et technique, révolution industrielle, État de droit, capitalisme marchand, individualisation des comportements et des valeurs, etc.) qu’une opposition globale à la « tradition » (les « survivances », en termes évolutionnistes). Ce « désenchantement du monde » – pour reprendre l’expression célèbre de Max Weber –, sera perçu à travers une dichotomie généralisée et normativement orientée, déclinée sous de multiples aspects : religion / science, immobilisme / changement, hiérarchie / égalité, conformisme / liberté, archaïsme / progrès, communauté / société, etc. Si le « grand partage » entre Nous et les Autres, entre modernité et tradition, a pu constituer un soubassement fondamental à la prime ambition empirique et positiviste du savoir anthropologique, il n’en a pas moins dès l’origine de la discipline été contesté sur bien des points. En anthropologie, l’idée d’une tradition fixe et rigide s’avère critiquée dès Malinowski, l’un des premiers à souligner la rationalité contextuelle des « primitifs » en référence à leurs règles communes de coexistence, et à récuser l’assimilation indue de la tradition à une obéissance servile et spontanée, sorte d’inertie mentale ou d’instinct groupal. Chez les Trobriandais ou ailleurs, soulignait-il, « dans des conditions normales, l’obéissance aux lois est tout au plus partielle, conditionnelle et sujette à des défaillances et (…) ce qui impose cette obéissance, ce ne sont pas des motifs aussi grossiers que la perspective du châtiment ou le respect de la tradition en général, mais un ensemble fort complexe de facteurs psychologiques et sociaux » (Malinowski, 2001 : 20). L’anthropologie, par sa mise en valeur relativiste des multiples cultures du monde, insistera alors davantage sur l’importance de la tradition dans la constitution de toute société, comme ensemble de principes, de valeurs, de pratiques, de rituels transmis de génération en génération afin d’assurer la permanence d’un monde commun, fût-ce à travers d’essentielles dynamiques de réappropriation, d’altération et de transformation, trait fondamental de toute continuité historique. Selon Jean Pouillon, « la tradition se définit – traditionnellement – comme ce qui d’un passé persiste dans le présent où elle est transmise et demeure agissante et acceptée par ceux qui la reçoivent et qui, à leur tour, au fil des générations, la transmettent » (Pouillon, 1991 : 710). En ce sens, « toute culture est traditionnelle », même si elle se conçoit comme radicalement nouvelle et en rupture totale avec le passé : son inscription dans la durée vise implicitement un « devenir-tradition ». Dès les années 1950, le courant « dynamique » de l’anthropologie britannique (Gluckman, 1956 ; Leach, 1954 ; Turner, 1957), les analyses de l’acculturation aux États-Unis (Herskovits, 1955) ou les travaux pionniers de Balandier (1955) et Bastide (1960) en France avaient montré combien les « traditions », malgré les efforts conservateurs des pouvoirs religieux et politiques afin de légitimer leur position, recelaient de potentialités discordantes, voire contestataires. A partir des années 1980, certains courants postmodernes, post-coloniaux ou féministes en anthropologie (Clifford et Marcus, 1986 ; Appadurai, 1996 ; Bhabha, 1994 ; Abu-Lughod, 1993), souvent inspirés par la French Theory des Foucault, Deleuze ou Derrida (Cusset, 2003), se sont inscrits dans cette veine afin d’élaborer une critique radicale de la perspective moderne : partant du native point of view des populations subalternes, objectivées, dépréciées et opprimées, il s’agit de dénoncer le regard implicitement colonialiste et essentialiste, qui – au nom de la science objective – avait pu les rejeter unanimement du côté de l’archaïsme et de l’arriération.. Cette reconsidération féconde de la « tradition » rejaillit alors nécessairement sur son envers relatif, la « modernité ». A partir des années 1950, suite au cataclysme totalitaire et aux puissants mouvements de décolonisation, apparaît une critique anthropologique argumentée des principes de développement et de modernisation, encore approfondie dans les années 1990 avec la fin du communisme réel en Europe et l’avènement d’une crise écologique liée à l’hégémonie du capitalisme industriel. Sous l’effet d’une « mondialisation » aux dimensions hétérogènes voire contradictoires, l’Occident semble redécouvrir les vertus des approches dites « traditionnelles » en de nombreux domaines (spiritualité, médecine, artisanat, agriculture, patrimoine, etc.), à la faveur de réseaux d’information et de communication toujours plus denses. Sans trancher sur le fait de savoir si notre époque globalisée relève encore et toujours de la modernité (seconde, avancée ou tardive), ou alors de la postmodernité (Bonny, 2004) du fait des formes hybrides ainsi produites, la remise en cause de la rationalité progressiste entendue comme « métarécit » (Lyotard, 1979) semble favoriser une compréhension plus équilibrée des « traditions vivantes », notamment des mœurs des populations autochtones ou immigrées (pluralisme culturel, tolérance religieuse, éloge de la diversité et du cosmopolitisme), même si certaines contradictions n’en apparaissent pas moins toujours prégnantes entre les divers répertoires de sens disponibles. Dès lors, les deux termes du contraste classique tradition / modernité en ressortent désormais foncièrement relativisés, et surtout complexifiés. Les études historiques ont montré combien les sociétés apparemment les plus modernes contribuaient plus ou moins consciemment à une constante « invention de traditions » (Hobsbawm et Ranger, 1992), évidente dans la manifestation de certains nationalismes ou fondamentalismes religieux cherchant à légitimer leurs revendications politiques et culturelles les plus contemporaines par le recours à un passé idéalisé. D’une certaine manière, loin d’avoir strictement appliqué un programme rationaliste de séparation nature / culture, « nous n’avons jamais été modernes » (Latour, 1991), élaborant plutôt à notre insu un monde composite et hétéroclite, sous la domination d’un imaginaire social qui érige paradoxalement le progrès, la rationalité et la croissance en mythe de la maîtrise rationnelle. Et lorsqu’elle s’exporte, cette « ontologie naturaliste » (Descola, 2005) se voit réinterprétée, transformée, voire inversée, selon une « indigénisation de la modernité » (Sahlins, 2007 : 295) qui bouscule tant les univers locaux de signification que les principes globaux d’arraisonnement du monde. S’avère désormais entérinée l’existence de « modernités multiples », expression synonyme d’une évolution différenciée des trajectoires socio-culturelles à travers des cheminements à la fois interreliés, métissés, contingents et comparables. A l’inverse, nul ne semble pouvoir dorénavant se réclamer ingénument de la tradition sans être confronté à un paradoxe fondamental, déjà repéré par Hocart (1927) : puisqu’elle ne vit généralement qu’ignorée de ceux qui la suivent (selon un agir pratique incorporé dans les us et coutumes du quotidien), on fait appel à la tradition d’abord pour justifier ce qui justement ne va plus de soi, et se trouve en danger de disparaître. Ce passage de la tradition au « traditionalisme » peut prendre à la fois la forme légitime d’une sauvegarde de valeurs et coutumes ou de la résistance à la marchandisation globale, mais aussi le visage grimaçant d’une instrumentalisation idéologique, au service d’un ordre social chimérique, soi-disant pur et authentique, fût-il répandu par les moyens technologiques les plus modernes.
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Marie-Pier, Girard. "Enfance." Anthropen, 2019. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.109.

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Abstract:
L’origine des études contemporaines de l’enfance remonte à l’ouvrage L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime (1960) dans lequel l’auteur, Philippe Ariès, expliqua qu’à l’époque médiévale le sentiment de l’enfance, soit la conscience de la particularité enfantine, n’existait pas (Ariès 1960 : 134; Stephens 1995 : 5). En exposant qu’au Moyen-âge les plus jeunes ne jouissaient pas d’un statut spécial, distinctif, c’est-à-dire qu’ils étaient traités comme de petits adultes, cet ouvrage montra le caractère socialement construit de l’enfance. Si la thèse constructiviste de Philippe Ariès a permis de révéler que la conception de l’enfance qui prévaut aujourd’hui est historiquement spécifique, les travaux d’anthropologues tels que Margaret Mead avaient déjà mis en évidence le rôle déterminant de la culture dans la configuration des enfances à travers le monde (Mead 1932 ; Montgomery 2008b : 22-23). En fait, ces contributions ont montré que la façon d’envisager et d’encadrer l’enfance varie considérablement selon les époques et les contextes socioculturels et qu’incidemment, celle-ci ne peut se voir abordée comme un descripteur non problématique d’une phase biologique et naturelle (James et James 2001 : 27). Ainsi, la définition naturalisée et normative de l’enfance qui se voit actuellement globalisée ne constitue qu’une représentation particulière des premières années de l’existence humaine, une représentation qui fut construite à partir d’expériences spécifiques pouvant être situées localement. La définition dominante de l’enfance qui admet l’âge comme critère primordial de division a émergé au début du XIXe siècle alors que s’est mise en branle dans les sociétés occidentales une exploration systématique de l’enfance, notamment menée par la psychologie, la biologie, les sciences de l’éducation et la sociologie (Ariès 1960; Archard 1993 : 30). Ces savoirs ont décrit une enfance ontologiquement distincte et séparée de l’âge adulte, un stade crucial et formatif dans ce qui fut appelé le développement de l’être humain. La constitution de cette vision de l’enfance qui insiste sur les besoins de protection des plus jeunes, sur leur vulnérabilité et sur leur innocence, est aussi rattachée aux bouleversements complexes et contradictoires survenus en Occident durant le XXe siècle au moment où des attentes élevées quant au bien-être des enfants ont côtoyé la réalité dévastatrice de la guerre (Fass 2011 : 17). En effet, les progrès scientifiques de l’époque (par exemple l’antisepsie, la vaccination, des méthodes contraceptives plus efficaces), la préoccupation des gouvernements au sujet de la santé publique et leur instrumentalisation de l’enfance à des fins nationalistes ont donné lieu aux premiers programmes et législations visant spécifiquement les enfants. La scolarisation, rendue obligatoire dans presque tout le monde occidental, devint alors le moyen de prédilection pour étendre les bénéfices des progrès scientifiques aux enfants défavorisés et pour établir de nouveaux standards d’alphabétisation, de bien-être infantile, d’hygiène et de nutrition. Ainsi, l’école s’institua comme le lieu privilégié de l’enfance, mais aussi comme l’alternative salutaire au travail et aux rues. L’attention sur les jeunes esprits éduqués et les petits corps sains n’occupait pas uniquement l’espace public, elle pénétra aussi la sphère privée où les parents s’intéressaient de plus en plus au potentiel individuel de leur enfant et à son épanouissement (Fass 2011 : 21). Alors que l’enfance était devenue moins risquée, davantage protégée, mieux nourrie et qu’un nouvel attachement sentimental à celle-ci s’était développé, des images terribles d’enfants fusillés puis affamés lors de la Première Guerre Mondiale bouleversèrent l’Occident. Cette confluence d’une émotivité naissante envers les plus jeunes, de leur visibilité croissante et de leur victimisation durant la guerre, a constitué le cadre initial d’un engagement envers un idéal international de protection de l’enfance (Fass 2011 : 22). Quand plus tard, la Seconde Guerre Mondiale exposa un paysage d’une destruction et d’une horreur encore plus grandes dans lequel les enfants, désormais emblèmes de la vulnérabilité, périrent par millions, la nécessité de proclamer une charte consacrant juridiquement la notion de droits de l’enfant devint évidente. Adoptée par les Nations unies en 1959, la Déclaration des droits de l’enfant servit de fondement à la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989 (CRDE) (de Dinechin 2006 : 19). Transformant les droits déjà proclamés en 1959 en un instrument légalement contraignant sur le plan international, la CRDE est devenue la traduction dans le monde de l’enfance de la promotion de la philosophie des droits de la personne, et sa cible, l’enfant, un sujet de droits défini par son âge (de Dinechin 2006 : 19-20). La CRDE, aujourd’hui le document historique global le plus acclamé, établit que certains principes fondamentaux doivent universellement et indistinctement s’appliquer à tous les enfants au-delà des différences ethniques, de religion, de culture, de statut économique et de genre. Même si elle accepte certaines particularités locales, la CRDE transmet une vision de ce que devrait être l’enfance à travers le monde en faisant appel à un idéal défini en Occident à partir de ses catégories culturelles et construit à partir de ses propres savoirs. Alors, les paramètres structurants de la conception occidentale des premières années de l’existence humaine, soit l’âge, l’innocence, l’asexualité, la vulnérabilité, l’incompétence, la sacralité de l’enfance, l’école et le jeu, ont été essentialisés et institués comme les propriétés paradigmatiques de toute enfance (Meyer 2007 : 100). Par conséquent, les enfances « autres », qui s’écartent de cette définition, doivent être transformées par des interventions menées par des adultes. C’est dans ce contexte d’universalisation d’un idéal occidental, de développement de l’enfance en domaine de pensée et d’intervention, mais aussi de prolifération d’images et de témoignages d’enfants dont les vies sont plus que jamais marquées par les inégalités sociales, l’abus et les violences, que se situe le regard anthropologique contemporain posé sur les enfants. Ainsi, une des questions essentielles qui habite cette anthropologie est : comment réconcilier un regard fondamentalement critique du discours et des pratiques liés aux droits de l’enfant avec une approche engagée face à ce même régime des droits, qui reconnaît, rend visible et dénonce les violations bien réelles que subissent les enfants au quotidien (Goodale 2006 : 1) ? Un retour sur les travaux anthropologiques révèle que des références à l’enfance et aux enfants y sont souvent présentes, mais pas toujours de manière explicite et généralement, celles-ci visaient à éclairer la recherche sur d’autres thèmes ou à mieux appréhender l’univers des adultes. D’ailleurs, dès les premiers écrits en anthropologie, l’enfant est apparu aux côtés du « primitif » pour expliquer le développement socioculturel et moral, le passage à l’âge adulte représentant l’équivalent de la transition de l’état sauvage à la civilisation (Montgomery 2008b : 18). Néanmoins, certains anthropologues dont Franz Boas (1858-1942), considéré comme le précurseur de la recherche ethnographique sur l’enfance aux États-Unis, puis Margaret Mead (1901-1978), ont contesté le déterminisme biologique en plus de placer réellement les enfants à l’agenda anthropologique (Levine 2007 : 249). Dans le cas de Margaret Mead, elle demeure une des premières anthropologues à avoir pris les enfants au sérieux et à avoir confronté les postulats universels des savoirs sur le développement humain, et à ce titre, elle a largement inspiré l’anthropologie contemporaine de l’enfance (Mead 1932 ; Montgomery 2008b : 22-23). L’idée d’une véritable anthropologie de l’enfance a été soulevée dès 1973 par Charlotte Hardman qui critiquait le regard jusque là porté sur les enfants, un regard qui les envisageait le plus souvent comme les simples spectateurs d’un monde adulte qu’ils assimilaient passivement (Hardman 1973 citée dans Montgomery 2008b : 38). Charlotte Hardman a fait valoir que les univers des enfants constituaient des objets d’étude valables qui permettaient de révéler des aspects de la vie sociale ignorés par les ethnographies conventionnelles, mais surtout, elle souligna l’importance de considérer leurs points de vue : « children [are] people to be studied in their own right » (Hardman 2001 : 516). Devenue axiomatique et reprise par nombre d’anthropologues depuis les années 1970, cette citation posait les jalons d’une nouvelle anthropologie de l’enfance dans laquelle les enfants devenaient les meilleurs informateurs de leur propre vie. Une telle anthropologie centrée sur l’enfant a impliqué un changement de paradigme, soit un déplacement d’une compréhension des vies des enfants exclusivement basée sur les critères des adultes vers une prise en compte des interprétations, des négociations, des réappropriations et des réinventions des enfants eux-mêmes. Au cours des dernières années, de nombreuses recherches anthropologiques se sont inscrites dans cette perspective et ont fait valoir l’importance de reconnaître les enfants en tant que véritables acteurs sociaux activement impliqués dans le façonnement de l’enfance et du monde qui les entoure (voir Hecht 1998 ; Scheper-Hughes et Sargent 1998 ; Bluebond-Langner et Korbin 2007 ; Levine 2007 ; Montgomery 2008a). À l’heure actuelle, l’enfance en tant que champ d’étude en anthropologie se définit dans un premier temps comme un espace générationnel dans lequel les garçons et les filles construisent leurs trajectoires et négocient leurs pratiques face aux processus historiques, économiques, politiques et culturels. Si l’enfance renvoie à l’expérience de celle-ci par les sujets anthropologiques, une expérience entre autres différenciée par le genre, elle constitue aussi un champ de pensée et d’action qui englobe l’ensemble des représentations, pratiques, savoirs, doctrines, institutions, politiques et interventions qui lui sont rattachés dans un contexte donné. D’ailleurs, dans un même pays, plusieurs visions concurrentes des premières années de l’existence humaine peuvent coexister, par exemple en fonction des différentes classes sociales ou de l’appartenance ethnique, donnant lieu à des discours et à des pratiques divergentes; produisant des mondes enfantins différenciés. L’anthropologie contemporaine de l’enfance porte donc sur cette hétérogénéité des expériences et des conceptions socioculturelles de l’enfance et sur la variabilité de ses usages politiques, idéologiques et sociaux (Scheper-Hughes et Sargent 1998). Si elle se consacre à dépeindre cette diversité, l’anthropologie actuelle témoigne aussi de plus en plus des similarités dans les manières par lesquelles les structures économiques et politiques affectent les vies des jeunes personnes dans un monde de plus en plus instable et polarisé. La CRDE constitue à ce titre l’effort le plus notoire de définition des similarités de l’enfance; ce faisant, elle a constitué les enfants en un groupe ciblé par un même agenda global, à qui l’on assigne certaines caractéristiques identitaires communes et pour lesquels on prescrit des interventions analogues. D’ailleurs, la pénétration de constructions culturelles et formations discursives hégémoniques dans différents contextes donne bien souvent lieu à une redéfinition des enfances et des rôles et responsabilités des garçons et des filles. En somme, dans le cadre d’une anthropologie contemporaine, il s’agit d’analyser la complexité des réalités mondialisées des plus jeunes et les reconfigurations constantes du champ de l’enfance qui s’opèrent, de continuer de problématiser les savoirs, postulats et définitions globalisés qui ont acquis le statut de vérités, et ce, tout en confrontant les relativismes culturels qui sont mobilisés pour justifier les abus et les violences qui s’exercent contre les enfants.
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Martig, Alexis. "Esclavage contemporain." Anthropen, 2018. http://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.085.

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Abstract:
Depuis la fin du XXe siècle, on assiste à un usage récurrent et de plus en plus fréquent de la notion d’esclavage moderne par tout un ensemble d’acteurs sociaux et politiques : organisations non gouvernementales, associations, organisations internationales, médias, gouvernements nationaux… Selon l’Organisation internationale du Travail, il s’agit d’un phénomène touchant plus de 25 millions de personnes et qui génère 150 milliards de dollars de profits annuels illégaux. Face à ce constat, un certain nombre de disciplines (sociologie, économie politique, études des migrations, droit, histoire) en ont fait un objet propre, tentant quelquefois de le définir (Bales 1999) et, parlant d’esclavage moderne ou d’esclavage contemporain, certains ont été jusqu’à évoquer l’émergence d’un nouveau champ d’études : lesContemporary Slavery Studies (Brysk et Choi-Fitzpatrick 2012). Comment expliquer le fait que l’anthropologie contemporaine a quant à elle jusqu’alors produit peu de réflexions sur le sujet ? Le premier élément de réponse a trait à la nature même de l’analyse anthropologique, qui la distingue des autres disciplines des sciences humaines et sociales, et qui considère avant tout les notions émiques mobilisées par les sujets. Dans le cas de l’esclavage moderne, on est face à une notion éminemment politisée et utilisée avant tout par des acteurs associatifs, institutionnels ou médiatiques pour décrire les conditions de travail ou d’exploitation d’autres sujets souvent associés au passage au registre des « victimes ». Ce n’est que depuis très récemment qu’on assiste à l’usage de la notion par les sujets eux-mêmes pour dénoncer leurs conditions de travail, sans doute sous l’effet de sa banalisation dans les discours des acteurs de la lutte contre l’esclavage moderne. L’apparition et la dissémination de cette notion chez les acteurs sociaux et politiques ne sont cependant pas sans intérêt pour l’anthropologie. Elles sont notamment révélatrices de ce que Didier Fassin a qualifié d’« économie morale de notre temps » et de « nouvel ordre moral » mondial (2005) : il s’agit de cette économie morale globale constituée autour de nouveaux intolérables moraux inhérents aux droits de l’homme et à l’invention de la catégorie anthropologie d’humanité dans le contexte postérieur à la Seconde Guerre mondiale. La condamnation morale globale de l’esclavage moderne en est un exemple parfait. Les discours qui la constituent expriment et visent à générer une indignation, tout en ayant fréquemment recours aux registres des « victimes », de la « vulnérabilité » et de « la traite » avec pour effet de nier l’agencéité des sujets en faisant disparaître leurs trajectoires de vie et leurs motivations spécifiques. Comme l’a montré l’anthropologue américaine Alicia Peters (2015), si politisée que soit cette notion, rien n’empêche l’anthropologie de s’en saisir comme objet en étudiant notamment les jeux d’acteurs au cœur des plans de lutte qui en découlent. Peters a ainsi montré comment, aux États-Unis, la moralisation du travail du sexe et de la prostitution forcée a eu pour effet de rendre invisibles ou illégitimes la majorité des cas de traite humaine qui touchent d’autres secteurs : agriculture, usines, restaurants, sphère domestique… Cette moralisation et surreprésentation du travail du sexe et de la prostitution forcée dans la lutte contre l’esclavage moderne, assimilée à la traite d’êtres humains (human trafficking), est caractéristique des pays développés. Le deuxième élément de réponse touche au caractère fourre-tout d’une notion générique qui renvoie à tout un ensemble de situations hétérogènes situées dans des contextes sociaux, historiques et culturels extrêmement différents et dont la complexité, les spécificités et les nuances sont reléguées au second plan dans les discours politiques. En fonction des acteurs, l’esclavage moderne désigne des cas de : mariage forcé, travail forcé, travail infantile, enfants soldats, camps de travail, exploitation sexuelle… et ce, sur toute la planète… Mais pour saisir les spécificités et la complexité des cas étudiés, il faut aussi considérer les formes socioculturelles légitimatrices de la servitude ou de l’esclavage, de son acceptation ou de sa tolérance et les formes de régulation de la domination inhérentes : formes de parrainage, dettes, processus d’altérisation infériorisants… Si les situations dénoncées ont émergé ou ont évolué à partir de formes passées dans un contexte global de précarisation des conditions de travail, et en ce sens sont bien des phénomènes contemporains, il est pour autant impossible de les penser en faisant abstraction de la mémoire des régimes d’esclavages précédents et notamment de l’esclavage transatlantique. Il faut à ce titre distinguer les réflexions sur l’esclavage moderne, du grand nombre d’études anthropologiques sur les descendants d’esclaves, la mémoire de l’esclavage ou les problématiques de réparation. Comme l’a fait remarquer Roger Botte (2005), l’esclavage a toujours été pluriel. Il faut cependant reconnaître que l’une des caractéristiques de l’époque contemporaine est bien celle de la disparition progressive, depuis les abolitions de l’esclavage en tant que statut officiel. C’est en ce sens qu’Alain Morice, au sujet de travailleurs temporaires marocains en France, a utilisé l’expression d’« esclavage métaphorique » (2005), en opposition à l’esclavage historique. Derrière cette distinction s’en cache une autre qu’il est capital de saisir pour comprendre les enjeux des situations qualifiées d’esclavage moderne et leur analyse anthropologique : celle des conditions d’esclavageet dustatut d’esclave. Dans une analyse très intéressante entre un cas d’esclavage domestique en France en 2013 avec un cas d’esclavage datant du début du XIXe siècle, l’historienne Rebecca Scott (2013) attire l’attention sur le fait que, statut officiel ou non, les conditions des situations dénoncées sous l’expression d’esclavage moderne peuvent être identiques à celles de régimes d’esclavage passés. L’attention portée à la nature des conditions est intéressante car elle vient souligner que, s’il est important de conserver une distance face à un discours institutionnel et politisé, il n’en demeure pas moins que dans certains cas l’esclavage n’est pas que métaphorique… Une autre caractéristique liée à la disparition du statut est le fait que les situations observées sont très souvent temporaires, pour des raisons de coûts économiques et dans le but d’éviter de possibles contrôles. Plusieurs auteurs ont, de manière distincte, mis en avant que l’esclavage moderne n’est pas fondé de manière absolue sur des critères raciaux, mais sur des critères inscrits dans des rapports de production (Botte 2005 ; Bales 1999). Comme le fait justement remarquer Julia O’Connell Davidson (2015), si cela est pertinent, il ne faut pas pour autant perdre de vue que la majorité des populations concernées se trouvent dans d’anciennes colonies ou émigrent de celles-ci vers les pays développés. Si la race n’est donc pas l’élément premier à l’origine des formes d’exploitation, celles-ci s’inscrivent pour autant dans une division internationale du travail racialisée et genrée telle que décrite par la sociologie décoloniale, et Ramon Grosfoguel (2014) notamment. À ce sujet, il est intéressant de souligner certaines dynamiques de cette division internationale du travail qui distinguent les formes d’esclavage moderne dans les pays développés et les pays en développement. Dans les premiers, les cas concernent principalement des migrants légaux ou illégaux confrontés à des politiques migratoires qui les vulnérabilisent structurellement. Dans les pays en développement, il s’agit majoritairement et massivement de citoyens nationaux, protégés normalement par ailleurs par les droits associés à leur citoyenneté. La question de l’esclavage moderne se pose alors en termes d’anthropologie des droits associés à la citoyenneté, et de leur performativité, en s’intéressant aux manières dont les critères symboliques à la base de la construction de ces citoyens en tant qu’alter inégaux ont tendance à normaliser la négation de leurs droits comme dans le cas des travailleurs ruraux au Brésil, ou encore des intouchables en Inde, etc. S’ajoutent à cela les exclus des nations issues de la colonisation – là où d’anciens empires ont laissé la place à des nations aux frontières dessinées par les colons –qui constituent une main-d’œuvre potentielle, comme dans la zone située entre la Thaïlande et la Birmanie (Ivanoff, Chantavanich et Boutry 2017). L’un des enjeux spécifiques de la réflexion anthropologiques touche à la méthode d’investigation de la discipline : l’enquête de terrain. Pour la plupart des cas, ou du moins les plus extrêmes, il est quasiment impossible d’accéder aux terrains en question pour y pratiquer une forme d’observation participante. Les difficultés d’accès s’apparentent à celles des terrains de guerre, de combats, de prostitution, de camps de travail forcé, etc. Les recherches de terrain consistent donc le plus souvent à rencontrer et accompagner les sujets postérieurement aux situations pour réaliser avec eux des entretiens. Quand cela est possible, car comme le souligne l’anthropologue Denise Brennan, auteurede Life Interrupted: Trafficking into Forced Labour in the United States, s’entretenir au sujet d’une expérience souvent traumatisante n’est pas non plus sans difficultés ou sans poser de questions quant au rôle de l’anthropologue et de la nature de sa relation avec les sujets du terrain (Brennan 2014). L’un des autres enjeux des analyses anthropologiques, dans des contextes prononcés de vulnérabilité structurelle et face aux processus de subalternisation des sujets par le biais des discours institutionnels, est de faire ressortir l’agencéité des sujets. L’anthropologie, dans sa tendance à replacer les situations étudiées dans les trajectoires de vie des sujets et à donner la parole à ces derniers, possède un avantage certain sur d’autres disciplines pour donner à voir leur agencéité sans perdre de vue pour autant les contraintes structurelles auxquelles ceux-ci font face. L’engagement volontaire de sujets dans la prostitution, de manière temporaire (ou non), pour améliorer leur quotidien matériel, d’enfants au travail malgré leur âge mineur, la migration illégale volontaire par l’intermédiaire de passeurs, la fuite, l’usage des compétences linguistiques ou une volonté de travailler plus dur que les autres, etc., sont autant d’exemples d’agencéité des sujets. Plutôt que de négliger de prendre en considération l’esclavage moderne à cause de son caractère institutionnalisé et sa nature protéiforme, il me semble que l’anthropologie et son regard critique ont un rôle à jouer pour mettre en lumière la complexité des différentes dimensions de ce phénomène et leur enchevêtrement : une économie morale globale, une économie néolibérale précarisant les conditions de travail et une division internationale du travail racialisée, genrée et hiérarchisée entre les pays développés et en développement. Pour ce faire, et apporter une plus-value heuristique, les analyses anthropologiques sur l’esclavage moderne devront s’ancrer dans le contemporain et repenser des catégories analytiques dichotomiques héritées du début des sciences sociales qui ne parviennent plus à rendre compte des situations étudiées : esclavage, liberté, travail libre et travail non libre, etc. Ces catégories ne permettent pas de penser le continuum de situations (allant de libres à non libres) de travail dans lequel les sujets évoluent dans le temps et l’espace, et dont les conditions peuvent, à une extrémité du continuum, être similaires à des régimes passés d’esclavage. C’est dans cet esprit qu’une des voies pour saisir la complexité du social et les dynamiques de ce phénomène si actuel est celle des « situations contemporaines de servitude et d’esclavage » (Martig et Saillant 2017). La notion de « situations » permet en effet de garder à l’esprit que l’objet étudié relève localement des spécificités sociohistoriques et culturelles considérées tout en se « situant » aussi dans le contexte économique, moral, politique et historique plus global : c’est l’articulation de ces différentes dimensions qui permettent de saisir la complexité du social. Enfin, penser en termes de situation a pour avantage de replacer l’expérience liée à l’esclavage moderne dans la trajectoire de vie plus large des sujets, et de saisir ainsi plus facilement leur agencéité. Il s’agit d’une proposition. D’autres voies verront sûrement le jour pour analyser un phénomène complexe qui, loin de disparaître, donne à voir les limites des mythes du travail libre et de la performativité des droits des sociétés démocratiques libérales contemporaines, et en appelle du coup à une anthropologie du contemporain.
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